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Sibelle, la révolte des paysans et ma grand-mère qui se disait « ruinée » par le remembrement 


Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats. 

– Nul besoin d’égrener les jours cette semaine : c’est évidemment la colère des agriculteurs, leurs manifestations, leurs revendications et une première réponse du gouvernement attendue ce vendredi (et dont j’ignore encore la teneur au moment où j’écris ces lignes) qui a monopolisé l’attention. Et les gros titres des journaux. A défaut de posséder ce que certains confrères dénomment le légendaire « bon sens paysan », j’en appelle donc au bon sens félin de ma tigresse domestique pour tenter de comprendre et d’analyser les événements. Et cela commence par cette question de Sibelle quand elle apprend que jeudi soir, plusieurs sites de notre bonne ville de Cahors ont été « arrosés » de lisier : « C’est quoi le lisier ? »

– Prudemment, je consulte le Larousse : il s’agit d’un « mélange, sous forme liquide, des excréments et des urines des bovins, porcins et ovins, avec quelques débris de fourrage et peu ou pas de litière, et destiné à servir d’engrais ». J’ajoute aussitôt : « Il est évidemment hors de question que tu aies recours à des procédés comparables, quand bien même tu pourrais me présenter des doléances légitimes… » Il y a peu de risques toutefois. D’abord, parce que c’est moi qui ai en charge l’entretien de la litière de mademoiselle, et ensuite parce que quand celle-ci se soulage à l’extérieur, généralement sur la plate-bande ombragée où cohabitent hortensias et autres plantes craignant la chaleur, elle prend plus de temps à recouvrir ce qu’elle a laissé derrière elle qu’il m’en faut par exemple pour descendre chercher le courrier.

– Sur ce, que penser donc de ce qui pourrait s’assimiler à tort ou à raison à une version contemporaine de la Révolte des Tard-Avisés, quand depuis Les Arques et Floressas, des milliers de paysans avaient marché sur Cahors au printemps 1707 ? A l’époque, l’étincelle qui avait mis le feu aux poudres ou la goutte d’eau qui avait fait déborder le vase, c’est selon, avait été l’instauration de taxes sur des contrats de mariage et des baptêmes. En ce début d’année 2024, c’est la fiscalité liée au gazole non routier (GNR) qui a été le détonateur. Mais comme pour les Tard-Avisés, il y avait une multitude de sources de mécontentements accumulés. Le feu couvait. Des revenus souvent indignes et inversement proportionnels aux investissements (financiers et en terme de temps de travail), une accumulation de contraintes liées aux normes sanitaires, environnement, à la gestion de l’eau, une concurrence étrangère jugée déloyale. On en oublie sûrement. Mais Sibelle de noter : « On peut les passer en revue mais précisons tout de suite qu’il y a une différence majeure avec 1707 : la jacquerie des paysans de la Vallée du Lot avait été sévèrement réprimée, et face aux Dragons du roi, le peuple des campagnes avait fini par faire demi-tour. Or, cette année, contrairement à ce que l’on a vu pour d’autres manifestations, ni CRS ni gardes mobiles. Je dis ça, je dis rien. » Et de s’en retourner faire sa curieuse sur le muret du bolet qui donne à la fois sur la rue et sur notre jardin. C’est son spot de prédilection. 

