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Sibelle, la gare de Cahors et le « sieste drive »


Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.

C’est une règle certes non écrite que je m’efforce cependant de toujours respecter, et Sibelle aussi : pas question d’évoquer quelque sujet politique ou a fortiori polémique une veille d’élection. Surtout quand le même dimanche sont programmés deux scrutins. Nous ne commenterons donc pas, avec ma protégée féline, la nouvelle visite présidentielle recensée jeudi dans notre cher département. Nous ne commenterons pas le bref séjour de François Hollande, dont la venue nous a-t-on dit et répété, avait été fixée de longue date, bien avant le voyage d’Emmanuel Macron et celui de Gérard Larcher. Non, nous ne dirons rien. Enfin si. Mais c’est une affaire de météo. Pour saluer l’ex-chef de l’Etat, évidemment, il a plu.

Sur ce, jeudi encore, un peu à la façon dont l’extravagant Salvador Dali assurait que la gare de Perpignan était le centre du monde, la gare (ou plutôt l’ancienne gare) de Cahors s’est retrouvée au centre de la France, en tout cas au centre des cogitations des lycéens appelés à passer les épreuves anticipées de français du bac. Parmi les sujets au choix, figurait l’étude d’un poème de Valéry Larbaud titré « L’ancienne gare de Cahors », publié en 1913. « La douce mélancolie exhalant du texte et ses évocations fort imagées, comme celle de « ce quai qu’autrefois balayait la robe d’air tourbillonnant des grands express » ou du « chatouillement léger des doigts du vent dans l’herbe où sont les rails rouges et rugueux de rouille » auront-elles inspiré les candidats, et mieux, auront-elles un impact sur la saison touristique 2021 ? » me demande Sibelle. Je lui réponds que j’en doute quelque peu, ne serait-ce qu’à la lecture de certains commentaires acerbes sur les réseaux sociaux. Le charme de Larbaud est un peu suranné, peut-être, et c’est injuste. Toutes les gares n’ont pas la chance de celle de Charleville, dans mes chères Ardennes, qu’un jeune poète voyou du nom de Rimbaud immortalisa, en tout cas son « square aux mesquines pelouses » et aux « bourgeois poussifs », tels qu’il les apercevait en prenant le train pour Paris, Londres ou Bruxelles, avide d’ailleurs impossibles…

Cependant, outre le bac et les élections de demain, l’autre actualité de la semaine, c’est que sur le plan sanitaire, « la France a rejoint le Lot », selon la formule du préfet qui n’eut jamais à imposer ici le port du masque à l’extérieur (sauf pour les rassemblements, les marchés, les fêtes…). Mais le département est encore en avance pour ce qui concerne la proportion de la population vaccinée. Du coup, avec cet état des lieux encourageant, bien des festivals auront lieu, dans des configurations différentes, soit, mais c’est toujours ça de pris. Pour les amoureux du blues, en revanche, il faudra attendre 2022 : à croire que le mot même n’appelait pas le moindre espoir…

Avec ma tigresse domestique, nous n’avons pas encore complètement calé notre programme. Elle me tanne pour que nous allions à Gignac, pour l’Ecaussystème : j’ai d’abord pensé que c’était la programmation qui l’intéressait ou cette étonnante promesse de pouvoir y « danser debout » (essayez donc de danser autrement !), selon un titre de la presse locale. Et puis, en lisant de plus près, j’ai compris ce qui motivait réellement ma sacrée féline : les organisateurs ont prévu d’autoriser après les concerts un « sieste drive ». Dit autrement, les festivaliers pourront dormir dans leur voiture.

Voilà. Vous avez tout compris. Depuis deux jours, Sibelle ne pense plus qu’à cela. Elle rêve d’aménager sur les hauteurs du village où nous habitons un « sieste drive » permanent où les chats du canton et parfois leurs maîtres seraient autorisés, à toute heure du jour ou de la nuit, à venir se reposer, à s’allonger sur un transat, à rêvasser que cet été qui débute sera sans fin, que toutes les gares sont caressées par l’ébranlement des trains (cf Valéry Larbaud), que nous cessons de nous désirer ailleurs (cf André Breton) ou qu’elle est retrouvée, cette fameuse éternité, puisque c’est la mer allée avec le soleil (cf Arthur Rimbaud). Il me faut tempérer l’enthousiasme de Sibelle : « Il y a un bémol. Puisqu’il y aura foule, évidemment, note bien que le port du masque restera obligatoire dans la file d’attente avant de pouvoir s’installer sur un des transats de notre « sieste drive »… »

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