Starlink dans le ciel lotois
Un projet pour un monde ultra connecté mais à quel prix ?
Depuis quelques jours, des personnes relaient sur les réseaux sociaux, ou dans des journaux, des photos nocturnes du ciel montrant le fameux train de 60 satellites, du programme Starlink, lancé le mercredi 22 avril 2020, depuis le centre spatial Kennedy aux Etats-Unis. A l’origine de ce déploiement de satellites, Elon Musk, milliardaire « touche à tout » (projet colonisation de Mars, voiture Tesla, hyperloop…), businessman épris de science et de technique, qui chérit un vaste projet d’envergure, débuté en février 2018, nommé « constellation Starlink » mené par son entreprise SpaceX. Son aspiration : l’ultra connectivité pour tous sur la terre entière même dans les endroits les plus reculés, les moins accessibles du monde. Démarré en février 2018 avec l’envoi de 2 prototypes, puis suivi par le lancement d’un groupe de 60 satellites, étalé sur 7 missions, de mai 2019 à avril 2020, la grille satellitaire d’Elon Musk compte actuellement 420 unités prêtes à être mise en service dans les prochaines semaines. Pour lancer ses satellites autour de la terre, il a reçu l’autorisation américaine de la Commission Fédérale des Communications (FCC). Et aucun pays ne peut contester ce droit puisqu’il existe un traité de l’espace, datant de 1967, qui prévoit selon les articles 1 et 2 une liberté d’accès des Etats à l’espace sans que l’un d’entre eux puisse se l’approprier. Toutefois, certains experts pensent que la décision de la FCC est illégale car elle n’a pas demandé d’étude d’impact.
Ce qui a été aperçu, dans le ciel lotois et dans d’autres régions, dans la nuit du 25 au 26 avril, est en fait la 7ème vague de lancement d’une grappe de 60 satellites. Ce « train de satellites» est visible les premiers jours qui suivent le lancement. Ensuite chaque satellite rejoindra une orbite précise, ainsi ce vaste réseau quadrillera l’ensemble de la terre. Et Elon Musk, voit l’avenir en grand, puisque la constellation Starlink de SpaceX prévoit la mise en orbite de 12 000 satellites jusqu’en 2025 et de 42 000 satellites d’ici 2030 s’il obtient les autorisations nécessaires. Chaque satellite est sur une orbite basse, comprise entre 350 km et 1500 km d’altitude. Ce qui permet, en matière de télécommunication, d’avoir une meilleure réactivité quant au débit internet. La latence est moins grande par rapport aux satellites géostationnaires basés à 36 000 km d’altitude.
> La pollution dans l’espace
Depuis que l’homme s’est lancé dans la conquête spatiale en 1957 et avec plus de 5 200 lancements, ce sont plus de 7500 satellites qui ont été placés en orbite. Alors depuis le temps certains devenus obsolètes, percutés par des météorites… forment une myriade de milliers d’objets de toutes sortes : débris spatiaux, cadavres de satellites, fragments, vieillissement des matériaux… Selon les sources, entre 10 000 et 20 000 objets de plus de 10 cm tourneraient autour de la Terre. Dès lors cette constellation Starlink va augmenter de manière certaine le risque de collision. Avec une flotte importante de satellites, les risques sont d’autant plus exponentiels. Surtout que dans cette course satellitaire Jeff Bezos (dirigeant d’Amazon) avec son projet Kuiper, la Chine, et d’autres investisseurs, comptent bien eux-développer leur propre réseau.
