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A Cahors, le crash qui fait tache 


En juin 1935, l’inauguration de l’aérodrome de Labéraudie se solde par un accident. L’avion du ministre de l’Air finit dans les vignes. Aucune victime, mais une image ternie… 

En ce week-end des 9 et 10 juin 1935, tout Cahors et même tout le Lot sont en effervescence. Le terrain d’aviation de Labéraudie, qui occupe grosso modo l’actuelle zone pavillonnaire de Pradines au nord-ouest de l’hypermarché Leclerc, dans le prolongement de la zone commerciale, accueille des « Grandes fêtes de l’aviation ». Il s’agit en quelque sorte de l’inauguration officielle de cet aérodrome aménagé déjà depuis quelques mois. L’occasion pour la ville de démontrer sa modernité, son ouverture au monde. On va voir ce qu’on va voir… 

D’ailleurs, le ministre de l’Air en personne est annoncé. Hélas, mille fois hélas, tout ne se passe pas comme prévu. Et les médias nationaux ne vont retenir (comme d’habitude, diront les mauvaises langues) que le train qui n’est pas arrivé à l’heure ou plutôt, vu le contexte, l’avion qui n’a pas réussi à décoller et a failli finir sa course… dans les eaux du Lot. Certes, et c’est l’essentiel, aucune victime n’est à déplorer. Mais ce qui fait vraiment tache, c’est que l’avion qui s’est crashé (comme on ne disait pas encore) est l’avion du ministre ! 

Ainsi, on devine que l’image de Cahors n’en sort pas vraiment grandie. Même la presse de l’Afrique du nord (en l’occurence celle du protectorat du Maroc) se fait l’écho de ce fâcheux accident. Une dépêche d’agence est ainsi publiée à la une du Petit Marocain du 12 juin 1935 : « Le général Denain et Rossi échappent de peu à la mort. L’avion du ministre de l’Air, en décollant
de Cahors, a heurté une ligne d’arbres et s’est écrasé sur le sol. Le ministre et son pilote n’ont pas été blessés. » 

Le vent était rabattant 

Suit le récit des faits. « Après avoir heurté un arbre en décollant du nouvel aérodrome de Cahors-Labéraudie, l’avion du général Denain, piloté par le capitaine Rossi, s’est abattu dans un champ, mais le ministre de l’Air et le glorieux co-détenteur du record du monde de distance n’ont pas été blessés. Après avoir assisté à Dijon au Congrès des Poilus d’Orient, le général Denain s’était rendu à Istres-Marseille avec un avion d’armes. Hier matin, il quitta cet aérodrome à bord d’un bi-moteur de transport rapide, piloté par Rossi, pour aller inaugurer le terrain de Cahors. Le capitaine Rossi réussit à atterrir correctement à la fin de la matinée sur l’aérodrome de Cahors, qui est entouré de collines de 150 à 200 mètres d’altitude, longé par la vallée du Lot et bordé d’arbres. Vers 16 heures, le général Denain décida de repartir pour Marseille où il devait présider le banquet du Tour du Sud-Est aérien de l’Aéro-Club de Provence. » 

« C’est en prenant son vol pour se diriger sur Marseille que le capitaine Rossi ne put, malgré toute sa maîtrise, éviter l’accident. Rentré à Paris ce matin, Rossi a conté ainsi son aventure : – Aussitôt après avoir atterri, je me suis rendu compte que le décollage serait laborieux. Cet aérodrome est situé en quelque sorte au fond d’une cuvette et à 250 mètres d’altitude. De plus, depuis trois jours, l’air n’était pas porteur. Je fis cinq tentatives infructueuses de décollage dans le sens le plus long du terrain, mais avec le vent de travers. Je dus, sur l’avis du général Denain, prier le mécanicien et le radio de mettre pied à terre afin d’alléger notre avion. Je ne parvenais pas à quitter le sol parce que le moteur de gauche tournait à une centaine de tours de moins que celui de droite et que, le vent aidant, notre appareil s’engageait dans un « cheval de bois – et amorçait chaque fois un virage. Je pris donc la décision de décoller dans le petit sens, mais contre le vent. » 

« Le bi-moteur s’éleva avec peine et ne prit pas suffisamment de vitesse et d’altitude dans le vent rabattant, à 90 kilomètres à l’heure, tout au plus, il accrocha des arbres et s’abattit aussitôt. Je ne perdis pas le contrôle de la machine et je réussis à la poser à plat, tant bien que mal, dans un champ, après avoir brisé deux arbres, à dix mètres d’une maison et à une cinquantaine de mètres d’un bois et très près de la vallée du Lot ». 

