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Un homme retrouvé mort dans une cage d’escalier : Le procès d’un retraité sur fond d’alcoolisme


L’homme de 65 ans est accusé d’avoir commis des violences ayant entraîné la mort d’un autre homme en 2022.

En plein centre ville de Cahors, un immeuble a été le théâtre d’un drame sanglant. Les faits se sont déroulés rue Fondue Basse le 17 décembre 2022. Aux alentours de 8 h, un des habitants de l’immeuble tombe sur le corps d’un homme de 52 ans affalé dans la cage d’escalier au rez-de chaussée. Il est décédé depuis une dizaine d’heures. Des traces de sang maculent le sol et les murs et mènent à un appartement au premier étage. Celui de Patrick P. Depuis ce mercredi 9 octobre, ce sexagénaire est jugé devant la cour criminelle départementale du Lot pour violences avec usage d’une arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Il encourt 20 ans de réclusion criminelle.

Placé en détention provisoire depuis presque deux ans, Patrick P. nie toujours être à l’origine du décès. « C’est l’escalier, le tueur ! » s’exclame-t-il. Personne n’a été témoin du drame qui s’est déroulé dans le huis-clos de l’immeuble. Interrogé par la police, Patrick P. a expliqué que la victime, Laurent B., était venu lui rendre visite pour lui réclamer de l’argent. Une somme qui varierait selon les versions et ceux qui les racontent, entre 10 et 50 euros. Selon l’accusé, le ton serait monté entre les deux hommes, Laurent B. lui aurait asséné un coup de poing et Patrick P. aurait rétorqué de la même manière avant de lui administrer un coup de canne sur la tête et de le jeter sur le palier manu militari. Il assure qu’à ce moment-là, soit le dernier moment où il l’aurait vu vivant, Laurent B. ne saignait pas. Seul bémol, et non des moindres : les traces de sang découvertes dans l’escalier se poursuivent dans l’appartement, où le désordre laisse penser qu’une lutte s’y est déroulée. Les enquêteurs retrouvent ainsi du sang sur plusieurs objets, notamment sur la fameuse canne mais aussi sur une grosse pierre, sur une lame de hache, sur un radiateur et sur des semelles de chaussures. En outre, les médecins légistes sont formels : ces supposés coups ou une simple chute dans l’escalier ne suffisent pas à expliquer l’ampleur des blessures. En effet, la victime présentait de nombreuses lésions notamment sur le visage, le cuir chevelu, le cou et les vertèbres. C’est la perte de sang au niveau de ses plaies conjuguée à la fracture de plusieurs côtés ayant entraîné une détresse respiratoire, qui ont causé la mort de Laurent B.

L’affaire sent tristement l’alcool. Lors de la garde-à-vue, l’accusé avait 0,76 mg d’alcool par litre d’air expiré. Quant à la victime, le médecin légiste a relevé lors de l’autopsie 1,84 g d’alcool par litre de sang dans son corps, ainsi que des traces de THC, signe d’une consommation récente de cannabis. De l’avis de tous les témoins, les deux hommes souffraient d’une véritable addiction et avaient même augmenté leur consommation d’alcool dernièrement. Vivant dans le même quartier, ils se connaissaient depuis plusieurs années. Laurent B. était originaire de Pradines et avait passé toute sa vie à Cahors. Désocialisé, il vivait avec peu de revenus et demandait régulièrement des aides financières à ses parents. Ses proches venus témoigner à la barre s’accordent pour dire qu’il était une personne « gentille ». Sa mère s’est constituée partie civile. Toute vêtue de noire, elle apparaît dévastée par la perte de son fils. « C’est vrai qu’il avait une addiction à l’alcool, mais il n’était jamais méchant. C’était quelqu’un de calme, qui aimait la vie. Je suis certaine qu’il s’est laissé entraîné, il était influençable », confie-t-elle entre deux sanglots. « Il était humble, fidèle en amitié, serviable, foncièrement non violent. Je ne l’ai jamais vu se bagarrer », ajoute un ami d’enfance. La vision livrée par la compagne de Laurent B. est un peu différente. Si elle confirme qu’il « avait du coeur », elle raconte cependant l’avoir déjà vu devenir violent sous l’empire d’un état alcoolique « quand quelqu’un n’était pas d’accord avec lui ». De plus, selon elle, Laurent B. considérait Patrick P. comme son ami le plus proche.

Dans le box, l’accusé porte une grosse veste à carreaux qui recouvre sa carrure massive. Ses cheveux coupés ras et sa barbe fournie sont de couleur poivre et sel. Lorsque le tribunal affiche une photo de lui prise par la police le lendemain des faits, cheveux hirsutes encore bruns et oeil au beurre noir, on peine à le reconnaitre. Ancien militaire, ancien toxicomane, ancien détenu, ce père de deux enfants, dont une fille décédée dans un accident de voiture il y a dix ans, semble avoir eu plusieurs vies. A peine sorti de l’adolescence, il s’engage dans l’armée « pour voir autre chose », puis enchaîne les métiers et les lieux de vie au gré de ses relations amoureuses. « C’est un compagnon agréable. Nous sommes ensemble depuis 2003 », souligne sa compagne actuelle. Devant la cour, celle-ci est bien obligée d’admettre la forte quantité d’alcool ingurgitée chaque jour par son conjoint : « On buvait deux litres de vin par jour, aux repas. Ça s’était intensifié les derniers temps ». Quand on l’interroge sur cette consommation excessive, l’accusé n’y voit aucun mal. « J’aime le vin. Je bois surtout à table. Si je suis contrarié, je vais avoir tendance à pousser ma consommation. C’est une sorte de spleen », explique-t-il au tribunal. Et d’ajouter philosophiquement : « Et puis, à quoi bon vivre à moitié pour vivre cinq ou dix ans de plus. Autant vivre en faisant ce qu’on aime. De toute façon, on vit pour mourir ». Un de ses amis de longue date le décrit comme « quelqu’un d’intéressant, de profond, de franc, avec un caractère de guerrier ». Ses proches assurent ne l’avoir jamais vu être violent. Pourtant son casier est fort de six mentions dont une pour avoir poignardé un homme dans un bar dans les années 1990.

A-t-il eu des gestes similaires à l’encontre de Laurent B. au point de provoquer sa mort ? C’est ce que la cour criminelle devra trancher ce jeudi 10 octobre au cours de ce deuxième et dernier jour de procès.

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