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Qui a tué l’épicière du Levat ?


Une commerçante de 69 ans a été assassinée dans la nuit de Noël sur ce hameau qui borde la Nationale, près du bourg de Saint-Paul-de-Loubressac. Mais on ignore toujours par qui. Le seul témoin est mort sans parler.

C’est la stupeur dans le département. En ce dimanche 29 décembre 1929, après avoir simplement annoncé les faits en quelques lignes dans son édition du 27, le Journal du Lot revient longuement sur la drame qui s’est noué dans la nuit du 25 au 26 décembre sur le hameau du Levat, qui borde la route de Cahors à Toulouse à hauteur de Saint-Paul-Labouffie (qui deviendra en 1942 la commune de Saint-Paul-de-Loubressac). Le reportage est simplement titré, comme le veut la logique en cette période : « Noël tragique. Une femme assassinée ». Puis, le sous-titre situe les lieux : « Dans une maison écartée, entre Lalbenque et Castelnau, on découvre le cadavre d’une sexagénaire tuée à coup de revolver. On croit que ce crime a eu pour mobile le vol. »

Ces derniers mots annoncent déjà la couleur. « On croit… » C’est déjà résumer l’état d’esprit des enquêteurs alors que les faits remontent à plusieurs jours. Il y a bien eu un assassinat. Mais le mobile est encore loin d’être établi. Et pour ce qui est de ou des auteurs, c’est encore plus hypothétique. Et cela va le rester, d’ailleurs. Dès lors, le journaliste de l’époque va se contenter, mais c’est beaucoup, d’expliquer qui est la victime, puis où et comment se sont, a priori, déroulés les faits.

« Sur la route nationale qui va de Paris à Toulouse, à une vingtaine de kilomètres de Cahors en allant vers Caussade, au carrefour où vient s’embrancher le chemin qui conduit à Saint-Paul-Labouffie, s’élève une maison de bonne apparence autour de laquelle s’étend une vaste solitude. Suivant l’expression pittoresque du pays, « l’endroit est peureux ». Les bruits s’y perdent dans la campagne déserte et les appels au secours n’y peuvent troubler que le silence… Dans cette maison habitait Mme veuve Emilie P., âgée de 69 ans. Elle y avait installé un commerce qu’on disait assez prospère et qui tenait à la fois du débit, de l’épicerie et de l’alimentation. Elle vendait aussi de l’essence pour les autos. Pendant la journée et surtout les jours de fête, il y a là quelques va-et-vient de clients et de passants. Dès le soir tombé, c’est le désert. Mme P. était veuve depuis plusieurs années. Son mari est mort accidentellement. Des deux enfants qu’elle avait eus, le garçon mourut avant la guerre et la fille se maria avec M. O., puis mourut, elle aussi, laissant une fille âgée aujourd’hui de 18 ans. Cette jeune fille, aussi débile d’esprit que de corps, demeurait avec sa grand-mère »

Le facteur a donné l’alerte

« Or, jeudi matin, en achevant sa tournée quotidienne, M. Brugidou, facteur rural de Saint-Paul-Labouffie, s’arrêta au débit de Mme P. où il avait l’habitude de remiser sa bicyclette. Il était un peu plus de 9 heures. Le facteur assez étonné de trouver portes et fenêtres closes, frappa d’abord. Puis ne recevant pas de réponse, il entra. Dès la première pièce, qui servait de cuisine et de boutique, il vit le corps de Mme P. étendu à la renverse sur le sol. Elle avait au front un trou sanglant et était tombée tout près de la fenêtre. Les membres étaient raides et froids. Elle était morte. Aucun secours n’étant possible, le facteur s’empressa d’informer les gendarmeries de Lalbenque et de Castelnau. Celles-ci accoururent après avoir prévenu le parquet de Cahors. (Le procureur, un juge d’instruction et un greffier) arrivèrent vers midi. Alors commença une enquête sur les lieux du crime. Les investigations ne laissèrent bientôt aucun doute ni sur le fait qu’il y avait eu assassinat ni sur les mobiles du crime. Le commerce de Madame P. passait pour lui laisser des bénéfices et certains renseignements permettent de croire qu’elle devait être en possession, dans sa maison même, d’une somme assez importante. Le tiroir où elle laissait l’argent courant du commerce devait contenir 6 ou 700 francs et l’on n’y retrouve qu’une cinquantaine de francs en pièces ou jetons, alors que diverses personnes lui avaient fait dans la journée des payements de plusieurs centaines de francs. »

