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Vignoble de Cahors: Venue des sommeliers de tables d’exception, et après ?


Entretien avec Philippe Lejeune de Château Chambert.

Du 2 au 5 mai derniers, des sommeliers en charge des achats de vin pour de très belles tables gastronomiques ont fait une immersion dans le vignoble de Cahors à l’invitation de l’Union Interprofessionnelle du Vin de Cahors. Philippe Lejeune de Château Chambert revient sur cette initiative et se projette. Analyse.

> Medialot : les sommeliers de tables étoilées sont venus à Chambert la semaine passée, quel est le bilan ?

Philippe Lejeune : c’est l’UIVC – Union Interprofessionnelle du Vin de Cahors – qui était à l’initiative et l’organisation de cette belle rencontre. Pour l’occasion, j’ai prêté notre nouvel espace afin de recevoir ces sommeliers et nos collègues vignerons : Château Lamartine, Domaine Lo Domeni, Domaine Le Bout du Lieu, Rigal. C’était une excellente rencontre en petit comité – Covid oblige – ; chacun a pu présenter la philosophie de son domaine et partager ses vins dans les meilleurs conditions. Les sommeliers et les cavistes sont d’excellents réseaux de prescription, c’était donc excellent que l’UIVC ait organisé ces rencontres ; c’est à refaire sans hésitation !

> M. : Cahors est donc sur un bonne pente ?

P.L. : ça dépend du point d’horizon que l’on considère ! Si nous regardons à court terme, ce qui vient d’être fait est excellent et on est tous partants pour le refaire. Si nous prenons un horizon plus lointain alors tout un tas de problèmes surgissent : le gel de cette année a détruit une très grosse partie du vignoble de Cahors, ça fera des récoltes représentant 10 à 30% par rapport à la normale et encore moins pour certains ; à ce problème financier s’ajoutent les séquelles commerciales depuis plus de 2 ans avec covid-19, gilets jaunes, taxes Trump, Brexit… il y a de quoi affaiblir voire décourager pas mal de domaines.

> M. : c’est beaucoup de malchance, comment Cahors va-t-il rebondir ?

P.L. : si l’on s’intéresse un peu à Cahors on réalise très vite qu’il y a de nombreux atouts fantastiques : pour le vignoble, le cépage Malbec offre une belle palette de jeu et une identité de vin très interessante ; la région a un superbe patrimoine de nature et d’histoire – lisez Dire Lot ! – et attire beaucoup de touristes, regardez les marchés bondés en été ! Après plus de 15 ans à côtoyer les vignerons j’ai pu voir le dynamisme individuel et l’envie de chacun de bien faire et d’échanger. Mais dés que les problèmes surviennent, chacun se recroqueville sur son défi à court terme. C’est normal mais c’est justement là un des piliers de la difficulté du Cahors à se relancer durablement : quand on a une vision pertinente des priorités, aucun évènement (aussi difficile soit-il) ne doit changer ces priorités. Je me souviens d’une discussion il y a plus de 10 ans avec Jérémy Arnaud alors au Marketing de l’UIVC: on parlait du futur de Cahors et j’estimais judicieux de suspendre un temps pour Cahors les gros salons (type Vinexpo) afin de garder cet argent et passer 2 à 3 ans à investir en masse ce budget sur les vignerons via un programme technique très complet pour nous accompagner à monter en puissance ensemble sur l’élaboration des vins et la bonne maîtrise de ce qui finit en bouteille…cela afin de bien solidifier la cohérence de l’offre – en qualité, en cuvées, affiner le travail amont viticulture et vinification/élevage puis marketing et tarifs bien entendu – avant de lancer les actions de promotion vers les prescripteurs. C’est le dilemme classique de vouloir communiquer afin de ne pas perdre de temps. Mon avis reste inchangé : on gagne toujours sur le long terme à commencer par bien se mettre en ordre de marche en interne avant de se mettre à courir. Comme la presse et les journalistes aiment naturellement la nouveauté, c’est le piège facile que de vouloir parler trop tôt de choses pas assez bordées. J’y suis tombé dedans moi aussi bien entendu, ça fait partie de l’expérience !

> M. : quelles sont les grandes priorités du vignoble ?

P.L. : bonne question… Il me semble que sur le plan de la vision et de la définition des grandes priorités à placer au dessus du reste on est actuellement dans une phase d’audit. Cela signifie : audit de la situation, puis définition des objectifs prioritaires…et ensuite, construire un plan de route pour passer de la situation actuelle vers la vision prioritaire. Le défi est que les priorités doivent se choisir sans considérer les problèmes actuels ; c’est souvent le risque dans ce genre d’exercice où chacun est tenté de refuser une vision car cela remet en cause son activité actuelle. Ce sujet épineux est très vite visible sur les sujets du Bio, des crus, de l’oenotourisme. C’est humain : dés que l’on se sent exclus d’une vision (par manque de moyen ou des critères), il est plus facile de la refuser que d’y aller pour le bien de toute l’appellation. C’est normal et c’est un paramètre délicat à bien gérer par le syndicat de Cahors et l’UIVC.

> M. : avez-vous des regrets pour Cahors ou pour Chambert après 15 ans à oeuvrer ?

