Sibelle, la veillée d’armes, les festivals en berne et la côte du Cluzel
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ Dernière ligne droite de la campagne pour les élections législatives anticipées. Je pourrais m’arrêter là. Car nous sommes samedi. Et par tradition, les médias généralistes observent une sorte de pause à la veille d’un scrutin. A la limite, avec Sibelle, on pourrait glisser un ultime appel à la participation. Mais c’est a priori inutile. Le nombre de procurations (en raison des mariages, vacances, examens etc.) et les sondages laissent à penser que l’abstention sera en recul. Et dans ces conditions, celles et ceux qui n’ont pas compris (ou ne veulent pas comprendre) qu’il est important de voter ce dimanche (et le dimanche d’après) seraient forcément insensibles à ce conseil… Alors quoi dire, quoi écrire de plus ? Une petite anecdote peut-être. Le souvenir assez précis de la première fois où, jeune majeur, j’ai accompli « mon devoir électoral ». J’avais fêté mes 18 ans l’été précédent, et le bac en poche, j’étais parti étudier dans la ville universitaire la plus proche, à Reims. J’avais passé mon permis de conduire en automne. C’était l’année de tous les possibles et de tous les mirages, aussi. « On n’est pas sérieux quand on a 17 ans » disait Rimbaud d’ailleurs assez sottement, et je me rendais donc compte, non sans quelques frissons et appréhensions, qu’il fallait l’être quand on en a 18. Bref. Il s’agissait d’élections cantonales. Pas forcément les plus excitantes quand doit voter pour la première fois. Mais peu m’importait, car l’essentiel était bien de participer, de me rendre jusqu’au bureau situé dans une salle de classe d’une école de quartier, de suivre les étapes du rituel démocratique, de brandir ma carte d’électeur, de prendre un à un les bulletins, d’attendre mon tour avant de m’isoler dans l’isoloir, de plier le bulletin de mon choix puis de l’insérer dans l’enveloppe (en tremblant légèrement, l’émotion aidant) et enfin de me présenter devant l’urne, et avec l’aval du préposé, de glisser ladite enveloppe dans ladite urne. « A voté » a claironné le président du bureau ou son assesseur. Voilà. Ce fut en quelque sorte un baptême républicain. Dans la rue, je ne pouvais cacher une forme de fierté. J’étais un citoyen. Un vrai. Le tampon sur la carte en faisait foi. Ma protégée feint d’être émue. Mais elle me réservait une petite vacherie. « Désormais tu trembles toujours un peu dans l’isoloir pour glisser le bulletin dans l’enveloppe. Mais c’est l’âge. »
Mardi._ On apprend l’annulation de l’édition 2024 des Montgolfiades de Rocamadour. Les organisateurs bénévoles manquent de moyens et sont en nombre insuffisant pour encadrer et assurer la sécurité du rendez-vous alors que 50 000 spectateurs avaient été recensés en septembre 2023. Ils réfléchissent à une nouvelle structure pour 2025. Ces derniers mois, on avait appris que d’autres rendez-vous majeurs étaient également annulés cette année : le Cahors Blues Festival et le Festival Traces Contemporaines, notamment. Chaque cas est distinct mais on note cependant des difficultés communes. Le financement, certes, qui se révèle chaque année un festival… d’acrobaties, mais aussi la nécessité de se professionnaliser sans se professionnaliser tout en se professionnalisant. Il y a sans doute de quoi phosphorer. Il y de nouveaux modèles à imaginer. Sibelle me répond qu’il y sans doute d’autres priorités ces jours-ci. Je lui rétorque que je n’en suis pas si sûr.
Mercredi._ Le conte de Noël animalier (à défaut d’être animaliste) de la semaine. Une chienne – elle s’appelle Etoile – qui avait disparu de chez elle – ou plutôt de chez ses maîtres – à Sousceyrac vient d’être retrouvée trois mois plus tard dans le Puy-de-Dôme. Elle a parcouru 200 km. L’alerte lancée et bien relayée sur les réseaux sociaux a permis ce petit miracle. Fabien, un sauveteur bénévole, a joué un rôle prépondérant. Bref, tout est bien qui finit bien. Sibelle écrase une larme. Je suis près de l’imiter. On estime que 75 000 animaux de compagnie disparaissent chaque année. Ou sont volés.
Jeudi._ Le dossier de l’aménagement de la RD 653 au niveau de la côte du Cluzel, sur les communes de Labastide-Marnhac, Trespoux-Rassiels et Villesèque, continue de progresser. Mais il reste encore des étapes avant les travaux, prévus à compter de fin 2025 : enquête parcellaire, acquisitions foncières, travaux liés à l’environnement, fouilles archéologiques préventives… La politique, quand elle touche le concret, confine au travail de fourmi. Mais c’est sans doute celle-là qui change la vie. Non ? Pas que. Certes. Mais quand même.
Vendredi._ Un mot de sport. Avant les Jeux, avant le 8ème de finale France- Belgique à l’Euro de foot lundi, le tour de France cycliste s’élance aujourd’hui de Florence en Italie. Le tracé est très spécial cette année en raison des JO, justement. Sibelle s’inquiète : « J’espère que nos champions ne vont pas être victimes du syndrome de Stendhal. Tu sais, quand on ressent des vertiges devant un tel ensemble de beautés artistiques ! » Je m’empresse de la rassurer. « Ils vont trop vite pour en profiter. En revanche, il y a des vues d’hélicoptère qui vaudront le coup pour les téléspectateurs ! » La campagne toscane me semble de fait plus éblouissante que la campagne électorale. C’est dit.