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Sibelle et les candidats sans étiquette


Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.

Insensibles aux nouvelles aspirations des consommateurs, qui, dans les grandes surfaces comme sur les marchés, souhaitent toujours plus de traçabilité, de notices précises sur l’origine des produits, les lieux de fabrication voire le bilan carbone de ce qu’ils s’apprêtent à acheter, voilà le retour des candidat(e)s sans étiquette. Une spécialité française ? En tout cas, un incontournable des élections locales.

Et c’est donc le cas, dans quelques cantons déjà, pour le millésime 2021 du scrutin départemental programmé fin juin. Face à la majorité sortante conduite par Serge Rigal (divers gauche), auquel le PS a visiblement pardonné son soutien à Emmanuel Macron en 2017 (il y a une éternité, certes !), il n’est certes pas aisé de se positionner. La droite joue profil bas, orpheline de son leader qui a préféré défier Carole Delga au niveau régional (s’il ne part pas favori pour devenir patron de l’exécutif en Occitanie, on observera le moment venu avec intérêt cependant le score dans ses terres du Lot du député LR Aurélien Pradié). Le RN va essayer, dans certains cantons choisis à dessein, de conforter ses positions pour ne pas dire de combler l’écart persistant entre ses performances lors des élections nationales et les scrutins locaux. Et à gauche, on entend au PC comme chez les Verts faire acte de présence malgré le rouleau compresseur que représente la majorité sortante.

Plus tard, les historiens pourront peut-être constater savamment que les premières décennies du XXIème siècle auront été celles de la disparition des radicaux-socialistes et la gauche cassoulet. Encore que. Il y a toujours, dans ce cher Quercy, dans la vallée du Lot comme dans les causses, une forme de résistance à ce déclin. Face aux tourments d’une course folle vers une modernité toujours plus déroutante, le discours d’un Maurice Faure a toujours de l’écho : « Oui, nous sommes pauvres. Mais nous sommes beaux… »

Ses successeurs ne peuvent toutefois reprendre la formule telle quelle. La compétence en matière sociale du Département permet, de fait, d’accompagner ceux qui souffrent de précarité et d’isolement. Mais surtout, Maurice Faure, c’était Maurice Faure. Quand il décide de passer la main en mars 1994, on lit dans Le Monde, qui file une métaphore attendue avec le Pont Valentré : « En politique, le Lot avait un brillantissime architecte : Maurice Faure […]. C’est peu dire que le département tourne la page. C’est la fin d’une ère, celle des monstres sacrés d’un Quercy radical qui a déjà offert à la République Anatole de Monzie et Gaston Monnerville. C’est, surtout, la chronique annoncée d’empoignades fratricides. Le crève-cœur laisse des orphelins taraudés par l’anxiété […]. C’est ainsi : l’art de vivre, ici, a tué les slogans, et ceux qui l’oublient ne comprendront jamais rien au Lot fauriste. Ecoutons donc les bienheureux qui ont assisté aux rituels du congrès des maires du Lot, où officiait le grand maître Maurice. Ils rapportent ces fragments de scène à voix basse, tels des dévots se soufflant à l’oreille quelque sainte parole. Ils racontent un Maurice Faure qui, du haut de son verbe goguenard et, parfois, paillard, envoûtait son millier de convives, fourchettes pointées vers le chapiteau. Il y avait une liturgie fauriste, cette indicible religiosité du terroir, et les maires des petits villages s’y abandonnaient dans un extrême consentement. En écoutant leur Maurice se moquer des puissants de ce monde, lui qui les côtoyait sous les ors des palais, à Paris ou dans les capitales étrangères, ils en oubliaient jusqu’à la précarité de leur cause, ces arpents de rocaille qui n’abritent pas tous une réserve de truffes. »

Sibelle sursaute. Cela doit être le mot « truffes ». Non, finalement, c’est plus pragmatique. Et elle me questionne : « C’est bien beau tout cela, mais quel rapport avec sans candidat(e)s sans étiquette ? » Au fond, je me demande s’ils ne sont pas aussi, consciemment ou non, orphelins de « l’empereur Maurice », pour reprendre une autre formule du Monde. S’ils n’estiment pas que la carte de la proximité, du terroir, du contact humain, enfin, c’est ce qu’ils disent en tout cas, importe davantage que celle d’un parti. Mais c’est le problème : il faut vraiment bien les connaître pour en être sûr. Car parfois, il s’agit aussi de simples sous-marins qui préfèrent avancer masqués, période de pandémie ou pas. Et même quand la rivière est haute, ça finit toujours par se voir.

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