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A Cieurac, une maison hantée hantait les esprits… 


En janvier 1926, la presse locale rapporte les déboires d’une famille de Cieurac. Un mauvais sort aurait été jeté sur leur ferme. 

Janvier 1926. Au cœur de l’hiver, le Journal du Lot qui ne passe pas pour verser dans le sensationnalisme, publie une petite bombe. Si la « une » de son édition du 22 janvier est comme d’ordinaire consacrée à l’actualité internationale et nationale, en page 2, sa chronique locale débute par un fait divers pas comme les autres. Le titre est explicite : « Une maison hantée » . Et l’article l’est tout autant. « Les habitants de la petite commune de Cieurac sont, depuis plusieurs mois, vivement impressionnés. Ne rions pas : dans un hameau sis à quelques centaines de mètres du bourg, il y a une maison hantée ! Or, depuis quelques mois, les propriétaires de la maison sont l’objet de toutes sortes de facéties de la part d’un « esprit ». On raconte que cet « esprit » invisible, introuvable, ne cesse de manifester sa présence dans la maison. Quand les propriétaires sont tranquillement assis, au coin du feu, tout à coup des pommes de terre, des poignées de blé, d’avoine, sont projetées dans la maison. S’ils sortent de l’immeuble, ils trouvent, en rentrant, les buffets, l’armoire, les tables changés de place. Une voisine, affirme-t-on, vint, un jour, pour se rendre compte de ces manifestations « surnaturelles ». A peine entrée dans la maison, elle reçut des gifles, des coups de pied quelque part et fut jetée dehors, sans qu’elle ait vu une personne ! Si on ferme la porte de l’étable, cette porte même bien barricadée, s’ouvre tout d’un coup. Les propriétaires quittent de bonne heure, la maison pour aller, le dimanche à la messe : ils trouvent en rentrant le lit fait et la chambre nettoyée. Ces jours derniers, les propriétaires tuèrent le cochon : la bête morte fut suspendue dans la cuisine, à l’endroit habituel. Les propriétaires, peu après, la trouvaient suspendue à l’endroit opposé où elle avait été placée. C’est tout à fait surnaturel ce qui se passe dans cette maison ! Et, dit-on, il a été question de procéder à la cérémonie de l’exorcisation. Le plus drôle, c’est que cette histoire dure depuis plus de 6 mois ! S’il y a des incrédules, ils n’ont qu’à aller à Cieurac ! » 

Même les truffes s’envolent 

Deux jours plus tard, le 24 (le Journal ne paraît que trois fois par semaine), on apprend qu’effectivement, nombre de lecteurs ont suivi le conseil… « La nouvelle annonçant qu’il y avait une maison hantée dans les environs de Cahors, a provoqué un vif mouvement de curiosité parmi de nombreux Cadurciens, qui, jeudi soir, se sont rendus en auto à Cieurac. Dans la journée de vendredi, la petite commune a reçu également des visiteurs qui voulaient assister aux faits « surnaturels » qui se produisent dans la maison […] éloignée de toute autre habitation de 400 mètres. Elle se compose d’une cuisine et d’une chambre au rez-de-chaussée et communiquant entre elles : au-dessus se trouve un galetas auquel on accède par une échelle… » Puis, le journaliste évoque l’aïeule de la famille, âgée de 84 ans : « Cette dernière est depuis longtemps complètement aveugle mais son intelligence et sa mémoire sont restées intactes. La quiétude la plus parfaite régnait dans cette maison jusqu’au 14 juillet. Ce jour-là passa dans la commune, une femme âgée, dépenaillée, qui mendiait. Elle demanda au forgeron un verre de vin. Le forgeron la servit, mais il ne remplit pas le verre.. La femme observa : « Un verre est fait pour être rempli jusqu’au bord ». Sans dire merci, elle partit et se rendit dans la ferme C. (la fameuse maison hantée, NDLR) où elle demanda un gîte pour la nuit. On le lui refusa. Elle grommela : « Vous vous souviendrez du 14 juillet ! » Elle partit. On ne l’a plus revue dans le pays. Mais le mauvais « esprit » est là ! Depuis ce jour fatidique, la quiétude de la maison C. est profondément troublée ! […] Mardi dernier, les propriétaires avaient garni de truffes un panier pour le porter au marché de Lalbenque. Le panier était posé au pied de l’échelle. Quand vint le moment de le prendre, le panier avait disparu et personne n’était entré dans la maison. On cherche, on fouille tous les coins. Rien. » 

