Sibelle, le baroud de Bayrou, les vignes arrachées et les attaches lotoises d’Eric Neuhoff
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ La classe politique effectuant sa rentrée une semaine avant les écoliers, collégiens et lycéens, le Premier ministre François Bayrou donne une conférence de presse où il répète que le pays est au bord du gouffre, menacé par une dette qui enfle chaque jour. Il répète qu’un effort de plusieurs dizaines de milliards est nécessaire, comme il l‘avait fait avant les vacances, et que le budget 2026 devra être synonyme d’efforts voire d’austérité. Les journalistes s’apprêtent à prendre congé quand celui qui est resté maire de Pau décide d’abattre un ultime joker. Il sollicitera la confiance des députés le lundi 8 septembre. Aussitôt chacun sort sa calculette et la conclusion est vite trouvée : dans la configuration actuelle de l’Assemblée, sauf miracle, c’est la défiance qui devrait l’emporter. Bref, Monsieur Bayrou n’attend pas une éventuelle motion de censure. Il choisit lui-même d’aller au devant de ses juges et avec une forme de bravoure surjouée, préfère prendre le pays à témoin. « Il pense qu’il restera ainsi dans l’histoire comme ayant prévenu qu’après lui et ses remèdes de cheval finalement retoqués, le déluge qui suivra ne pourra lui être imputé » conclut ma protégée féline. Au bout du compte, alors qu’un mouvement social appelant au bloquage du pays est prévu dès le 10 septembre, les manifestants défileront vraisemblablement contre un gouvernement démissionnaire, un chef de l’État obligé de reprendre la main mais ne possédant plus guère de cartes. Bref, on ne sait plus trop où l’on va. Enième nouveau Premier ministre ? Nouvelle dissolution ? Et on n’a même plus de Pierre Dac pour en tirer un proverbe dont l’humoriste et résistant avait le secret : « L’avenir, c’est du passé en préparation… » Avec Sibelle, on s’en remet aux valeurs sûres. Direction le marché. Il reste encore de belles tomates, de beaux melons, de belles pêches pour ne pas perdre pied complètement.
Mardi._ Petite promenade sur la voie verte entre Mercuès et Douelle. L’occasion d’observer les cicatrices provoquées par les arrachages de vignes dans le paysage qui borde l’ancienne voie ferrée (notre article paru mercredi). Arrivés à Douelle, cependant, depuis la passerelle qui enjambe la rivière pour rejoindre la rive gauche, nous voyons avec Sibelle quelques bateaux continuant à descendre ou remonter lentement le Lot, et depuis les berges, des jeunes se baigner joyeusement (à entendre leurs cris et leur rires). Les vacances ne sont pas finies. Entre la langueur d’une fin d’après-midi encore ensoleillée et ces quelques signes attestant que tout le monde n’est pas encore rongé par la morosité, on se dit que rien n’est perdu. Ma tigresse cite Balzac : « L’espoir est une mémoire qui désire. »
Mercredi._ Cette fois, c’est le ciel qui nous interpelle. La canicule semble déjà loin. Le département est placé en « vigilance orange » en raison de risques d’orages violents. De fait, dans la nuit, on entend de belles averses s’abattre sur les hauteurs du vieux village et le tonnerre gronder. Pas de dégâts majeurs toutefois par chez nous à déplorer au petit matin. Seul un sentiment un peu nostalgique. Il faut ressortir les pantalons, les blousons et les baskets pour aller chercher le pain. Sibelle, qui n’a jamais compris à quel point le port des espadrilles voire des tongs peut être synonyme de farniente même quand on est coincé devant son bureau et son clavier, fronce les sourcils et décide de maintenir sa tournée matinale dans notre jardinet. Elle, c’est le pétrichor qu’elle adore. Et les chats ont du nez (ou de la truffe), ça c’est sûr.
Jeudi._ On apprend que le journaliste, écrivain et critique de cinéma Eric Neuhoff présidera le banquet des « anciens » du lycée et du collège Gambetta, le 7 septembre prochain. Il fut élève de l’établissement avant de monter à Paris et évoque Cahors dans certains ouvrages. Dans « Rentrée littéraire », en 2022, on lit par exemple : « Je suis revenu boulevard Gambetta où dormait mon enfance. Il est toujours en pente ». En 2022, toujours, il annonçait à nos confrères de France Info : « J’écrirai un roman qui se passe en province dans les années 70, encore de la mélancolie peut-être, qui s’appellera « Cahors sous la pluie ». Moi, il me faut le titre, mais surtout la première et la dernière phrase et ensuite, on remplit les blancs. C’est très facile. » Considéré comme un brin réac et héritier des Hussards, Eric Neuhoff a beaucoup oeuvré par ailleurs pour défendre Françoise Sagan. En 2002 il avait initié une pétition réclamant la clémence alors que la romancière née à Cajarc avait été condamnée pour fraude fiscale. D’où cette envolée : « Françoise Sagan doit de l’argent à l’État, (mais) la France lui doit beaucoup plus : le prestige, le talent, un certain goût de la liberté et de la douceur de vivre… » Le Lot ne fut pas seulement le repaire des surréalistes. Des auteurs qui ne manquent pas de hauteur, oscillant entre nostalgie et mélancolie sardonique, y ont aussi une part de leurs racines.
Vendredi._ Vous voulez une bonne nouvelle pour conclure ? Voici un résumé du dernier communiqué de « Santé publique France » qui observe un regain de la circulation du Covid « avec une augmentation de 18 % du nombre de passages aux urgences et d’hospitalisations durant la semaine du 18 au 24 août 2025 pour Covid-19 chez les adultes, en particulier chez les 75 ans et plus ». Sibelle pousse un soupir. « Sortons les masques, sortons les casques… Ce n’est encore aujourd’hui que l’actualité va nous laisser en paix… » Bon week-end quand même !

