Sibelle, le calendrier des pompiers, l’épopée brestoise et les mots de Georges Pompidou à son fils
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ Alors que le pompiers de Cahors ont « officialisé », en marge de la Sainte-Barbe, le passage de témoin entre le capitaine Dorian Munoz et le capitaine Emmanuel Troiani, leur nouveau commandant (la cérémonie avait été reportée cet été en raison des législatives anticipées), nous avons eu la visite, en fin de journée, d’un jeune volontaire. C’était pour le calendrier… Sibelle a jeté un œil sur l’écran du visiophone pour vérifier la qualité de l’impétrant. Puis elle m’a interpellé : « Combien tu donnes ? » J’ai fouillé au fond de la poche de ma doudoune. Il y avait un billet. Comme tout le monde ou presque, avec la généralisation des paiements par carte et même par contact, y compris pour de modestes achats, j’ai de moins en moins de monnaie sur moi. Coup de bol pour le pompier, sinon, j’aurais été obligé de faire un chèque. En uniforme, le volontaire m’a remercié et a rempli un reçu. Je suis remonté avec ledit calendrier après avoir souhaité bon courage à ce soldat du feu, et je crois même avoir ajouté : « Bravo pour tout ce que vous faites ». C’est la tradition. Et c’est toujours le même casse-tête. Combien donner ? Quelle est la juste somme ? Quelques euros, on passe pour un avare. Quelques dizaines, on passe pour un parvenu qui ne connaît pas ou plus la valeur des choses. Certains soir, depuis le bolet (à la belle saison) ou depuis la fenêtre de la salle à manger (en hiver), je regarde la plaine, en contrebas du vieux village. Il n’est pas rare que j’aperçoive des gyrophares sur la route reliant les premiers bourgs viticoles, en rive droite du Lot. Ils clignotent dans la nuit. La plupart du temps, ce sont des véhicules de pompiers. Que ces hommes et ces femmes soient assurés de tout mon respect et de toute ma gratitude. En espérant ne les voir, de près, que chaque fin décembre, pour le calendrier…
Mardi._ Dans un monde toujours plus fou, la belle aventure de Brest en Ligue des Champions dépasse de loin le simple domaine du ballon rond. C’est une leçon qui nous rappelle que l’argent n’est pas tout, que le sport (et qu’entreprendre dans la vie en général) est aussi une affaire de cœur et d’état d’esprit, qu’il n’y a pas de réussite sans de belles et vraies valeurs humaines. Pour autant, pas de naïveté. Cet entraîneur revenu de loin et ces joueurs qui doivent toucher des salaires dix fois inférieurs à leurs adversaires ont aussi du talent. Pensez que Brest n’a pas même un stade homologué pour évoluer au niveau européen et doit donc jouer ses matches « à domicile » chez le rival de toujours, Guingamp ! Il n’y avait pas mieux finalement pour que Brest devienne le Breizhil (comme l’a titré L’Equipe) et dont le représentant de toute une région. Sibelle promet que pour le prochain match des Finistériens, elle se fera confectionner une écharpe spéciale. « Allez Brest ! Vous êtes pauvres, mais vous êtes beaux ! » Oups. Ça ma rappelle la formule d’un certain Maurice Faure. Une citation universelle, donc.
Mercredi._ On apprend la fermeture prochaine de la quincaillerie Astruc, rue Nationale, à Cahors. C’est l’heure de la retraite, pour ces commerçants pas comme les autres qui perpétuaient une tradition de 175 ans, et c’est encore la preuve que le centre de la ville, comme tous les centres de toutes les villes, voit son offre se rétrécir. Les zones commerciales et les grandes surfaces (généralistes ou spécialisées) des périphéries et Internet gagnent peu à peu la partie. Il ne demeure plus guère que des commerces de bouche, des salons de coiffure, quelques boutiques de prêt-à-porter. Et des magasins historiques dont on redoute qu’un jour ou l’autre, ils n’appartiennent plus qu’à l’histoire, justement. Ni Sibelle ni moi n’avons de solution miracle à proposer. On constate, c’est tout. Mais à Cahors, il y a une dimension symbolique qu’il n’y a pas ailleurs. L’enfant célèbre de la ville, Léon Gambetta, est issu d’une famille italienne qui tenait un bazar en face de la cathédrale. Un « bazar ». Le mot a depuis longtemps changé de sens. Mais le sens de l’histoire, on le sait, c’est autre chose…
Jeudi._ La mort d’Alain Pompidou, fils unique de l’ancien président. Le député Pradié, qui fait volontiers sien l’héritage politique de l’homme d’État qui avait choisi Le Lot comme terre de vacances, lui rend hommage : « L’annonce de sa disparition est une immense peine. Il rejoint ses chers parents, Claude et Georges. Il peut être si fier des grandes valeurs humanistes qu’il a su faire vivre dans leur sillage ». Nous retenons, avec ma protégée, la superbe dédicace de Georges Pompidou sur l’exemplaire de « l’Anthologie de la poésie française » offert à son fils, en 1961 : « Mon cher fils. Dans ce monde qui devient le tien, lire, penser, rêver, rire, découvrir, c’est résister. Papa. » Pas mieux. Inégalable, même.
Vendredi._ Nous regardons la télé, en déjeunant, avec ma belle. Prévue en fin de matinée, la nomination du nouveau Premier ministre semble retardée. Sur les plateaux, les journalistes et les observateurs se perdent en conjectures. « Un conseiller m’a pourtant assuré ceci », « un ministre a fait savoir cela », « l’entourage du président dément la rumeur X ou Y »… Tous ont des infos sans en avoir. A Matignon, avant la passation de pouvoir, un tapis rouge et des micros ont été installés. On en est au dessert quand soudain un communiqué en forme de fumée blanche annonce que François Bayrou est le nouveau chef du gouvernement. « Je vais faire la sieste » commente avec insolence ma tigresse domestique. Agrégé de lettres classiques, Monsieur Bayrou aurait sans doute préféré qu’on lui réclame de faire sienne ce précepte de Cicéron : « Les chefs doivent tout rapporter à ce principe : ceux qu’ils gouvernent doivent être aussi heureux que possible. » Chiche ? Y’a du boulot, alors !