Sibelle va-t-elle mettre le bololo ?
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
– A l’heure où j’écris ces lignes, des experts pérorent sur les plateaux de télévision et à longueur de colonnes dans les journaux pour savoir si les « gilets jaunes » vont ou pas réussir à bloquer le pays ce samedi. A l’heure où vous lisez ces lignes, en toute logique, vous possédez déjà des éléments de réponse. Nous n’avons pas abordé le sujet cette semaine avec Sibelle. Comme tous ses congénères, ma protégée féline est tout simplement allergique à la simple idée d’enfiler un gilet, qu’il soit jaune, bleu, vert ou rouge. « Je ne suis pas un p’tit toutou genre yorkshire que l’on balade emmitouflé » serait-elle capable de grogner. Quant à l’hypothèse de la tenir en laisse, cela tient de la folie. Pour une bonne et simple raison qui explique en partie mon amour des chats. Ils sont indépendants. Jusqu’au bout des griffes.
– Pour autant, grâce au Premier ministre, cette affaire des « gilets jaunes » nous a permis d’enrichir notre vocabulaire. Après la « glottophobie » (voir notre chronique du 20 octobre), après le « plogging » (notre chronique du 27 octobre), voilà le « bololo ». Le mot a été utilisé par Édouard Philippe. Aussitôt, dans les salles de rédaction, affolement général. D’où vient cet ovni lexical ? L’Obs a apporté une réponse. L’expression serait usitée par les soldats français engagés en Afrique comme synonyme de désordre ou d’anarchie, en référence à l’un des quartiers de la capitale du Tchad, N’Djamena. Je n’ai pas posé la question à Sibelle. Elle aurait été capable de me démontrer en quelques minutes seulement qu’elle savait depuis longtemps transformer la maison en un bololo de première catégorie…
– Avez-vous regardé « Silence ça pousse », hier soir, sur France 5 ? L’émission qui aime décidément le Lot (Cahors fut à l’honneur en septembre) consacrait l’une de ses séquences à Saint-Cirq Lapopie. Dommage, les animateurs Stéphane Marie et Carole Tolila ne se sont pas arrêtés à la maison. Avec ma chère Sibelle, nous aurions aimé qu’en cet été indien qui n’en finit pas, les caméras immortalisent notre superbe rosier Léo-Ferré (qui résida un temps près de Gourdon). Il est tout simplement flamboyant, orangé, rosé, comme s’il s’efforçait de résister à lui tout seul aux ordres du calendrier et à la loi des saisons. Pas besoin de « gilet jaune », mon rosier. C’est un anar. Comme Ferré. Un poète végétal qui chante jour et nuit. Et avec Sibelle, cela nous émeut au plus haut point.
– Autre poète, Arthur Rimbaud, dont Léo Ferré aimait chanter du reste « Le bateau ivre ». Dimanche dernier, à l’occasion du 11 Novembre, le député Pradié a tweeté quelques vers du « Dormeur du Val » : « C’est un trou de verdure où chante une rivière/Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue/ Dort ; il est étendu dans l’herbe/Tranquille (…) Il a deux trous rouges au côté droit. » Originaire des Ardennes, j’ai apprécié la référence. Rimbaud avait à peine 16 ans, en octobre 1870, quand il a écrit ce poème dans sa chambre de collégien, à Charleville, quelques semaines après le désastre de Sedan, à 20 km de chez lui. On ignore cependant si Arthur a vu vraiment cette scène, ou s’il l’a imaginée. Après tout peu importe. L’ado génial était pacifiste. Une quinzaine d’années plus tard, il serait trafiquant d’armes. Sibelle en conclut que les humains ne devraient jamais vieillir. Au contraire des chats, que l’âge apaise, nous, trop souvent, ça nous tourne le ciboulot et on a tendance à semer un drôle de bololo partout où l’on passe…