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Sibelle, le fléau antisémite, la chapelle de Martel et une histoire d’anglicisme 


Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats. 

Lundi._ Plusieurs centaines de personnes, élus et citoyens, ont dit « non » à l’antisémitisme ce dimanche devant la préfecture, à Cahors. Et plusieurs centaines de milliers de manifestants ont fait de même dans tout le pays. Une évidence : aux vieux démons habituels, se sont ajoutés depuis le 7 octobre des réflexes tout aussi inacceptables. Ils consistent à penser que l’on ne peut tout à la fois être horrifié par les atrocités terroristes du Hamas et être solidaire des victimes palestiniennes de la réaction militaire initiée par Israël sur Gaza. Alors on voit réapparaître des profanations de tombes, des graffitis immondes sur les murs, des insultes, des crachats, on voit la peur sur le visage de collégiens qui n’osent plus porter une kippa. C’est à vomir. Comme sont à vomir ceux qui profanent les mosquées, qui jugent un homme ou une femme à son prénom, à sa couleur de peau, ceux qui pensent qu’on émigre le cœur léger en embarquant sur un canot de fortune. Nous vivons une époque consternante. Sibelle tapote sur le clavier et tombe sur une lettre reçue par les fonctionnaires de Vichy en janvier 1943 : « Monsieur, sommes-nous encore en France ? Il nous arrive d’en douter, quand nous circulons dans les rues de Pau. (La ville) a maintenant son ghetto : que des Juifs partout qui parlent ou qui ne parlent pas français, des Juifs gros et gras, pleins d’assurance, de suffisance, des Juifs qui sont ici chez eux, c’est écœurant. Et ils sont comme cela dix, douze, quatorze mille peut-être, s’occupant de leurs petites affaires, de marché noir, faisant monter les prix d’une façon ahurissante, car il faut bien le dire, tout est à eux, tout est pour eux. (…) Aussi on en arrive à se demander s’il ne vaudrait pas mieux être juif que français. » De mêmes insanités ont pu évidemment être rédigées à l’époque dans le Lot. Et encore aujourd’hui, on en lit de pareilles, notamment sur les réseaux sociaux. Et bien évidemment encore, on peut remplacer le mot « juifs » par « arabes », « nègres », « migrants », « pédés »… Alors oui, c’est vrai, il m’arrive de préférer la compagnie des chats. 

Mardi._ Des inondations terribles dans le Pas-de-Calais. Des sinistrés qui quittent leurs habitations à bord de canots. Devant la télévision, avec ma protégée, nous ne pouvons que compatir. Je raconte à Sibelle que j’ai vécu pareil drame dans les années 90 à Charleville-Mézières. La Meuse était sortie de son lit et nous avions quitté notre immeuble grâce à la barque d’un voisin, pêcheur à ses heures. Une autre voisine, elle, avait refusé d’abandonner son trois pièces au deuxième étage. Un pompier lui avait demandé si elle avait besoin de quelque chose. Elle avait répondu sans hésiter : « Je veux bien le journal et des cigarettes. » Le genre humain, c’est quelque chose… 

Mercredi._ Le sénateur Raphaël Daubet lance un appel pour sauver la chapelle de Maraden, à Martel. L’artiste Miklos Bokor, qui avait survécu à l’enfer d’Auschwitz, y a peint « une fresque bouleversante ». Il est décédé en 2019. Sa succession est en cours. Mais le temps fait son œuvre : des infiltrations menacent et l’édifice lui-même, et les fresques. Je lis la notice du ministère de la Culture qui a inscrit le site pour le protéger (façon de parler) au titre des monuments historiques : « Ancien prieuré d’ermites de l’ordre de l’Artige. Chapelle acquise par le peintre Miklos Bokor. Il réalise une fresque monumentale qui couvre l’intégralité des murs intérieurs. La réalisation de cette œuvre contemporaine et gigantesque dans un édifice médiéval qui porte désormais la mémoire d’un homme qui a connu la Shoah et les stigmates d’un chapitre de l’Histoire donne à cette chapelle une dimension universelle et mémorielle. » L’intérêt de l’ensemble n’est pas à démontrer mais un autre souci doit être mentionné. En raison de la fragilité des lieux, le public ne pourrait être admis que de manière très ponctuelle. « On peut rêver » suggère Sibelle. « Peut-être que les héritiers pourraient faire don (ou dation, au sens fiscal du terme) de la chapelle et donc de la fresque. Peut-être que des mécènes pourraient financer des travaux de sauvegarde. Ou alors, à défaut de transférer la chapelle, comme pour la grotte de Lascaux ou celle de Chauvet, on pourrait en concevoir une réplique ? » Si ce n’était le caractère sensible de ce dossier, et en l’occurence, on reprendra même volontiers les termes de la fiche de la base Mérimée, son caractère « universel et mémoriel », on pourrait plaisanter. Le nouveau sénateur aura-t-il le bras aussi long que certains maires de jolis villages perchés de la vallée du Lot ? 

Jeudi._ Nouvelle manifestation d’agriculteurs à Cahors. Du fumier a été déversé devant des bâtiments de services de l’État et de la Région, des portes ont même été murées. Ils se plaignent des contraintes administratives, de la lenteur dans le versement des aides. Ils voudraient vivre décemment de leur métier, qui est souvent une passion. Plus tôt dans la semaine, ils avaient clamé leur courroux vis-à-vis de la grande distribution. Les prix sont tirés vers le bas. On (nous, les consommateurs de base) y est peut-être pour quelque chose. Pourtant à la caisse, les additions sont toujours plus salées. « Même les croquettes ont augmenté » note Sibelle. « Or, si les revenus des producteurs baissent et que les tickets de caisse sont à la hausse, c’est qu’au passage, dans la chaîne, il doit y avoir quelques profiteurs. » Ah bon ? 

Vendredi._ On apprend dans le quotidien local que comme l’Académie française, la toute nouvelle Cité internationale de la langue française de Villers- Cotterêts (récemment inaugurée par Emmanuel Macron) dénonce les collectivités abusant d’anglicismes. L’opération de marketing territorial du département, « Oh my Lot », figure parmi les « mauvais élèves ». « Tout remonte à la Révolution. Si le département avait conservé l’appellation Quercy, bannie alors car elle faisait trop référence à l’Ancien régime, nos élus n’auraient pas eu besoin de jouer sur les mots… » remarque ma protégée. Pas faux. Si vous êtes comme moi, quand vous tapez « Lot » sur votre moteur de recherche Internet, vous arrivez régulièrement sur le site de la compagnie aérienne polonaise ou un organisme de vente aux enchères. Mais les députés du Tiers n’avaient pas Internet. « Et puis pour promouvoir le Lot, sans doute que la maxime de Maurice Faure faisait trop has been » se lamente Sibelle. Qui voudrait passer des vacances ou s’installer dans un territoire dont le grand patron disait : « Nous sommes pauvres mais nous sommes beaux ! » ? J’en connais un : moi ! 

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