> La pollution céleste et visuelle
Les astronomes professionnels et amateurs se mobilisent, s’interrogent et souhaitent des réponses quant aux effets de ce réseau satellitaire qui commence à envahir la voûte céleste. Christian Legrand, astronome amateur, explique pourquoi ce projet Starlink ne permet plus d’observer le cosmos comme il faut : « A l’oeil nu, nous pouvons voir environ 3000 étoiles du coucher au lever du soleil. Avec des objets qui vont se compter bientôt par milliers, on verra certainement de nombreux points bouger au coucher et au lever du soleil, et l’été pendant une grande partie de la nuit. » Il poursuit « pour les astronomes professionnels qui font des photographies du ciel profond ce genre d’objets « polluera » les clichés, laissant des traînées à chaque passage de satellite, et ne permettra plus d’étudier l’Univers dans de bonnes conditions ». Il s’avère, de plus, que chaque satellite, au moment où la lumière du soleil se réfléchit sur son panneau solaire, crée un flash lumineux de quelques secondes, de jour comme de nuit. Telle une étoile qui grossirait très vite, avec une intense lumière, pour disparaître ensuite.
> Pollution en radio astronomie
Un autre sujet est à considérer ce sont les ondes radios émises par les satellites. En effet, les astronomes étudient aussi les ondes radio émises par les astres. C’est la radioastronomie qui a permis de mieux comprendre la structure de notre galaxie, l’évolution des nébuleuses, la naissance des étoiles, les paramètres cosmologiques de l’Univers… Ces recherches sont menées grâce à de gigantesques paraboles souvent mobiles et mesurant jusqu’à 500 m de diamètre : les radiotélescopes, car ces signaux provenant du ciel sont très faibles. Et on craint maintenant qu’ils ne soient « noyés » dans les ondes puissantes émises par ces nouveaux réseaux de satellites. Cela priverait les scientifiques de données importantes pour la compréhension de l’Univers. Entre la pollution céleste, visuelle et radio sera-t-il possible à tout humain du monde entier de pouvoir observer à l’avenir un ciel céleste exempt de toutes manigances commerciales ? En effet, la publicité pourrait à l’avenir partir elle aussi à la conquête de l’espace à l’aide de gigantesques voiles qui réfléchiraient la lumière du soleil pour composer des lettres visibles depuis la terre. Mais là c’est un tout autre sujet. Ce qui est sûr c’est qu’avec une myriade de satellites, dans le ciel nocturne, on ne verra plus la voûte céleste comme avant. Les astronomes amateurs avaient réussi à obtenir d’avoir moins de pollution lumineuse pour observer le ciel nocturne, ils ne pensaient pas que d’autres projets commerciaux pourraient venir zébrer l’observation de l’univers. Affaire à suivre…
> Pétition internationale
Des astronomes du monde entier se mobilisent en menant une pétition pour faire pression contre le projet Starlink d’Elon Musk : «Ceci est un appel international d’astronomes professionnels ouvert à la souscription pour demander une intervention des institutions et des gouvernements. Les observations astronomiques depuis le sol peuvent être gravement endommagées par le déploiement en cours de grandes flottes de satellites en vue de la prochaine génération de télécommunication. Depuis des siècles, les observations astronomiques depuis le sol conduisent à des progrès exceptionnels dans notre compréhension scientifique des lois de la nature. Actuellement, les capacités des instruments d’observation astronomiques depuis le sol sont menacées par le déploiement de flottes de satellites. Par le biais de cet appel international et suivant les mêmes inquiétudes exprimées par l’Union astronomique internationale, ainsi que d’autres institutions, nous lançons une demande solennelle pour une protection accrue et une sauvegarde efficace des observations astronomiques professionnelles depuis le sol, garantissant le droit d’observer un ciel exempt de sources de pollution artificielles inutiles. Tous les signataires, astronomes et collaborateurs souhaitent en particulier manifester de façon humaine et personnelle leur inquiétude et leur contrariété liées à la couverture dans le ciel produite par les satellites artificiels, qui représentent une dégradation dramatique du contenu scientifique pour un énorme ensemble d’observations astronomiques. La dégradation du ciel n’est pas seulement due à la pollution lumineuse dans le ciel près des villes et des zones les plus peuplées, elle est également due aux flottes de satellites artificiels qui traversent et couturent de stries parallèles brillantes les observations à toutes les latitudes ».
> A retrouver en intégralité sur :