« Trou blanc » : Une femme jugée pour un accident mortel à Cressensac-Sarrazac
Une sexagénaire était jugée pour homicide involontaire. Un accident de la route qu’elle a provoqué à Cressensac-Sarrazac a mené à la mort d’un jeune homme de 20 ans. Elle assure ne garder aucun souvenir.
« J’ai vu tout blanc et tout s’est arrêté ». C’est la seule explication que cette femme de 60 ans peut donner pour élucider le tragique accident qui a coûté la vie à un jeune homme de 20 ans le 15 juillet 2022. La terrible collision s’est produite en pleine journée sur une route départementale de la commune de Cressensac-Sarrazac. L’automobiliste était jugée ce jeudi 8 février devant le tribunal correctionnel de Cahors pour homicide involontaire.
« Zéro alcool, zéro drogue, pas de soleil rasant, pas de brouillard, elle respectait les limitations de vitesse », énumère le président du tribunal : aucun élément extérieur n’explique l’accident. Un témoin qui circulait sur la même voie que la conductrice a raconté la scène aux gendarmes. Il a vu la voiture se déporter d’abord sur la droite puis sur la voie de gauche. En face, le jeune homme qui arrivait en motocyclette a tenté de l’éviter mais en vain. Le véhicule l’a violemment percuté avant de se renverser. Le jeune homme est décédé sur le coup. « La causalité directe entre le choc et le décès est évidente », souligne le président du tribunal.
La femme n’a aucun souvenir de l’accident, ni des secondes qui l’ont précédé ni des minutes qui ont suivi. « Quand je me suis réveillée, j’avais la tête dans le talus. Les secours étaient là et essayaient de me désincarcérer. Je pensais être seule dans l’accident. Je n’ai appris que le lendemain qu’il y avait une victime », raconte-t-elle en pleurs. Le tribunal explore ses antécédents médicaux. Elle a souffert d’un cancer en 2016 et d’un AVC en mai 2022, mais elle était en rémission du premier et le second n’a laissé aucune séquelle. Les médecins confirment : ces données n’expliquent pas une quelconque perte de vigilance.
C’est justement cette recherche d’explications qui déchire le tribunal. D’un côté la substitut du procureur affirme que la prévenue était consciente. « Elle s’est d’abord déportée vers la droite, puis vers la gauche. Il y a donc eu nécessairement une action de conduite. Pour cela, il fallait qu’elle soit en pleine conscience. Sinon, elle aurait eu un accident seule ». En face, la défense conteste. Me Isabelle Lescure plaide l’irresponsabilité de sa cliente. Selon elle, la cause de la perte de contrôle de la conductrice était soit un malaise vagal, soit un accident ischémique transitoire, une altération de la fonction cérébrale qui dure quelques instants. Les deux sont difficilement repérables lors des examens d’imagerie cérébrale. « Le trou blanc est significatif. C’est ce qu’il se passe quand on s’évanouit, quand on a un malaise. Les gens parlent aussi d’éblouissement. Sans compter qu’il n’y avait pas de traces de freinage sur la route », soutient l’avocate.
Dans la salle d’audience, la mère du jeune homme ne cache pas sa souffrance. Elle l’avait adopté alors qu’il était encore petit garçon. Comment le rappelle son avocat Me Laurent Belou, elle avait l’habitude de dire qu’une femme portait un enfant neuf mois mais qu’elle l’avait porté cinq ans. « De nombreux écrivains ont écrit sur la disparition d’un enfant. Tous ont le même réflexe : il ne faut pas essayer de lui donner du sens, il faut au contraire creuser l’absurdité de cette situation », avance son avocat.
Le parquet a requis 10 mois d’emprisonnement assortis d’un sursis simple contre la prévenue, l’annulation de son permis de conduire et l’interdiction de le repasser pendant 10 ans. Le délibéré sera rendu le 21 mars.