Quand l’évêque de Cahors menaçait l’État du jugement de Dieu
Où il est question du #Lot et des #Lotois sur les réseaux sociaux.
– Si, de nos jours, les relations entre les dignitaires de l’Église et les autorités de l’État comme les élus de la République semblent apaisées, il n’en fut pas toujours ainsi. En juin 1914, à quelques semaines de la déclaration de guerre et d’un conflit qui va durer plus de quatre ans, à Cahors, une autre croisade est initiée. L’évêque Pierre-Célestin Cézerac s’insurge contre la mise en vente aux enchères du château de Mercuès. Sa lettre est notamment reproduite dans le quotidien La Croix. En voici quelques extraits.
– «Le gouvernement annonce, par affiches portant le titre «Vente de biens ecclésiastiques séquestrés », qu’il mettra aux enchères le château de Mercuès et ses dépendances le 11 juillet prochain. Nous déclarons que Mercuès est la propriété des évêques de Cahors, qui, seuls, en justice et en conscience, peuvent en disposer. […] Sauf à certaines heures de la guerre de Cent Ans, durant la Révolution et aujourd’hui, c’est-à-dire à ces moments de la guerre étrangère et des dislocations sociales où la force prime le droit, ils n’ont pas cessé d’en jouir. Ils l’ont aimé, car il fut la demeure de leurs prédécesseurs, en particulier de ce grand bienfaiteur du diocèse dont la Révolution elle-même vénéra les restes, et que la piété populaire honore d’une si touchante manière, le Vénérable Alain de Solminihac. [C’est au] au moment où l’Eglise instruit la cause de béatification du vénérable Alain […] que l’Etat spoliateur met à l’encan la demeure profanée.
– [Après la loi de 1905] «chacun, selon ses dents, se partagea la proie. Les tapisseries de haute lice allèrent à la préfecture et le reste aux brocanteurs. Nous renouvelons la protestation de notre vénéré prédécesseur Mgr Laurans, et nous déclarons que ces tapisseries, sur lesquelles se reposaient, le 13 septembre dernier, les yeux augustes de M. le président de la République et de Mme Poincaré, sont toujours la propriété de l’évêque de Cahors. Leur transfert à la préfecture ne suffit pas à constituer une translation de propriété.
– «Nous protestons contre de tels actes, et nous en appelons à l’honnêteté publique, au jugement de l’histoire et au jugement de Dieu. […] Nous élevons la protestation sereine et irréductible du droit violé. Nous déclarons que l’évêque de Cahors peut seul disposer légitimement de sa propriété. Nous déclarons atteint de l’excommunication quiconque croira pouvoir acquérir l’autorisation de l’évêque de Cahors. Cette peine atteindra indéfiniment tous ceux qui prendront successivement possession de Mercuès à titre onéreux ou gratuit. Nous n’ignorons pas qu’il se trouve des hommes qui rient, avec quelque effort d’ailleurs, de l’excommunication. Cela n’ébranle point notre droit. D’ailleurs les législateurs, les spoliateurs et leurs complices mourront comme nous, et il y a le tribunal de Dieu. Cahors, 14 juin 1914. »
– La vente eut lieu pourtant. Et c’est un professeur de médecine parisien qui l’a acquis au prix de 30 000 F. Dans un document illustré des Archives du Lot évoquant la loi de 1905 dans le département, l’affaire est bien résumée. « Le château, confisqué au clergé, est vendu comme bien national en 1791. En 1800, en raison d’un désaccord entre le préfet – qui occupe l’évêché – et l’évêque, les archives épiscopales sont vendues aux commerçants de Cahors qui les utilisent comme papier d’emballage. En 1862, l’évêque de Cahors rachète le château à titre privé et le donne au petit séminaire de Montfaucon qui le revend en 1867 au nouvel évêque, Mgr Grimardias pour 40 000 F. Ce dernier le lègue par testament à ses successeurs après « l’avoir restauré, embelli, meublé avec amour, et leur avoir préparé une résidence où ils trouveraient un peu d’agrément et de repos et peut-être un refuge en cas de nécessité ».
– «En décembre 1906, après avoir placé sous séquestre les meubles et immeubles de la mense épiscopale par arrêté, le préfet du Lot, accompagné du directeur des domaines, assiste à la pose des scellés sur toutes les portes du château de Mercuès. Mgr Laurans, arrivé en août 1906 dans ce diocèse, demande réparation au tribunal d’instance de Cahors. Il obtient un sursis pour la vente des objets mais en décembre 1907, n’ayant pas pu apporter la preuve que Mgr Grimardias a acquis le château pour son « compte personnel, à l’aide de ses deniers qui ne provenaient point de la mense », il est débouté. Après avoir été vidé (malheureusement l’inventaire reste introuvable), le château et son domaine sont mis en vente le 11 juillet 1914. »
– Pour conclure ce rendez-vous, deux posts sur Twitter nous incitant à rire. Enfin, disons à rire jaune. Le premier est signé de L’Affreux Gnafron (sic), qui appartient à la Team Pyrénées (re-sic). Il cite un tweet d’Alix Van Pée, chroniqueuse intervenant dans l’émission 28 Minutes sur Arte : « À cause du dérèglement climatique, les vins français sont de plus en plus alcoolisés. Les viticulteurs s’adaptent comme ils peuvent aux phénomènes météorologiques extrêmes… ». Commentaire de L’Affreux Gnafron : « – Déroutant mais pas désagréable ce petit rhum ! Antillais je suppose ? -Presque, c’est du Cahors. » Le second est l’œuvre de Richard Le Floch. De passage dans la région il y a quelques jours, il apprend que son train du lendemain ne sera pas à l’heure en raison du mauvais temps. Il interpelle la SNCF : « Demain matin retour sur Paris. La SNCF annonce que le train sera en retard… Cause météo… Je confirme : beau temps sur Cahors et sur Toulouse. N’est-ce pas énorme ? »