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Invité aux Jeux Olympiques, ce Lotois s’y ennuie


C’est à Athènes que se déroulent en avril 1896 les premiers Jeux de l’ère moderne. Le Lotois Gustave Larroumet, historien de l’art et écrivain, fait le voyage. Mais il s’ennuie au stade et préfère visiter les ruines du Parthénon.

Le 25 août 1903, à l’âge de 50 ans, Gustave Larroumet meurt prématurément en son domicile parisien du quai Conti. Un demi-siècle plus tôt, il a vu le jour à Gourdon avant de collectionner les diplômes, les titres et les honneurs. Ce brillant intellectuel débute à 20 ans comme sous-officier et combat en 1870 contre la Prusse. Médaillé militaire, il reprend ses études. Il songe d’abord à la médecine avant de choisir les lettres. Agrégé de grammaire, il devient docteur ès lettres en soutenant deux thèses (excusez du peu!). La première est consacrée à Marivaux, la seconde à un poète latin désormais oublié, Tibulle.

Le voilà qui enseigne dans des établissements réputés (Stanislas, Henri IV) puis à la Sorbonne. Parallèlement, il intègre la haute administration, d’abord comme chef de cabinet du ministre de l’Instruction publique, puis comme responsable de la sous-direction des Beaux-Arts… C’est à ce titre qu’il est admis à l’Institut. Plus tard encore, secrétaire perpétuel de l’Académie des Beaux-Arts, il sera fait commandeur de la Légion d’honneur. Le brillant Lotois a donc des journées bien remplies. Gustave Larroumet publie durant ces deux dernières décennies du XIXème siècle nombre d’essais et, par ailleurs, se voit confier la rubrique « théâtre » du prestigieux quotidien « Le Temps ». 

Une occasion à ne pas rater

C’est pour ce journal qu’au printemps 1896, on lui propose une mission qui sort de l’ordinaire : faire le voyage à Athènes où doivent se tenir les premiers Jeux Olympiques de l’ère moderne. L’homme de lettres saute sur l’occasion. Mais pas pour le farniente. Pour cet esthète nourri de culture classique, découvrir la Grèce, c’est se plonger aux sources de la civilisation et de l’art. Le sport n’est pas une priorité, quand bien même les foules s’y intéressent.

Il s’acquittera donc de sa tâche non sans expliquer que les monuments mis en valeur par les archéologues ont davantage de cachet que les exercices des « footballistes » (sic). Ses articles et récits publiés par Le Temps seront ensuite réunis en un volume – « Vers Athènes et Jérusalem : journal de voyage en Grèce et en Syrie » – désormais facilement consultable sur Internet. Dans son avant-propos, Gustave Larroumet explique à quel point voyager est important :

« Nous (NDLR : les Français de 1896) avons l’esprit aussi étroit que vif et la vue aussi courte que rapide. Nous sommes remuants et dociles, frondeurs et respectueux. Avec nos révolutions périodiques et la liberté complète de la presse, nous avons plus de maîtres, plus tracassiers et plus gênants, qu’aucun peuple d’Europe. La routine et les préjugés nous dévorent. Nous sommes casaniers ; nous faisons consister le bonheur dans un bien-être mesquin et somnolent, émoustillé par les commérages, les petites vanités et les petites jalousies. Lorsque, par grand hasard, nous passons la frontière, nous emportons avec nous notre misérable esprit de blague vaniteuse. »