Les gendarmes enquêtent 

Suit l’énumération d’autres événements inexpliqués. Avant que le confrère d’alors ne convienne : « On raconte bien d’autres faits ; mais on en raconte beaucoup trop peut-être. » Reste que « tous ces faits impressionnent les habitants de la commune de Cieurac, car ils durent depuis 6 mois et chose curieuse, ils se produisent pendant le jour. Jeudi soir, à la suite de la lecture du « Journal du Lot », plusieurs personnes se rendirent dans des autos à Cieurac. Arrivées au village, l’une d’elles se rendit chez un ami pour demander des renseignements sur les incidents qui se passaient. Pendant qu’elle était dans la maison, ses camarades étaient sur la route et virent arriver un homme d’une « taille excessive » qui passa près des autos et fila d’un pas qui parut….. surnaturel ! Les témoins suivirent l’homme mais celui-ci, tel le diable, disparut tout à coup ! » Le feuilleton se poursuit dans l’édition du 27 janvier. Cette fois, il est fait état d’autres manifestations d’un prétendu esprit, mais aussi de la venue des gendarmes. Les curieux ont été tenus à distance pendant qu’un capitaine interrogeait les membres de la famille. Conclusion de l’article : « On sera fixé bientôt, si, dans l’intérêt des habitants de la maison, on se décide, enfin, à ordonner une enquête. » De fait, les victimes, pour leur part, n’ont pas déposé plainte. 

Des spirites proposent leurs services 

Le 29 janvier, l’hypothèse d’un mauvais plaisant (vite surnommé Lou Rapatou) persécutant la famille semble s’imposer selon Le Journal du Lot. « Quelques visiteurs ont cru devoir se rendre à la « maison hantée ». Ils allaient, mardi, à la foire de Lalbenque, et comme la maison se trouve sur la route, ils se sont arrêtés. Leur visite a été sans résultats : ils n’ont pas vu « lou rapatou » et ils ont poursuivi leur route sur Lalbenque où les appelaient des affaires sérieuses. » Et on lit encore : « Dans tous les cas, l’affaire ne peut être finie que lorsqu’elle sera tout à fait éclaircie. Elle aurait pu l’être déjà, si, comme nous l’avons indiqué, un mandat avait été donné à qui de droit pour enquêter. Aucune plainte n’a été déposée : aucune plainte même ne sera déposée, a déclaré un membre de la famille. Mais est-ce que l’ordre public n’est pas troublé ? Est-ce que plusieurs personnes ne sont pas victimes de brimades inconsidérées qui peuvent influer sur leur santé ? Allons, Rapatou doit être découvert, connu et mis dans l’impossibilité de nuire aux gens de la ferme ». Le 31 janvier, un nouvel article résume les précédents, revient sur la visite des gendarmes et note encore : « Des visiteurs continuent à se rendre, chaque jour, à la ferme. Peine perdue, il n’y a rien à voir, et, comme on le conçoit, ces visites agacent les propriétaires de la ferme. Un habitant de la région contait même que depuis quelques jours, la famille recevait des lettres dans lesquelles des « spirites » offraient leur concours pour chercher et chasser 1’« esprit » ! Mais peut-être que ce voisin exagère ! Bah ! un peu plus ou un peu moins de fantaisie dans cette affaire ça ne compte pas ! » 

