Un aigle toujours disparu, et les Labro, des Cadurciens hommes de bien
Où il est question du #Lot et des #Lotois sur les réseaux sociaux.
– A Rocamadour, le Rocher des Aigles est toujours inquiet. Les responsables de cette réserve naturelle (l’un des pôles d’attraction du site touristique développé autour de la cité mariale) ont reposté cette semaine un appel pour retrouver Erkan, aigle bateleur adulte, d’une envergure de 180 cm, qui s’est envolé le 12 mai. « Si vous le voyez : merci de ne pas tenter de l’attraper, essayez de le prendre en photo/vidéo et surtout notez la localisation et contactez-nous immédiatement (…). NB: vous pouvez le confondre avec un milan royal ou un milan noir (…). Nous faisons appel à toute personne qui pourrait l’apercevoir. » Dans les commentaires, on note que l’aigle aurait été vu dans le ciel de Gramat mais aussi, plus au nord, au-dessus d’Objat, près de Brive.
– A noter ensuite cet article dans le Parisien consacré à la « cure de jouvence » dont va bénéficier le Pont Valentré. Nos confrères rappellent : « La dernière restauration du pont , dont la légende veut qu’il ait été construit après un pacte passé avec le diable, remonte à 1860… »
– On enchaîne avec cette vidéo diffusée par le Département du Lot qui appelle le public à participer à l’événement « Voie verte en fête Cahors- Arcambal », le 14 juin prochain (jour de l’inauguration du nouveau tronçon). Il est proposé une randonnée de 5 km sur la voie verte (avec retour en bateau). A cette occasion, on peut également se pencher, toujours via le site du Conseil départemental, sur l’excellent dossier consacré au patrimoine ferroviaire de l’ancienne ligne Cahors-Capdenac, dont la voie verte reprend le tracé. Une mine d’infos, de photos et de précisions à retrouver ici.
– Une autre vidéo que l’on vous conseille expressément : un entretien mis en ligne par l’association Hebraica de Toulouse sur YouTube dans lequel Cécile Vaissié évoque son dernier ouvrage, « Dénazifier. Le cas de la Gestapo toulousaine », publié aux éditions Loubatières. Elle est ici interrogée par Maurice Lugassy, historien et coordinateur régional du Mémorial de la Shoah. Universitaire spécialiste de l’ex-URSS et de la Russie, Cécile Vaissié est originaire du Lot où son père et son grand-père furent résistants. Elle a publié « Cahors et le Lot sous l’Occupation, résistance, collaboration, épuration » en 2016. Dans un post sur le réseau Linkedin, elle expliquait il y a quelque temps la genèse de ce dernier ouvrage : « En théorie, j’aime bien les histoires qui se terminent bien. Il n’y en a pas beaucoup dans l’actualité russe, ni dans le quotidien ukrainien, mais cela explique la thématique de mon nouveau livre dont le thème n’étonnera que ceux qui ne suivent pas mes travaux de près. L’idée, c’était de regarder, non comment un pays cultivé en arrive à sombrer dans un régime totalitaire et/ou autocratique (cela a déjà été fait, et bien fait), mais d’examiner comment il s’en sort, ce qui a été moins étudié et pourra servir pour d’autres pays… Le mode d’emploi consistait à prendre une structure de la police allemande ayant « œuvré » en France pendant l’Occupation – en l’occurrence le KdS de Toulouse – et d’étudier le parcours de ses membres. Un KdS – ou Sipo-SD – était la structure chargée du contrôle policier dans les zones occupées (en France, en Pologne, en Ukraine, etc.), notamment pour toutes les activités vues comme « politiques » par le Reich (lutte contre les résistants, les juifs, les francs-maçons, mais aussi contre le marché noir, etc.). Pour rappel, la Gestapo était une partie de chaque KdS – leur section IV. Près de 200 personnes ont travaillé à des niveaux divers dans ce KdS de Toulouse, multipliant les arrestations, les déportations, les assassinats et les vols. Mais, au bout du compte, deux hommes seulement ont été jugés en présentiel en 1953 et sont sortis libres du tribunal… Quelques autres l’ont été ailleurs qu’en France ou en Allemagne. Pourquoi seulement deux ? Pourquoi des peines si clémentes ? C’est ce que j’ai étudié pendant presque dix ans… »
– Tout autre sujet avec notre hommage à Philippe Labro, disparu cette semaine. En rappelant que le journaliste, romancier et écrivain avait une partie de ses racines à Montauban et dans le Lot. A Cahors était né en effet son père, Jean-François, en 1890. Son grand-père, Jean Lubin (1850-1902) y était fonctionnaire. Nous avons retrouvé l’hommage rendu dans le Journal du Lot lors du décès de ce dernier (édition du 24 juin 1902) : « Hier soir, à 4 h. 1/2 ont eu lieu les obsèques du regretté M. Labro, conducteur des ponts et chaussées, décédé subitement dans la journée de samedi. »
« Ces obsèques étaient purement civiles. Une foule énorme suivait le char funèbre, que recouvraient de nombreuses couronnes, offertes par les conducteurs et commis des Ponts et Chaussées, par les gardes-éclusiers, par le Comité socialiste de Cahors et par des amis personnels. Deux mille personnes environ avaient tenu à accompagner au champ de repos, celui dont la vie fut toute de travail et d’honneur. Amis personnels, amis politiques, tous avaient tenu à rendre au défunt un suprême hommage de respect et de sympathie. »
« La guerre finie, les qualités dont il avait fait preuve le firent nommer sous-lieutenant de réserve et plus tard lieutenant du génie territorial. A vingt six ans il obtint le grade de Conducteur des Ponts et Chaussées à la résidence de Cahors et il occupa cet emploi jusqu’au moment où la mort est brutalement venue mettre un terme à cette carrière si bien remplie. Ce que fut Labro dans ses modestes mais honorables fonctions nous ne l’apprendrons à aucun de ceux qui viennent, émus et recueillis, l’accompagner à sa dernière demeure. »
