Sibelle attend 2019 avec impatience
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
– D’ordinaire si bavarde, toujours prompte à mettre son grain de sel surtout quand on ne lui demande rien, ma chère Sibelle en est restée bouche bée, les moustaches et les oreilles en berne. Et moi pareil. Le drame terroriste de Strasbourg est apparu comme une sorte de point de non retour au cœur d’un mois de décembre décidément si grisâtre qu’il est devenu noir comme le deuil en quelques secondes, le temps que les chaînes d’info nous annoncent que la mort s’était invitée sur le marché de Noël de la capitale alsacienne. Des rues que je connais si bien. J’ai été étudiant un an là-bas, au milieu des années 80. J’ai raconté à Sibelle comme est charmant, pourtant, le centre ancien, comment certains soirs, après une bonne flammekueche, je me réchauffais pressant le pas pour regagner mon studio, suivant les quais de l’Ill. Le courage du taxi braqué par le tueur et celui de ses collègues, qui se sont relayés toute la nuit de mardi à mercredi pour ramener chez eux, gratuitement, les visiteurs du marché pris au piège, m’a particulièrement ému. Car chaque dimanche soir, vers minuit, descendant du Calais-Bâle, avec trois autres étudiants, nous retrouvions nos pénates en taxi. Les chauffeurs acceptaient qu’on s’entasse et qu’on se partage le prix de la course. Ils auraient sans doute préféré transporter quelqu’un à l’autre bout de la ville, avec un bon pourboire à la clé. Mais ils ne disaient rien. Ils nous souhaitaient même une bonne semaine. Alors avec Sibelle, à notre tour, à tous les Strasbourgeois, nous disons notre solidarité. Joyeux Noël. Quand même… Et vivement 2019 !
– Le reste de l’actualité évidemment semble presque dérisoire. Dans le Lot ou ailleurs. Saluons cependant l’initiative de la municipalité de Figeac qui, en ces temps difficiles, apporte « son soutien au commerce de proximité » en élargissant la gratuité du stationnement à l’ensemble des parkings de la ville du jeudi 20 au samedi 22 décembre (*). « La mesure sera valable par tranche de deux heures pour éviter « les voitures ventouses » et faciliter les rotations » ai-je lu sur Medialot. Réflexion de Sibelle : « Dire qu’ailleurs, des élus suggèrent que le stationnement payant est censé aider le commerce… Qui a raison ? » Bonne question.
– Un conseil de lecture pour conclure, avec le sourire, cette chronique au ton plus sombre que d’ordinaire. Il s’agit du dernier ouvrage de Pierre Patrolin, un auteur au parcours singulier. Il a travaillé pour la télévision tout en essuyant les refus polis des éditeurs avant qu’un premier manuscrit soit accepté par Paul Otchakovsky-Laurens (disparu tragiquement au début de cette année). Pierre Patrolin a alors 55 ans. Mais « La Traversée de la France à la nage » est un des grands succès littéraires de 2012. L’Obs écrit alors, à propos de l’auteur établi depuis près de Cahors. « On lui trouve un faux air de Jean Rochefort : il partage avec l’acteur une jolie fantaisie, un phrasé travaillé et une noblesse plébéienne, manière presque britannique d’être français. » Son cinquième roman vient de paraître au titre singulier : « J’ai décidé d’arrêter d’écrire », toujours chez P.O.L.. C’est malicieux, truculent même, érudit, et on y découvre que certaines mésanges lotoises ont l’art de contrarier les auteurs qui font semblant de nous faire croire que leur livre sera peut-être le dernier… Un verre de rouge couleur malbec comme rituel et l’inspiration revient au galop, comme le tapotement des doigts sur le clavier. Bravo !
(*) J’apprends in extremis que la ville de Cahors a pris des mesures similaires. Dont acte.