Un commissaire diligenté par le préfet 

Les autorités, entre-temps, commencent à s’agacer. Le 5 février, le Journal du Lot rapporte que « le maire de Cieurac s’est rendu à la préfecture du Lot et s’est longuement entretenu avec M. le préfet de la situation créée aux populations de la commune par les événements extraordinaires de la Maison Hantée. Il a été décidé que la police interviendrait pour éviter, si possible, le retour des méfaits de « Rapatou » et subsidiairement de tenter d’élucider le mystère de la ferme. La population de Cieurac éprouvera un vif soulagement en apprenant qu’une enquête va se poursuivre suivant les voies légales. L’opinion publique, vivement émue par le récit des faits étranges dont la famille C. fut si longtemps la victime, réclamait des recherches qualifiées et méthodiques. Il était, en effet, inadmissible, que des faits aussi bizarres et aussi répétés puissent être mis, sans autre forme de procès, sur le compte des puissances occultes. C’est M. Solignac, commissaire de police à Cahors, spécialisé pour le département du Lot, qui a été chargé d’étudier le problème de la maison hantée de Cieurac : on peut s’attendre à apprendre prochainement du nouveau. » 

Affaire de famille ? 

De fait, dès le 7 février, les premiers éléments de l’enquête sont rapportés. « Le commissaire […] a entendu séparément les habitants de la ferme et a tenté d’apporter quelques clartés dans cette affaire embrouillée. Des premiers interrogatoires, il résulte qu’un certain nombre de faits présentés tout d’abord comme inexplicables, examinés sous l’angle de la raison, perdent de leur importance. D’autre part, (les occupants des lieux) semblent se rassurer par degré et l’on a pu obtenir d’eux des précisions de nature à faire écarter à tout jamais l’idée de phénomènes occultes. C’est ainsi que M. B. raconte qu’après avoir été témoin dans la cour de la maison de divers faits qui lui avaient paru étranges au premier abord, il entendit le bruit d’une chute rapide. Le lendemain, s’étant rendu dans le champ situé derrière sa demeure et séparé seulement par un mur à hauteur d’homme, il trouva des traces de pas. Une autre fois, il trouva, des plantations, saccagées dans l’enclos, après avoir eu la sensation d’une chute. On peut donc dire sans exagération que l’on se trouve sur la trace de « Rapatou » ou, plus exactement, de celui qui use de ce pseudonyme. Nous ne voudrions rien dire ici qui puisse gêner l’action de la justice. » Mais évidemment, après une telle formule, on apprend que le commissaire s’est rendu ensuite dans un hameau distant d’une dizaine de kilomètres où habitent des parents de la famille de Cieurac. Et que « divers témoins seront entendus au commissariat de Cahors. Le fils P. (demeurant dans le hameau précité, NDLR), jeune homme de 17 ans, et qui a été présent lors de certaines manifestations bizarres, a été convoqué dans la journée de samedi. » 

Et puis soudain, le silence 

Il faut patienter jusqu’au 26 février pour apprendre la fin (provisoire?). « Et la maison hantée? On n’en parle plus, et cependant l’enquête ouverte au sujet de cette affaire n’est pas close. D’aucuns même disent que 1′ « esprit » n’a pas encore abandonné les lieux, bien qu’il se tienne à peu près coi. A peu près, mais pas tout à fait. C’est pourquoi, il faut bien qu’un de ces jours, on le chasse des lieux où il a opéré avec tant de méchante fantaisie. Et comme, très certainement, cet « esprit », ce Rapatou est fait de chair et d’os, il sera bien marri quand l’enquête sera terminée. Et elle ne le sera pas à son goût, probablement. Mais, pour l’instant, il est à peu près sage, car, même le plus indiscret des visiteurs, des habitants de la commune ne peut pas savoir ce qui se passe… » Ainsi s’achève cette étonnante histoire. En tout cas, plus aucune mention des faits et de l’enquête dans le Journal du Lot en mars, avril et mai 1926. Nous poursuivons nos recherches aux archives. Mais une chose semble certaine : rien de surnaturel dans ce feuilleton qui agita Cieurac et une partie du Lot durant ces premiers mois de l’année 1926 ! 

Philippe Mellet – 

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