Une femme accusée d’avoir abusé de la faiblesse d’une autre pour détourner plus d’un million d’euros
L’argent prêté par la victime devait servir à l’achat et à la gestion d’un restaurant, mais celui-ci a été placé en liquidation judiciaire sans qu’elle en soit informée.
Il est rare d’entendre un procureur de la république douter. C’était pourtant le cas devant le tribunal correctionnel de Cahors ce jeudi 19 octobre. Il faut dire que l’absence de la prévenue, accusée d’avoir abusé frauduleusement de l’état de faiblesse d’une femme pour lui soutirer 1 200 000 euros, n’a pas aidé à éclaircir l’affaire qui s’est déroulée entre 2013 et 2017. La question de la vulnérabilité de la victime était au cœur des débats.
Sur le banc de la salle d’audience, la femme qui se constitue partie civile est entourée de ses trois enfants. Les faits qui sont jugés ont eu lieu après son divorce avec leur père. A l’époque, elle est en grande détresse psychologique. Son avocate évoque des problèmes d’anorexie et de dépression. Une expertise psychiatrique note une « personnalité dépendante » et « un probable état de vulnérabilité qui aurait nécessité la mise en place d’une curatelle ». Financièrement, la femme est dans une situation confortable. Avec son ex-mari, elle avait développé un commerce de vêtements de luxe. Suite au divorce, elle a reçu un million d’euros à titre de soulte ainsi que des fonds de commerce. Alors en rupture avec ses enfants, elle se rapproche d’un oncle, de sa femme et de la sœur de celle-ci. C’est cette dernière qui est mise en cause dans l’affaire.
« J’ai sans doute abusé », avait déclaré la prévenue devant les gendarmes au moment de son audition. Sur la période de prévention, elle a en effet reçu plusieurs sommes d’argent de la partie civile, la plupart par mandats cash ou par virements bancaires via un office de notaire, destinées à l’achat et à la gestion d’un restaurant. Or, alors même que celui-ci était en liquidation judiciaire au bout de quelques mois seulement, la prévenue n’en a rien dit à sa mécène qui continue de lui verser de l’argent. Au total près de 1 200 000 euros transitent ainsi d’une femme à l’autre. « Elle vit sur un amas de mensonges. Elle a tourné la tête de plusieurs personnes », assure un ancien collaborateur de la prévenue à propos de celle-ci.
Pour l’avocate de la partie civile, qui réclame 368 000 euros au titre des intérêts financiers et 15 000 euros pour le préjudice moral, la prévenue a même « alimenté la paranoïa et l’isolement » de sa cliente. De là à parler de faiblesse, il y a un pas. Que ne veut pas franchir le ministère public. « On parle de divorce difficile, de perte de poids, mais ce n’est pas un abus de faiblesse », déplore le procureur de la république qui voit là plutôt des faits de « non remboursement d’un prêt » devant être « jugés par une juridiction civile ». Dans ces conditions, et se disant « très embêté », il préfère ne livrer aucune réquisition. La défense boit du petit lait : « Ma cliente a pu mentir, se présenter sous un autre jour, mais cela ne permet pas de caractériser un état de faiblesse », ajoute Me Brulot.
L’affaire a été mise en délibéré au 14 décembre.