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Tribunal de Cahors : Une boutique de CBD en pleine tourmente judiciaire


Une boutique de CBD était jugée par le tribunal de Cahors pour détention, cession et acquisition de stupéfiants. En cause : une dizaine de produits de la boutique dont le taux de THC était supérieur à celui autorisé.

« Je n’avais rien à gagner à vendre des produits psychotropes. Sachant que Cahors est une petite ville et que j’ai pignon sur rue, ça n’aurait pas été une bonne idée de jouer au dealer. Je me serais tiré une balle dans le pied ». A la barre du tribunal de Cahors ce jeudi 11 mai, le propriétaire et gérant d’une boutique de CBD se défend de tout acte mal intentionné et dénonce « des erreurs de la part de ses fournisseurs ». Dans le viseur de la police et du parquet, il est accusé, avec son co-gérant, d’avoir vendu des produits contenant un taux trop élevé de THC, la principale molécule active du cannabis, entre octobre 2020 et octobre 2021.

Lors des deux perquisitions menées par les forces de l’ordre dans leur boutique à Cahors, celles-ci ont confisqué 6,2 kg de sommités florales, 500 g de résine et 400 g de poudre. Les analyses ont révélé qu’une dizaine de produits avaient un taux de THC supérieur à 0,3 %, le taux limite légal en France, certains allant jusqu’à 0,63 %. Pour rappel, selon l’Observatoire français des drogues et de la toxicomanie, la concentration moyenne en THC du cannabis est de 28% pour la résine et 13% pour l’herbe.

Pour autant, jugeant que l’élément intentionnel était caractérisé, le parquet a requis 20 mois dont 14 assortis d’un sursis probatoire, 6 000 € d’amende et une interdiction d’exercer une activité commerciale pendant cinq ans pour le premier gérant et 8 mois de prison assortis d’un sursis simple et 5 000 € d’amende et pour le second. « C’est une vente de stupéfiants sous couvert d’une activité légale. Plus globalement, ils ont participé à un danger pour la société », justifie la substitut du procureur, s’appuyant sur le manque de traçabilité des produits vendus à la boutique.

Des peines que la défense conteste, plaidant la relaxe des deux prévenus. « On ne peut pas résumer cette boutique à de la vente de produits illégaux en quantité minime. On reste à des taux qui n’ont aucun effet psychotrope. Ils ont une clientèle mixte de tous âges, origines, milieux sociaux. Certaines personnes âgées viennent se fournir là pour être soulagées, notamment en cas d’arthrose. C’est une boutique qui est là pour faire du bien aux gens, pas pour vendre des produits stupéfiants », assure leur avocate Me Azam. Et de rappeler le contexte : « Ce commerce a ouvert après trois ans de bataille judiciaire  pour faire prévaloir le droit européen. En Suisse, le taux de THC autorisé est déjà à 1% ».

Ces dernières années, les exemples de jurisprudence se sont multipliés et le sujet est en pleine évolution réglementaire. Pourtant, le CBD est toujours au cœur d’un bras de fer entre la France et l’Union Européenne. Tandis que la première s’est longtemps évertuée à classer ce produit parmi les stupéfiants, la cour de justice de l’Union européenne a jugé illégale l’interdiction de sa commercialisation. Selon l’instance, la molécule du CBD n’a pas d’effet psychotrope à condition qu’elle contienne moins de 0,3% de THC. En 2021, un nouvel arrêté français souhaite tout de même interdire l’utilisation des feuilles et des fleurs de CBD à l’état brut, mais celui-ci est immédiatement suspendu par le conseil d’État avant d’être définitivement annulé en décembre 2022. Désormais, la seule contrainte pour vendre du CBD est donc le taux de THC, maintenu à 0,3%.

« Quand on monte ce genre d’activité, comment faire pour s’assurer que les taux sont respectés ? Comment assurer la traçabilité ? », interroge le président du tribunal. « On faisait confiance à nos fournisseurs. A l’époque, on achetait principalement en Espagne et Italie dans des sociétés reconnues, de grosses entreprises. Tout ce qu’on achetait était accompagné des factures et analyses », explique le prévenu. « Aujourd’hui, les choses ont changé, on a des analyses beaucoup plus carrées, on essaie de travailler de plus en plus avec des entreprises françaises et même des producteurs locaux. Nous sommes un magasin d’utilité publique. J’ai moi-même testé tous ces produits, je sais qu’ils n’ont aucun effet psychotrope ». Créée en 2020, l’entreprise cadurcienne génère un chiffre d’affaires de 220 000 euros par an.

L’affaire a été mise en délibéré au 8 juin.

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