« Il y a, dans l’esprit et les mœurs de la France, quelque chose d’infiniment doux, un charme supérieur à tout, qui, au retour, ressaisit et enchante celui qui a quitté la patrie. Mais que de défauts avec cela et qui seraient faciles à corriger avec des vues plus larges et plus fréquentes sur le dehors! Bien des fois, j’ai eu l’occasion de souhaiter, pour mes compatriotes, le sérieux, l’attention, la liberté et l’esprit de l’Anglais, ou même de l’Allemand en voyage… (…) Les deux voyages dont on va lire le récit étaient courts et peu coûteux. Bien des gens, occupés et peu fortunés, pourront les faire, plusieurs entreprises en organisent chaque de semblables. Ils y apprendront que la France et Paris ne sont pas tout l’univers, que la vie ne tient pas tout entière tient pas tout entière dans une sous-préfecture ni même sur le boulevard, ni même au quartier latin. Lorsqu’un certain nombre de ses hommes de lettres, de ses journalistes, de ses professeurs, voire de ses députés, vont chercher chaque année au dehors un peu de liberté d’esprit, d expérience et de comparaison, un pays s’en porte mieux. » On admettra volontiers que sur ce point, notre compatriote n’avait pas tort ! Les moyens de communication en 2024 n’ont plus rien de comparable, mais savons-nous en tirer vraiment profit ?

De très nobles voyageurs, et quelques athlètes

Toujours est-il que voilà donc ce cher Gustave qui embarque à Marseille à bord du Sénégal, un paquebot affecté à l’origine aux liaisons avec l’Amérique du Sud. Il y a du beau monde parmi ses compagnons de voyage. « Ils comprennent des professeurs, des hellénistes et des archéologues – dont l’un, M. Salomon Reinach, nous a donné le plus complet de nos manuels d’antiquités, et un autre, M. Monceaux, a publié avec M. Laloux un grand ouvrage sur les fouilles d’Olympie, – des artistes, des hommes de lettres, des magistrats, des prêtres, des officiers, des médecins, de jeunes ménages, des collégiens et un certain nombre de personnes de tout âge, sans indication spéciale. Toulouse a beaucoup donné, presque autant que Paris ; Lyon, Lille, Orléans, Rouen, la plupart des grandes villes de France sont représentées. Nous avons aussi des professeurs allemands et suisses, un sénateur belge, M. Paul Janson, plusieurs de ses compatriotes, des Anglais. Enfin, un groupe d’athlètes, bicyclistes, coureurs, footballistes et escrimeurs, qui vont concourir aux jeux olympiques. Ils n’ont pas encore revêtu le costume professionnel, mais ils sont reconnaissables, outre leur prestance, à quelques détails particuliers de coiffure ou de chaussure. Pour s’entretenir ou montrer leurs talents, ils grimpent dans la mâture et font des rétablissements sur les rambardes. Quelques Tartarins ont coiffé des chéchias rouges et des casques coloniaux, chaussé des guêtres de cuir ou des knuckleboots. »

Suivent des dizaines de pages où l’auteur narre dans le détail la visite de plusieurs villes grecques, de chantiers, de monuments. Mais il faut bien, à un moment, évoquer le sujet pour ne pas dire le prétexte qui a justifié cette aventure ! On lit donc avec plaisir, voire avec le sourire, ce bref mais savoureux compte-rendu… « Tenez-vous beaucoup à ce que je vous parle longuement des Jeux olympiques? L’agence Havas vous enverra, jour par jour, l’ordre des luttes et les noms des vainqueurs. Je ne dédaigne pas, bien s’en faut, l’institution qu’un de nos compatriotes, M. de Coubertin, vient de restaurer, au bout de vingt siècles, avec un éclatant succès. J’apprécie à leur valeur ces exercices; ils sont excellents pourvu que, dans un système d’éducation assez différent de celui des anciens Grecs, ils ne prennent pas trop de temps aux études intellectuelles. Pour fortifier les muscles de nos jeunes Français, il ne faut pas anémier leur cerveau. J’accorde même, si vous voulez, qu’une course de bicyclettes, au pied du Parthénon, est un spectacle esthétique. Mais, enfin, la course et le saut, voire la discobolie, ne sont pas choses dont la description, pour venir d’Athènes, puisse être bien nouvelle. »

Les concurrents ressemblent « des insectes agités »

