La chambre régionale des comptes salue une bonne gestion malgré un contexte dégradé.
Sur l’immense étagère physique ou virtuelle où s’accumulent chaque jour les rapports imprimés ou numérisés de la cour des comptes et des chambres régionales, c’est peu dire qu’on a déjà lu des exemplaires autrement plus sévères que celui consacré au Département du Lot, « Exercices 2022 et suivants » par les gendarmes financiers d’Occitanie…
Le communiqué de presse qui accompagne sa publication ce lundi 8 septembre est du reste très court et sans ambiguïté. On y lit : « Bénéficiant d’une situation financière saine et confortable en début de période, le département a rencontré une légère dégradation de ses dynamiques financières à partir de 2022 et 2023, accentuée en 2024. En effet, l’atonie puis l’affaissement des produits fiscaux, résultant principalement de la chute des droits de mutation à titre onéreux, n’ont pas permis de contrebalancer le dynamisme des charges alimenté majoritairement par des mesures exogènes et nationales. » On apprécie au passage le sens de la litote des magistrats qui se gardent bien d’évoquer un réel désengagement de l’État, alors qu’ils avaient noté en introduction « la participation des collectivités au redressement des finances publiques… » (sic).
Une approche « prudentielle »
Dans le même communiqué, le rapport constate à propos du Département du Lot que « son épargne se replie mais dans des proportions moindres qu’au niveau national, ses ratios étant généralement (et parfois nettement) meilleurs que ceux de la moyenne de sa strate. Par rapport à la période pré crise covid (2019), ces indicateurs enregistrent toutefois une perte équivalente à 25 %. Si la dégradation de sa situation financière a conduit le département à interrompre sa politique de désendettement continu, il a toutefois disposé d’une capacité de désendettement inférieure à 3 ans jusqu’en 2024 alors même qu’il a investi de manière importante. A fin 2024, en dépit de ces tendances moins favorables, la situation financière du département du Lot demeure satisfaisante et sa dette est sous contrôle. » Et de fait, souligne encore la chambre, qui a intégré dans ses conclusions les réponses apportées par le président Serge Rigal, « le vote du budget primitif pour 2025, présenté à l’équilibre, intègre une approche prudentielle sur ses principales recettes et prévoit une maîtrise ambitieuse de ses dépenses de fonctionnement. Outre l’augmentation pour trois ans de 0,5 point du taux des droits de mutation à titre onéreux, il engage une politique de maîtrise de ses charges et ajuste sa politique d’investissement d’ici 2026. » Et de conclure : « Des réflexions à plus ou moins long terme sont en cours et nécessiteront d’être approfondies. » Comprendre que des « arbitrages » vont s’avérer nécessaires !
Une démographie spécifique
Dans le rapport en tant que tel, la chambre régionale a tenu compte des particularités lotoises, sur le plan démographique notamment : « En l’espace de six ans, la part des 60 ans et plus a crû de 3,3 points et, dans le même temps, l’écart aux moyennes nationale et régionale a également progressé. Le département compte 167 personnes de 65 et plus pour 100 jeunes en 2021 (contre 142 en 2015), soit 25 personnes supplémentaires de plus de 65 ans (+11 au niveau régional pour un indice de 104). Comme au niveau régional, un peu plus de 36 % des personnes âgées de 75 ans et plus vivent seules à domicile. Dès lors, la part des retraités dans la population (38,8 % en 2021) est significativement plus élevée (de 10 à 12 points) qu’aux niveaux régional et national. Sur l’ensemble des revenus disponibles en 2021 sur le territoire, la part représentée par les pensions, retraites et rentes atteint 41,3 %, soit respectivement 10 points et 13 points de plus que les moyennes occitane et nationale. En 2020, un Lotois sur deux a un niveau de vie inférieur à 21 910 € par an, en deçà de ceux de la région (22 010 euros) et de la France métropolitaine (23 080 euros). »
Or, la collectivité départementale a précisément comme compétences la solidarité envers les séniors (aide à l’autonomie), les adultes (via le RSA notamment) et l’enfance en difficulté. Pour autant, elle a pu continuer jusqu’à une période récente d’investir (dans les routes, collèges ou encore la transition énergétique) sans avoir exagérément à s’endetter jusqu’à ce que le contexte change… En 2023, avec notamment la crise du marché immobilier, les recettes fiscales ont commencé à baisser.
Certaines charges en baisse faute de candidats
On remarque, sur le plan des charges, quelques paradoxes : « Les bénéficiaires de l’APA sont progressivement plus nombreux, quel que soit leur mode d’hébergement, en cohérence avec le vieillissement de la population lotoise. Pour autant, le volume des aides directes à la personne a reculé d’1,5 M d’euros en 2023 (-2,1 %), essentiellement en raison d’une diminution de 7 % des montants versés au titre de l’APA. Cette évolution résulte, selon le département, d’un effet conjoncturel sur les plans d’aides APA établis qui ne peuvent pas être tous honorés par les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) dans la mesure où ces derniers peinent à recruter malgré les revalorisations financières opérées ces dernières années sur ces métiers en tension. »
Enfin, est également à noter une augmentation des dépenses de personnel en 2024 que le Département impute pour l’essentiel aux augmentations indiciaires décidées nationalement.
La chambre mentionne du reste que « le coût des mesures externes à la collectivité pèse, en 2024, pour 14,6 M d’euros dans leurs dépenses alors qu’ils bénéficient d’une compensation partielle de l’État à hauteur de 3,7 M d’euros, soit un solde restant à sa charge évalué à 75 % (10,9 M d’euros). »
Pour 2025, « le budget primitif voté apparaît respecter le principe de l’équilibre budgétaire, aucune difficulté sérieuse n’étant constatée pour l’atteindre compte tenu du niveau de l’annuité de la dette à couvrir (52 euros par habitant en 2025) ».
Pour le reste, alors que la situation politique nationale est ce qu’elle est, c’est-à-dire pour le moins incertaine, si la collectivité consent et parvient à réduire ses investissements et ses charges de fonctionnement, de nouveaux reculs ou signes de désengagement du côté des recettes et une dégradation de la situation des ménages d’autre part auront forcément, dans les temps à venir, des conséquences… Ce n’est pas propre au Lot, même si la chambre suggère globalement que sa bonne santé actuelle et sa gestion passée lui permettront au cas où d’aborder certaines échéances de manière moins douloureuse pour les administrés que dans d’autres territoires…
Ph.M.





