Sibelle renonce à se présenter aux régionales
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
« Une bonne nouvelle au courrier ! » s’égosille ma petite féline en remontant quatre à quatre l’escalier en pierre. Elle me tend la missive déposée dans la boîte et précise, hilare : « Ils vont installer un vaccinodrome dans le village ! » La réalité est plus prosaïque. Le premier magistrat de notre commune indique bien, toutefois, qu’un centre de vaccination « éphémère » sera accueilli sous peu à la salle des fêtes. Cependant, il est stipulé que sont concernées les personnes de 60 ans et plus, lesquelles doivent s’inscrire dans les meilleurs délais. Sibelle joue l’étonnée : « Ah bon, tu n’as pas encore 60 ans ? Je dis ça, je dis rien. Mais certains soirs, quand je t’observe, devant le journal de 20 heures, à bougonner, à râler… » Le fiel des chats résumé en une phrase. Moi qui ne me suis jamais senti aussi jeune…
Cela étant, j’admets que par les temps qui courent, je préfère souvent zapper, m’éloigner de l’actualité et chercher, sur une chaîne spécialisée, un vieux polar, un western plus ou moins bien recolorisé, voire un documentaire sur la culture du thé en Asie, l’essor du vignoble bordelais pendant ou après la guerre de Cent ans ou l’architecture médiévale revisitée par Viollet-le-Duc. Quand je ne décide pas de quitter le salon et d’aller m’aérer dans le jardinet. Au soleil couchant, son maquillage printanier gagne encore en nuances : cette semaine, j’ai ainsi noté que malgré les gelées tardives, mon pied de chasselas a résisté, sans doute protégé par les pierres du bolet. Les futures grappes sont apparues, encore minuscules. Leurs grains me rafraîchiront cet été, tout en me renvoyant à mon enfance ardennaise et à ce même chasselas qui faisait la fierté de ma grand- mère… Les roses aussi débutent leur lent et beau strip-tease ; les Pierre-de- Ronsard ouvrent le défilé, tandis qu’un peu plus loin, les fleurs du Léo-Ferré ont quelques jours de retard. Seul le dernier planté de mes rosiers se fait encore désirer. Pas étonnant, c’est un très chic Laetitia-Casta.
Autre chose. Le week-end passé, 243 des 313 maires du Lot ont répondu à la consultation « express » et expresse du ministère de l’Intérieur. 161 d’entre-eux, soit 66 %, ont estimé que les conditions étaient réunies pour organiser en juin le double scrutin départemental et régional. Une proportion sensiblement plus élevée qu’au niveau national (56%).
Voilà qui doit satisfaire le président Serge Rigal et la présidente Carole Delga. Dans une pétition de principe commune, ils avaient dit leur stupéfaction face à ce drôle de sondage, effectivement inédit, évoqué un piétinement de la démocratie alors que le parlement avait déjà donné son aval. Tout en recommandant « in fine » de répondre « oui ». Et ce n’est pas étonnant. Que ce double scrutin soit ainsi maintenu en juin (après avoir été repoussé une première fois) convient plutôt, selon les experts, aux sortants. Ils ont raison. En pleine pandémie depuis plus d’un an, les exécutifs en place sont en première ligne. Ils font tout ce qu’ils peuvent, et globalement, ils le font bien.
A Toulouse comme à Cahors, dans les monts cévenols, dans le piémont pyrénéen ou les agglos, dans le moindre village du Ségala comme dans le Quercy blanc, depuis plus d’un an, ils distribuent des masques, organisent des dépistages, facilitent la campagne de vaccination. Les sortants se penchent sur les secteurs économiques les plus touchés, mobilisent des fonds d’aide d’urgence tous azimuts, soutiennent les étudiants comme les seniors isolés, inventent des solidarités qu’hier encore, on n’imaginait pas réalisables. A leur façon, ils déclinent le « quoi qu’il en coûte » décrété au plus haut sommet de l’Etat. Cela est aussi vrai pour les maires et présidents d’intercommunalités, eux-mêmes en début de mandat. C’est un constat.
« Et où veux-tu en venir ? » demande Sibelle. Simplement à cette réflexion : une élection ne se résume pas à l’organisation du scrutin lors des deux dimanches concernés, à la fin juin. Même si on reconnaîtra volontiers que ce n’est pas une mince affaire. Alors que l’on ne sait toujours pas si l’on va commencer à rouvrir à la mi-mai les terrasses et certains lieux culturels, et que si la réponse est « oui », on devine qu’un protocole contraignant sera imposé aux professionnels et institutions concernés, comment va se dérouler la campagne électorale ? Sur les seuls réseaux sociaux via des « live Facebook » ? Quid d’éventuels meetings ? Quid des échanges sur les marchés ou aux sorties d’usines ou d’amphithéâtres qui font d’ordinaire tout le sel de la démocratie ? Quid des traditionnels « porte à porte » avec un masque, un flacon de gel dans une main et un test antigénique dans l’autre ? Il faudra se contenter d’une profession de foi, dans la boîte aux lettres ? Alors oui, les sortants, qu’ils soient de gauche, ici, ou de droite, ailleurs, s’ils se seraient bien passés, comme tout le monde, de cette épidémie hélas historique, paraissent « un peu » avantagés dans ce contexte. Dit autrement, pour leurs opposants, accéder à un minimum de visibilité pour se faire connaître et faire connaître leurs programmes ne s’annonce pas aisé. Sibelle admet que le raisonnement se tient. Sa décision tombe. Sur un ton grave, elle m’annonce renoncer à sa candidature. Je mesure ce que signifie ce sacrifice. Elle était si fière d’avoir été désignée chef de file du PACO pour cette échéance régionale. Quoi ? Le PACO ? Le Parti des Animaux de Compagnie d’Occitanie, pardi. Rendez-vous en 2026 ?