L’assassin a dîné avant de quitter les lieux

« A noter aussi que le ou les malfaiteurs ont négligé d’emporter quelques bijoux en or qu’ils ont peut-être jugé compromettants. Quant aux pièces de la maison elles ont été fouillées de fond en comble. Tous les meubles ont été vidés, le linge et les vêtements jetés sur le sol. Un coffre qui contenait peut-être de l’argent a été forcé. Enfin, les magistrats ont retrouvé les reliefs d’un repas que l’assassin s’est offert après le crime et non loin du cadavre de sa victime qu’il n’a vraisemblablement pas eu à toucher. Il a mangé des œufs, du pain et bu de la limonade, laissant le tout inachevé. Il n’y a donc aucun doute que Madame P. a été tuée pour être volée. Sans qu’il soit possible d’en déterminer exactement l’heure, on croit, d’après certaines circonstances, que le drame s’est passé vers 9 heures du soir. La victime s’enfermait, parait-il, d’assez bonne heure et n’ouvrait ensuite qu’avec prudence. Comme on a trouvé son corps tout près de la fenêtre et qu’il est certainement resté à l’endroit où elle est tombée, on suppose que l’assassin ayant appelé du dehors, l’épicière entr’ouvrit sa fenêtre et avança la tête pour répondre ou pour voir. Alors, très près et face à face, le meurtrier tira sur elle le coup de revolver qui lui troua le front entre les deux yeux. La mort fut foudroyante et la victime s’écroula probablement sans pousser un cri. Alors, le meurtrier alla à une autre fenêtre qui ouvre sur une pièce voisine. Il l’enfonça aisément, brisa les carreaux dont les débris sont sur le sol et pénétra à l’intérieur. »

Les gendarmes de Toulouse retrouvent l’argent

« Madame P. vivait avec sa petite-fille, simple d’esprit et qui parle très difficilement. Qu’est-elle devenue en cette tragique aventure ? Dès leur arrivée à la maison, les gendarmes la recherchèrent. La malheureuse était réfugiée, toute tremblante de peur et grelottante de froid dans une chambre du premier étage où elle ne couchait jamais. Tout habillée, elle était étendue sur un lit en face d’une fenêtre ouverte. Il fut impossible, bien entendu, d’en obtenir le moindre renseignement. Elle comprend à peine les questions qui lui sont posées et la peur s’ajoutant à sa débilité l’empêchent même de parler. On se demande si l’assassin ne l’aurait pas fait monter au premier dans le but qu’on devine. Et l’examen médical rapidement opéré par le docteur de Castelnau, donne à croire qu’il y a bien eu violence. Mais c’est un fait qui n’est pas bien démontré. La pauvre petite, accompagnée de son père, a été transportée à l’hôpital de Cahors où on lui donne des soins et où elle sera plus sérieusement examinée. »