– Elle m’abandonne au moment où j’allais tenter, à mon très humble niveau, de vous livrer mon point de vue. Les agriculteurs ont-ils raison de se plaindre de leurs maigres revenus ? Evidemment oui ! Peut-être faudrait-il dès lors que leur production soit payée au juste prix. Et pas seulement abandonnée soit à la seule loi de l’offre et de la demande (ce qui permet à d’aucuns, qui ne mettent jamais le pied ou la botte dans une ferme, de spéculer), soit au seul bon vouloir des intermédiaires et des distributeurs. Ont-ils raison de se plaindre des normes ? Evidemment oui si l’on évoque les contraintes qu’elles induisent, alors que le numérique et la dématérialisation devraient économiser en paperasse. Mais sur le fond ? Peut-on faire comme s’il n’y avait pas d’impératifs environnementaux ou sanitaires ? Peut-on se passer de nouvelles règles sur la gestion des ressources en eau alors que les sécheresses se multiplient autant que les inondations ? Gardiens précieux de notre patrimoine naturel et de nos paysages, les agriculteurs, dans leur immense majorité, n’utilisent pas des engrais ou pesticides par plaisir, pas plus que des produits vétérinaires pour leurs bêtes, et ne pompent pas de l’eau dans des nappes toujours plus fragiles par facilité. Mais il y a un équilibre à trouver. C’est à la modernisation de l’agriculture que l’on doit de pouvoir nourrir un pays qui est passé depuis la dernière guerre de 40 à plus de 65 millions d’habitants. Cependant, puisque j’ai bientôt 60 ans, j’ai connu la crise de la vache folle. Un électrochoc pour ceux qui en doutaient encore : le progrès, oui, mais recourir à des farines animales pour nourrir des herbivores, non. Je résume là de manière simpliste ce que fut cette tragédie. Mais au fond, qui n’a pas saisi alors que collectivement, nous devions – avec les producteurs eux-mêmes – nous engager dans un modèle agricole plus raisonné ? 

– Et il y a enfin la question de la concurrence étrangère, des importations. Nous exportons certains produits (nos vins d’appellation Cahors ou nos bocaux de foie gras, par exemple), nous ne pouvons donc pas fermer nos frontières. Mais de là à accepter qu’à côté des fruits ou viandes arborant le drapeau bleu-blanc-rouge, dans les étals, des fruits ou viandes venus d’ailleurs, dont on ignore les conditions de production sur le plan environnemental et sanitaire, justement, soient proposés moitié prix ?

– C’est dire que rien n’est simple. C’est dire que le fraîchement nommé Premier ministre n’aura pas eu le temps de s’installer qu’il doit « gérer » le conflit sans doute le plus délicat qui soit. Et nul ne sait de quoi demain sera fait. J’évoquais mon grand âge (sourire) tout à l’heure. Vous savez à quoi je pensais ces derniers jours ? Deux souvenirs : gamin, dans la cuisine de ma chère grand-mère ardennaise, j’assiste sans rien y comprendre à une longue discussion, une forme de lamentation interminable… Je saisis que ma grand-mère qui avait hérité de quelques terres entre Sedan et Charleville se dit volée, ruinée, anéantie. Au terme de réunions et de procédures sans fin, au terme du « remembrement », elle avait perdu ses terres les meilleures, elle avait perdu le fruit du travail de ses aïeuls, elle avait été spoliée. Mon grand-père, mon père tentaient de nuancer ses jérémiades, d’esquisser la possibilité de je ne sais quels recours, rien n’y faisait. Le temps a passé. Pas la pilule. Je suis passé longtemps, par la suite, régulièrement, le long des terres en question. Ne sachant plus forcément ce qui avait été alors soustrait au patrimoine ou échangé. J’ai compris alors ce qui contrariait ma grand-mère. Ce n’était pas tant la nature des terres perdues ou gagnées. C’était que cette opération lui fût imposée. Autre scène d’enfance. J’accompagne mes parents qui rendent visite à des amis qui exploitent une ferme, près de Rethel. Je suis haut comme trois pommes mais le monsieur pense me faire plaisir en me proposant de l’accompagner pour aller rentrer les vaches à l’heure de la traite du soir. Il me donne un bâton et me demande de barrer un chemin. Cela ne servait à rien du reste : les bêtes le connaissaient par cœur, le chemin. Elles n’ont même pas fait attention à moi. Mais quand les premières, les meneuses, sont arrivées avant de superbement m’ignorer, j’ai eu la peur de ma vie. Depuis, je voue aux paysans une admiration sincère. 

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