Sibelle, les vertus du compost, de l’ophtalmo et la retraite annoncée du sénateur Requier
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ En ce lundi de Pentecôte, jour férié plus vraiment férié mais globalement encore chômé (vous suivez?), j’apprends que la distribution de composteurs individuels initiée par le Grand Cahors est un succès. Par « individuels », comprenez « destinés à un foyer, un logement », par opposition aux composteurs collectifs, installés dans des quartiers, sans parler des sites spécialisés dans les déchetteries. Car avec toute la bonne volonté du monde, dans un appartement, a fortiori sans balcon, posséder un composteur est impossible. Nous, sur les hauteurs de notre vieux village, nous avons commandé un composteur. Il va falloir lui trouver une place au sein de notre modeste jardinet, et je soupçonne déjà les rosiers, hortensias et autres plantes dites d’ornement, de redouter en silence ce voisinage. J’explique à ma protégée féline, un brin dubitative, le mécanisme naturel qui permet de transformer fleurs fanées, feuillages fatigués et autres épluchures en terreau. Sibelle paraît convaincue au sortir de cette petite leçon de sciences et d’éco-citoyenneté. Et puis je l’entends se marrer à voix haute : « Dommage qu’il n’existe pas de composteurs sophistiqués pour transformer et régénérer certaines chimères idéologiques ou autres discours mortifères ! » Pantois, je prends sur moi pour ne pas lui répondre. Je n’aurais jamais dû lui expliquer comment allumer mon ordinateur et l’autoriser à piocher dans ma bibliothèque.
Mardi._ Je passe une grande partie de la journée à me préoccuper (enfin) de mes yeux. Rendez-vous chez l’ophtalmo puis, si tôt l’ordonnance en poche, direction l’opticien. Mes actuelles lunettes étaient devenues presque décoratives à défaut de pouvoir être rangées dans la catégorie des accessoires de mode. Au moment de faire mes mots croisés du soir ou de lire, tout simplement, qu’il s’agisse d’une recette, d’un roman ou d’un article de journal, je me rendais bien compte que mes yeux avaient perdu de leur acuité. Je repense à un ouvrage référence des étudiants en histoire, « l’Introduction à la France moderne », de Robert Mandrou. On y lit en substance que si certains paysages, tableaux, monuments, certains bruits ou musiques n’ont pas changé depuis le XVIème ou le XVIIème siècle, en revanche, il faut admettre que très majoritairement, nos ancêtres ne les percevaient pas de la même façon que nous. Et pour cause : quand leur vue baissait, de loin ou de près, quand leur ouïe s’amenuisait, hors quelques loupes pour les plus nantis, et encore, nulle prothèse ne venait les secourir. Nos ancêtres vivaient souvent dans une forme de brume cotonneuse. Ouf. Dès le week-end prochain, je serai équipé. Je retrouverai mes yeux de 20 ans. Sibelle rigole. Je la soupçonne de se moquer de me voir, au fil des jours, des mois, des années, avancer en âge et d’en subir les outrages. Mais non. Elle est bonne fille. Elle se contente de me transmettre une citation d‘un romancier désormais oublié, un certain Droz : « Le plus souvent, on cherche son bonheur comme on cherche ses lunettes : quand on les a sur le nez. »
Mercredi._ On se croirait fin août. C’est d’ordinaire à cette période que l’on subit des oranges aussi violents. Mais cette semaine, après de belles matinées, les après-midis et soirées sont invariablement synonymes de coups de tonnerre, d’éclairs, de foudre, et d’averses plus ou moins carabinées. Dans les Ardennes, mon pays d’origine, on appelle ça des draches. Bien qu’installé dans le Lot depuis plusieurs années, je ne sais quel est le mot d’ici qui décrit le mieux ces« pluies battantes », dixit le Larousse (puisque le terme « drache » est entré dans le dico). Bref. Ce n’est pas l’idéal pour programmer un apéro ni même une balade digestive. Certains évoquent donc le changement climatique. Peut-être. A l’abri, avec Sibelle, on regarde l’émission « Des Racines et des Ailes », sur la 3. On suit le sentier des douaniers de Deauville au Mont-Saint-Michel en passant par les plages du Débarquement et le Cotentin. Là, clairement, l’érosion millénaire est accélérée par la montée des eaux. Nous suivons un scientifique spécialisé en ornithologie qui enregistre les cris d’oiseaux et constitue ainsi une singulière sonothèque. Puis c’est un architecte missionné par le Conseil départemental de la Manche qui recense les maisonnettes colorées bordant certaines plages et que menace la mer. Ce pan de patrimoine n’est pas anodin. L’homme de l’art explique que certains de ces petits logis sont des bijoux d’ingéniosité. Sur une dizaine de m2, on y dort, on y mange, on y travaille… Dans un autre genre, je caresse parfois le rêve de posséder un carrelet, vous savez, ces abris sur pilotis, très fréquents notamment dans l’estuaire de la Gironde. On y pêche, mais surtout, on s’y protège de la violence du monde. « En attendant, je suis un peu ton carrelet, non ? » glisse Sibelle, en se frottant à moi. Cette tigresse en miniature a le don de trouver les bons mots au bon moment. Qualité rare.
Jeudi._ Le sénateur Jean-Claude Requier ne sollicitera pas un renouvellement de mandat. « Si Georges Clemenceau a sauvé la France alors qu’il avait 78 ans et si Joe Biden se représente à l’âge de 82 ans, à la présidence des États- Unis, pour ma part, je ne suis ni l’un ni l’autre, aussi, j’ai décidé de m’arrêter ! » explique le parlementaire qui pour l’heure, ne se prononce pas sur la bataille à venir. Il se contente de rappeler qu’une sorte de loi non écrite dans le département voulait jusqu’il y a peu qu’il y ait un sénateur du nord et un autre du sud (du Lot, bien sûr), et un(e) élu(e) de sensibilité radicale et un(e) autre plutôt socialiste. L’irruption du macronisme a cependant changé la donne. Et celle de la Nupes aussi. Bref. Les choses seront sans doute plus corsées que prévu cet automne. En attendant, on espère que de ce bon monsieur Requier qui a choisi de cultiver l’art d’être grand-père, on ne retiendra pas que cette fameuse sortie visant Pamela Anderson, en pleine crise aviaire il y a quelques années déjà, qui fit rire nombre de ses collègues mais ne fut pas forcément un exemple d’élégance : « En réponse à la venue très malvenue de Pamela Anderson à l’assemblée nationale : elle est contre le gavage, moi je suis contre le silicone et contre le botox. Ce botox qui, injecté dans les rides, ne finit pas dans le foie mais dans le cerveau ».
Vendredi._ Le monde du foot est en effervescence. Le championnat ne s’arrête que ce week-end mais on sait déjà que l’entraîneur de Marseille a choisi de jeter l’éponge, que Léo Messi va quitter Paris et que l’avant-centre français du Real Madrid Karim Benzema s’est vu proposer 100 millions de salaire annuel (oui, 100 millions, soit 200 pour deux ans de contrat) par un club saoudien. Il hésite, nous apprend la presse spécialisée. Il y a de quoi. Mais il ne faut pas généraliser. Il y a les stars, il y a les bons joueurs, mais il y a aussi le lumpenprolétariat… En championnat National (c’est-à-dire la 3ème division), un joueur pro gagne en moyenne 4000 euros bruts. C’est plus que nombre de salariés, soit, mais leur carrière est très brève. « Autant tenter sa chance au loto » conclut ma protégée.
Visuel DR