La suite du reportage laisse augurer que l’enquête s’annonce très corsée. Les premières investigations menées par les gendarmes locaux sont vaines. Des vagabonds sont interrogés, de même que des ouvriers qui travaillaient à proximité. En vain. L’autopsie n’apporte rien de plus. Puis arrivent des gendarmes de Toulouse. « Au cours d’un examen minutieux des lieux du crime, dont nous avons signalé les principales caractéristiques, on aurait trouvé vendredi une assez importante somme d’argent. Faut-il croire qu’elle a échappé au criminel ? Ou bien faudrait-il supposer que la fouille des meubles accomplie par lui ne serait qu’une « mise en scène », destinée à faire croire au vol, alors que le vrai mobile de l’assassinat ne serait pas celui-là ? La situation de Madame P. était prospère. A son commerce d’épicerie, de débit, d’alimentation et d’essence, elle avait joint celui du ramassage des œufs qu’elle faisait pour le compte de divers courtiers. Brave femme, travailleuse, elle était estimée de tous et cette sympathie générale contribuait à achalander sa maison. Toutefois, à son âge il lui était difficile de lui donner l’extension qu’elle était susceptible de prendre et l’on pouvait croire que ce commerce tenu par une personne jeune se développerait encore et donnerait de plus importants résultats ! C’est du moins ce qu’on raconte dans le pays… Les enquêteurs s’efforcent de déterminer aussi exactement que possible l’heure à laquelle le crime a été commis. Pour cela, jusqu’ici, on ne peut guère se baser que sur des indices et des probabilités. Et l’on croit qu’il eut lieu le soir avant l’heure du coucher. Cette opinion est basée sur le fait que Madame P. était habillée, de même que la jeune fille. En outre, on a remarqué que deux briques, dont la veuve se servait pour chauffer son lit et celui de sa petite-fille, se trouvaient dans le foyer près de l’âtre. Un témoin dit bien que le jeudi matin, vers six heures, il remarqua en passant de la lumière filtrant à travers les volets. Mais cela prouverait simplement qu’une lampe qu’on a trouvée sur la table de la cuisine brûlait encore à cette heure-là. »

Un « cold case »

L’article explique ensuite que l’examen médico légal de la jeune fille n’a pas permis de savoir si la malheureuse aurait été violentée pendant la nuit du crime. Que le Parquet fait rechercher des rôdeurs et vagabonds dont les signalements lui ont été fournis et qui ont été vus ces jours derniers aux environs. Et il se conclut ainsi : (les gendarmes de Toulouse) « ont entendu de nombreuses personnes de la région qui connaissaient la victime. Toutes s’accordent à faire l’éloge de la femme P., qui vivait aisément de son débit et de son épicerie. Elle passait pour avoir réalisé d’assez importantes économies qu’elle gardait chez elle. Certain jour, un honorable habitant de la commune lui fit observer qu’elle était imprudente de garder chez elle 8 à 10 000 francs… »

Voilà. On n’en saura jamais beaucoup plus. L’enquête étudiera toutes les pistes. Des dizaines de personnes vont être interrogées. On essaiera, vainement, avec l’aide d’une enseignante spécialisée, de faire parler la jeune fille. Dans les semaines qui suivirent, des coups de feu tirés à Catus quelque temps après le crime commis à Levat ont été un temps liés au crime. Mais les deux dossiers furent dissociés après vérification. Les semaines, les mois, les années ont passé. En 1931, la petite-fille, seule témoin, est décédée de mort naturelle. Sans qu’on puisse être formel sur le mobile, puisque les économies de la victime ont été retrouvées. Des expertises scientifiques (comme on pouvait l’entendre à l’époque) n’ont pas mis au jour d’empreintes ou d’indices. Après ce grand article du 29 décembre 1929, Le Journal du Lot a d’abord publié quelques articulets pour signifier que les pistes n’aboutissaient pas. Puis que les rumeurs n’avaient pas lieu d’être. Et puis… Et puis plus rien. Sauf erreur de notre part, on n’en a jamais su davantage. L’assassin de l’épicière n’a pas été identifié. De nos jours, on aurait parlé de « cold case ». Quant à la presse nationale, qui avait également fait état de ce fait divers hors norme, elle ne s’est plus repenchée ensuite sur le hameau du Levat.

Sources : archives du Lot.

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