« Homme du devoir avant tout, il savait, avec un tact parfait, remplir la tâche qui lui était confiée, mériter l’estime de ses chefs et de tous ceux qui l’approchaient. Digne et fier il ne transigeait pas avec l’honneur. Aimant ses subordonnés comme un père sa famille, il laissera dans le petit personnel, si intéressant de notre administration, les regrets les plus vifs. D’autres plus autorisés, vous diront d’ailleurs la sollicitude que déployait Labro pour les déshérités, dans ses fonctions de membre du bureau de bienfaisance. La mort nous fait perdre le meilleur des camarades ; toujours prêt à rendre service, toujours disposé à donner aux jeunes l’appui de ses conseils et de son expérience, il représentait pour nous « le bon camarade », celui auquel on confie ses peines et ses aspirations. »
« Les mots nous manquent pour exprimer la douleur de sa famille, cette famille si unie, où régnaient sans mélange l’estime et l’affection. Veuve éplorée et vous fils d’un homme de bien, recevez, en cette terrible circonstance les cordiales condoléances des camarades de Labro. Son nom restera toujours chez nous parmi les plus chers et nous vous aimerons toujours, parce que lui, notre tant regretté ami, vous aura aimés. »
« M. Delpech, d’une voix entrecoupée de sanglots, prononce les paroles suivantes : « Messieurs. Avant de laisser fermer cette tombe trop prématurément ouverte, permettez à un vieil ami, à un camarade, d’adresser un dernier adieu à l’homme de bien, au républicain sincère et convaincu qu’était M. Labro. Par ses qualités affables et pleines de bonté, celui qu’une mort cruelle vient de nous enlever si rapidement avait su s’attirer l’estime et la confiance de tous ceux qui l’approchaient et le connaissaient. Je ne parlerai pas de ses aptitudes administratives ; je me bornerai simplement à vous répéter combien fut bon, dévoué et estimé cet excellent ami. D’une justice et d’une correction parfaite, il savait en inspirer à tous, et ses bons conseils étaient toujours suivis. »
« Républicain, il l’a été dès sa première jeunesse et je crois inutile d’ajouter qu’il l’était avec la plus grande fermeté et la plus entière conviction. Appelé par la confiance de ses concitoyens, il fut élu conseiller municipal, et là aussi, il se fit remarquer par son bon esprit, par sa sagacité et l’étendue de ses connaissances techniques. Comme membre de la Commission du bureau de bienfaisance, il y apporta durant son passage, malheureusement trop restreint, le même dévouement et la même sollicitude, pour les malheureux déshérités. On pouvait, à bon droit, le considérer comme le protecteur et le défenseur des pauvres. Rien ne pouvait faire pressentir le deuil qui frappe si cruellement votre famille si éprouvée et vos nombreux amis qui vous conduisent à votre dernière demeure. Et personnellement, mon coeur se brise en songeant que mon âge avancé me donnait le droit d’attendre de votre affection le dernier hommage que j’ai la douleur de rendre à votre mémoire. »
« M. Destreil, au nom d’un groupe de libres-penseurs, a prononcé un discours dans lequel il a salué la mémoire du libre-penseur que fut toute sa vie, M. Labro, qui a su toujours mettre ses actes d’accord avec ses idées. Cette douloureuse cérémonie a pris fin vers 5 h. 1/2 : la foule s’est retirée vivement impressionnée par les émouvants discours et par la douleur immense de la veuve, des enfants, de la famille du regretté disparu. Que Mme Labro et ses fils, veuillent bien agréer l’expression de nos sincères condoléances et de notre respectueuse sympathie. »
– Il n’est pas accessoire de rappeler que les parents de Philippe Labro, durant la Seconde guerre, revenus dans leur maison de Montauban, ont protégé plusieurs adultes et enfants juifs. Ils ont été reconnus Justes parmi les Nations en 2000. Dans le dossier du comité de Yad Vashem, on lit : « Jean-François et Henriette Labro et leurs quatre enfants habitaient un domaine, « Beausoleil », à proximité de Montauban (Tarn-et-Garonne). Les Bernart, Juifs parisiens réfugiés en zone sud, avec l’extension des rafles, étaient en quête d’un abri sûr. Le père qui vivait séparé de ses proches leur avait indiqué la famille Labro comme source d’aide possible. Le couple accueillit effectivement Maurice Bernart, le fils, ses deux sœurs, Claude et Colette, et leur mère et leur assura une cache dans sa demeure, pendant plusieurs jours. Jean-François Labro les recommanda par la suite à des fermiers du voisinage, à Saint-Martial, qui étaient des amis sûrs. Ils y vécurent une grande partie de l’occupation, tout en continuant à bénéficier de la protection des Labro qui les informaient régulièrement des dangers. Le couple Labro a tendu une main secourable à d’autres Juifs pourchassés, notamment à la famille de Pierre Gruneberg, 12 ans. Les Labro ont aussi caché, en leur donnant du travail dans leur domaine, un Juif autrichien employé comme jardinier, et une aide ménagère, Dora Kummer, qui passait pour sourde-muette. La police, venue se présenter pour arrêter Dora, fut éconduite par Henriette. Philippe Labro, son jeune fils de 11 ans à l’époque, et plus tard écrivain, a été témoin de ces actes dont il a relaté le souvenir dans son livre « Le petit garçon ». Il y évoque l’amitié qui le liait à Maurice Bernart, le petit garçon juif caché chez lui. L’aide des Labro à des Juifs en détresse leur a permis de survivre jusqu’à la Libération. »
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