Après ces considérations, voilà ce que le Lotois a retenu de son (bref) passage au stade… « Je me bornerai donc à vous dire, en gros, l’aspect des jeux, et ce qu’ils ajoutent à la physionomie d’Athènes. J’ai fait mon devoir et, le lundi 6 avril, à deux heures de l’après-midi, je me dirigeais vers le stade. Il est formé par trois collines, contreforts de l’Hymette. (Du temps) de l’ancienne Athènes, Hérode Atticus l’avait richement revêtu de marbre. Il était en ruines, lorsqu’un Grec, établi en Egypte, M. Abérof, résolut de le rétablir dans sa splendeur première. Cette réfection a déjà coûté un million. Les travaux ne sont pas encore terminés et une partie de l’énorme enceinte n’offre qu’un décor de bois et de toile. Mais, définitif ou provisoire, l’aspect est grandiose. L’ancien stade servait à célébrer les jeux des Panathénées. Devant lui passait la procession que Phidias a représentée aux murs du Parthénon. »

« Lundi dernier, un cortège assez différent remplissait de bruit et de poussière les deux avenues Amélie et Olga, qui conduisent au nouveau stade. Athènes et ses visiteurs s’y confondaient. Imaginez l’avenue du Bois-de-Boulogne, le jour du Grand-Prix. Les équipages bien attelés sont nombreux à Athènes, car les riches commerçants aiment à paraître, et tous roulaient vers le stade en livrée de gala. Dehors aussi les grands fiacres à fanaux argentés. Les cochers de maître, très dignes, faisaient hep ! les cochers de fiacre, très affairés, échangeaient entre eux des « paroles ailées ». Sur la chaussée, beaucoup d’officiers, sanglés dans leur tunique courte et laissant traîner leur sabre, beaucoup de familles bourgeoises apostrophant leurs enfants de noms à la Plutarque, beaucoup de fustanelles venues de loin. Au milieu des fanfares, passaient le roi, la cour et les ministres. Le stade peut contenir cinquante mille spectateurs. Si le centre des gradins regorge, il y a beaucoup de vides sur les côtés. En revanche, le sommet des collines dont les lianes forment l’enceinte, est couvert de spectateurs, qui veulent voir sans bourse délier. Ils se souviennent, en vrais Athéniens, que, dans l’antiquité, les spectacles étaient gratuits. »

L’honneur français est sauf

« Quoique un peu monotones, les jeux excitent beaucoup d’intérêt. Pour moi, je suis placé trop haut ; à cette distance, les concurrents ressemblent à « des insectes agités ». Tel un curieux qui, du haut des tours de Notre-Dame, regarderait un spectacle donné sur le parvis. Sur les gradins plus rapprochés, on voit mieux et on applaudit avec fureur. Les jeux vont durer quinze jours et nous n’en avons plus que trois à passer dans Athènes. Une séance me suffit et je donne le reste du temps aux monuments et aux musées. La plupart de mes compagnons font de même. Il nous suffît d’apprendre, le soir, en nous retrouvant avec les fervents du stade, les péripéties et les résultats des épreuves. Les Américains tiennent la tête, mais l’honneur français est sauf : nos compatriotes ont leur belle part de récompenses, et nous possédons, à bord du Sénégal, un premier prix d’escrime. »

C’est tout. Suit aussitôt une longue évocation de la visite du Parthénon, que celui qui fut également président d’honneur de la Société des études du Lot goûta bien davantage ! Au fond, on l’aura compris, l’essentiel était ailleurs pour la plupart des personnalités composant le brillant aréopage qui avait pris place sur le Sénégal. D’où, encore, des mots de l’érudit natif du Quercy : « J’ai souvent redit en moi-même, avec Maurice Barrès : « Beauté que je n’ai pas épuisée et que je ne reverrai plus…. » Mais on fait ce qu’on peut et je m’estime très heureux d’avoir pu prendre quelques semaines à mon labeur parisien et regarder moi-même, après avoir tant regardé par les yeux d’autrui. Je souhaite donner à ceux qui (me) liront le désir de faire comme moi. Tout voyage est un affranchissement. »

Ph.M.

Sources : site Gallica BNF.

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