P.L. : pour Chambert, je n’ai pas de regrets, il faut du temps et des millésimes pour bien se caler ! Pour Cahors, je regrette le manque de pragmatisme pour aborder les sujets importants. Cahors a longtemps rêvé d’avoir des crus… Je pense que cette pertinence est largement dépassée , sans entrer dans les détails, le monde a changé et les urgences sont ailleurs. Cela n’enlève rien à la qualité des gens qui ont poussé ce dossier depuis des décennies, simplement j’estime que c’est une bataille à abandonner ; regardez: après 50 ans on n’est pas encore arrivé à bien installer le nom de Cahors dans le monde…le monde du vin est (trop) compliqué et cela-même est anti commercial ; Cahors devrait se focaliser sur le nom d’AOC Cahors et enfoncer uniquement ce clou…mais au moins enfoncer un clou sans s’éparpiller compte tenu de ses faibles ressources ! Ensuite l’usage de marques commerciales et logos propriété de l’UIVC pourrait largement compenser le besoin de repères de lecture des niveaux de qualité pour les consommateurs et prescripteurs. Dans la même logique d’affaiblissement du nom Cahors, nous avons la déferlante de jeunes vignerons – et moins jeunes – qui surfent sur la tendance des vins de soif, des vins nature… vaste sujet… qui sont très souvent vendus en Vin de France – donc en abandonnant l’AOC Cahors -. C’est un opportunisme commercial mais c’est en même temps une perte de notoriété sur le long terme. La clientèle de ces vins valorise en premier lieu la découverte de nouveaux vins et nouvelles étiquettes, c’est tout sauf de la fidélisation sur une région ni même un producteur ! Ce sont aussi des vins qui globalement ne se vendent pas au delà de 13 euros TTC, c’est un plafond de verre qui ne va pas tirer la grandeur d’une région. Il est normal d’aller sur ce marché pour vendre du vin, mais il faut rester lucide et savoir que cette clientèle ne va pas assurer l’avenir d’une région. Les jeunes qui misent trop sur ce segment vont se réveiller avec la gueule de bois et vont le payer par une dévalorisation de leurs vins de domaine.

> M. : quelle approche serait envisageable ?

P.L.  : je vois une solution simple : stopper d’inviter les journalistes qui viennent pour établir un top 20 des meilleurs vins (et donc mettre à dos tous les vignerons mal classés ainsi que ceux non sélectionnés), mais les faire participer à un projet bien plus intéressant de la renaissance de Cahors tant attendue (et sur plusieurs années) : la priorité est que les vignerons soient ensemble, goûtent, échangent ; créer un vrai vivier de compétences (on a tous de l’expérience à partager…). De ces échanges on doit définir des caps techniques pour mettre en valeur la diversité des vins qualitatifs produits sur le sol de Cahors : certains vignerons font des choses remarquables en vins blancs (vin de pays ou de France), ou en élevages spécifiques (foudres, jarres ou autre) ou en version nature…et bien définissons un ensemble de typicités de vins produits sur nos sols de Cahors que l’on veut créer et montrer avec fierté aux journalistes et prescripteurs… et le faire sur plusieurs années et surtout avoir plusieurs vignerons derrière chaque cuvée…car le but est que le projecteur ne soit pas sur les vignerons individuellement mais sur les vins produits sur Cahors et sortir de vraies grandes cuvées (oublions partiellement la notion d’AOC pour cette vitrine); c’est la seule façon de changer de league et contrôler la presse à couvrir Cahors à notre façon et non la leur, sans cela Cahors restera un vignoble de seconde zone, traité avec condescendance après les primeurs de Bordeaux, la Bourgogne et le Rhône.  Bien entendu, il manque cruellement un évènement d’envergure annuel sur notre vignoble qui met en scène notre vision du Cahors et de son patrimoine : vous avez les primeurs de Bordeaux, les journées de Bourgogne…Cahors doit impérativement arriver à créer une mise en scène de sa singularité qui véhicule sa vision et l’imaginaire lié à Cahors. On doit créer notre propre univers et nos propres règles (en business c’est le fameux océan bleu). C’est simple mais cela demande un plan d’exécution de plusieurs années à établir avec beaucoup de précision et de rigueur, les journalistes ne sont pas nos ennemis bien au contraire mais c’est à nous d’avoir la main ; à nous de leur proposer un sujet qui répond à leur attente d’audience mais qui est en ligne avec notre vision long terme. Cahors doit jouer selon ses propres règles et la première étape est que tous les vignerons mettent en commun leurs compétences – et un peu de raisin ? – pour prouver que nos bouteilles sont de très grandes bouteilles (il y a trop peu de très grands vins à Cahors), le reste suivra et chaque domaine pourra tirer son épingle du jeu ensuite mais pas avant. Bien entendu il y a de nombreux détails techniques sous-jacents (comité de dégustation de l’AOC Cahors, cépages AOC, tarifs, etc) mais cela reste du détail au regard de la vision d’ensemble. Pour ma part, si un tel programme était mis en place, je ne présenterai mes parcellaires et meilleurs cuvées que lors de cet évènement, cela aurait bien plus d’impact et d’intérêt que d’envoyer par la poste et d’être dégusté dans des conditions inconnues à Paris ou ailleurs. Rien ne remplace l’immersion : être dégusté et jugé par des professionnels qui ne sont jamais venus à Cahors ou une fois tous les 10 ans est une pure hérésie qui doit être corrigée sérieusement !

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