Le miraculé du poirier 

Et l’article de se conclure ainsi : « Rossi ajouta : « -Nous avons eu de la chance ! » Mais il ne dit mot sur son habileté, l’habileté qui lui permit de réduire cet accident à des dégâts matériels. Le général Denain s’envola une demi-heure plus tard avec un avion militaire de la base de Pau. Au début de la soirée, il présida le banquet de l’Aéro-Club de Provence. » Dans Paris Soir, toujours en date du 12 juin, on insiste encore sur le sang-froid du pilote et, aussi, sur les insuffisances du terrain nouvellement inauguré. « Le général Denain doit sans doute à la maîtrise incomparable de Rossi d’avoir la vie sauve. Le terrain de Cahors est petit et encerclé de collines. En outre, la proximité de la vallée du Lot, située à 100 mètres en contrebas, crée des courants rabattants ; l’avion ministériel, le bimoteur de transport léger Potez 56 s’accommode mal d’un terrain exigu. Le capitaine Rossi fit successivement trois essais infructueux de décollage. L’air, surchauffé, n’était pas « porteur ». Un quatrième essai, après allégement de l’appareil -le mécanicien et le radio furent laissés au sol – fut plus heureux, mais l’appareil accrocha un arbre. Rossi, avec le sang-froid et l’adresse qu’on lui connaît évita de justesse une maison et réussit à poser l’appareil dans une vigne : il était à 50 mètres d’un réseau d’arbres. Et, un peu au-delà, c’était la trouée du Lot, profonde de cent mètres !

Cet accident matériel appelle plusieurs conclusions : – 1° Le terrain de Cahors est trop petit  pour certains  appareils et ses abords doivent être dégagés. 2° Le bi-moteur ministériel serait passé s’il avait eu des hélices à pas variables et un excédent de puissance. Après trois essais infructueux, le ministre eût été sage en donnant l’ordre de renoncer au départ. Il ne faut pas tenter le destin, de crainte qu’il ne se venge cruellement ! » 

Il n’y eut guère que la presse locale pour ne pas trop s’émouvoir. Toujours en date du 12 juin 1935, le Journal du Lot ne consacre que quelques lignes à l’incident, précisant que le ministre avait été ovationné par la foule quand il réapparut sain et sauf. Il est néanmoins noté que le général avait, juste après les  faits, d’ores et déjà conclu à la nécessité d’agrandir le terrain qu’il venait  d’inaugurer pour qu’il puisse accueillir des avions plus puissants. Le 14 juin, toutefois, se faisant l’écho des articles précités, Le Journal du Lot doit revenir sur l’événement. « Inutile de dire combien tout le « monde regrette cet accident et la fâcheuse impression qu’il risque de laisser dans le monde des aviateurs. Mais les regrets sont superflus. Ce qu’il faut c’est effacer complètement cette impression et en détruire l’effet. Pour cela, il n’y a qu’un moyen. C’est de compléter l’aménagement de notre aérodrome, de manière à faire disparaître tous les inconvénients signalés et c’est, ensuite, de le faire savoir à tous ceux qui pourraient en avoir gardé quelque appréhension. » Qu’en termes mesurés ces choses-là furent dites… Et pour finir, toujours dans cette même édition, cette anecdote, comme quoi tout le monde n’oublierait pas de sitôt le fâcheux incident : « Au moment de l’accident, M. B., commerçant à Cahors, était couché sous le poirier qui fut heurté par l’avion ministériel. Il n’a pas été touché, mais il a éprouvé, cependant, une légère… émotion ! » Certes ! 

Ph. M. 

Sources : site Gallica BNF, site des archives départementales du Lot. 

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