Truffes : Les vérités de Pierre-Jean Pebeyre
Le président de la Maison Pebeyre, spécialisée dans le négoce de la truffe, n’est pas du genre à tourner autour des truffières. Rencontre.
Medialot : Pour vous, comment s’est passée la saison ?
Pierre-Jean Pebeyre : « La saison a été quasiment identique à la saison dernière. Les marchés de Lalbenque ont oscillé entre 80 et 120 kg par semaine et un à deux marchés à 200 kg. Au niveau de la qualité, la saison a été particulière. La truffe a été perturbée, dans sa maturité, par l’eau que l’on a eue tout l’automne. Cela a retardé sa maturité et la truffe était de qualité médiocre jusqu’à mi-janvier, après la qualité est redevenue correcte. Les prix ont subi une évolution curieuse, assez bas jusqu’à mi-janvier et au fur et à mesure, on est monté à des prix élevés pour les quantités proposées. Il n’y a pas eu un prix lissé comme les années précédentes. »
« En France, on n’est pas préparé à ça »
M. : La trufficulture, en France, se porte-t-elle bien, mieux ?
P.-J.P. : « On est toujours dans une période de production très faible et à un niveau qui est, à mes yeux, inquiétant. D’un point de vue général, on repart sur des grosses productions grâce à l’Espagne. Ils ont un modèle de culture qui le permet. C’est réfléchi, avec une concentration sur une zone géographique où la synergie joue à plein. Cela va changer la donne de la truffe en général. Je suis un peu plus optimiste pour mon métier grâce aux Espagnols. L’Espagne est devenue le premier pays producteur au monde de truffes. En France, on ne veut pas le voir…Chez nous, on est sur une trufficulture de loisirs. Des gens qui n’ont pas besoin de la trufficulture pour vivre. La différence se fait à ce niveau-là. »
M. : Votre sentiment sur l’avenir ?
P.J.-B. : « Si l’arrivée de l’Espagne est positive, nous allons au-devant d’autres soucis car la truffe se produit désormais un peu n’importe où, en particulier dans l’hémisphère sud et notamment en Australie. Pendant l’été, ils produisent de la truffe fraîche qui se vend dans le monde entier, et c’est autant de truffes en conserves qui ne se vendent plus. Cela augmente l’idée que certains fous ont mis dans la tête des gens que la conserve ne sert à rien. Et surtout, le modèle de production, de commercialisation de l’hémisphère nord est remis en cause. En France, on n’est pas préparé à ça. »
« Avoir des truffes jusqu’en avril, c’est ridicule »
M. : Quelles solutions ?
P.J.-B. : « Les seules pistes envisageables sont d’accompagner et de vendre les truffes australiennes ou de passer par une politique de qualité. Les gens raclent tout et appauvrissent la terre. Il faudrait remettre dans le sol un tiers de leurs productions : les trop petites, les trop mûres, les moches…Il faudrait retarder le début des marchés et les fermer plus tôt. Avoir des truffes jusqu’en avril, c’est ridicule. On est dans une situation où la terre est ravagée par une gestion faite en dépit du bon sens. Le mode de production est le même qu’au début du siècle dernier alors que l’on s’est recroquevillé sur quelques milliers d’hectares parcourus par quelques centaines de personnes. Une des solutions pour inverser ce déclin serait de savoir produire une grosse quantité de truffes sur une petite surface et donc passer à un modèle intensif. »