Sibelle, les orages maudits, la malédiction des chats noirs et la reine sur le marché de Cahors
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ Les qualificatifs utilisés par les experts ont varié : « stationnaire » pour les uns, « peu mobile » voire « rétrograde » pour les autres. Toujours est-il qu’en soirée, une cellule orageuse s’est positionnée à la verticale d’une partie du département et que pendant deux heures, pluies, rafales de vent et grêlons ont provoqué l’effroi à Saint-Céré, Saint-Laurent-les-Tours ou encore Cornac. Liste hélas non exhaustive. On devine les conséquences : routes coupées, maisons en partie inondées, pompiers appelés à la rescousse. Les étés ne sont plus des longues parties de plaisir. D’une semaine à l’autre, quand ce n’est pas d’une heure à l’autre, la sécheresse laisse place aux trombes d’eau, les orages succèdent aux dômes de chaleur, et quand ce ne sont pas les incendies qui menacent, ce sont les coulées de boue. Ce n’est pas inédit en soi. Ce qui semble en revanche la règle désormais, c’est la fréquence des événements extrêmes. Militante non cartée mais virulente de la cause animaliste, écologiste dans l’âme, Sibelle m’interpelle : « On ne vous dit pas merci. Vous, les humains, avez saccagé les fragiles équilibres de la nature, pollué les airs et les terres, tout cela au nom du progrès. Voilà le résultat. Notre planète part en vrille… » Je ne dis rien. Elle n’a pas complètement tort. Mais on ne saute pas comme ça d’une voiture qui fonce à toute vitesse. Il faut essayer de freiner. Sans trop de secousses. En préservant l’intégrité de chaque passager. Bref. Inutile d’argumenter plus longtemps. Dans l’urgence, avec ma protégée, nous disons aux sinistrés toute notre solidarité. Et finalement je réponds à Sibelle par une simple question : « Au fait, tu veux vraiment savoir comment elles sont fabriquées tes croquettes ? En quoi elles participent, elles aussi, de cette course folle ? »
Mardi._ En ce 15 août, une pensée pour les pèlerins et/ou touristes qui font étape à Rocamadour. Que l’on soit croyant ou pas, le site demeure à la fois magnifique et magique. « Une cité mariale construite au flanc de la falaise du canyon de l’Alzou » précise une notice sur Internet. Nos confrères de France Musique en profitent pour mettre en avant l’actualité musicale du sanctuaire. « Avec plus d’un million de visiteurs annuels, Rocamadour est un haut lieu de pèlerinage et de tourisme. Chaque année, le festival de musiques sacrées fait résonner la musique dans ce petit village et ses environs et tisse des liens avec le patrimoine. » Et ensuite, un peu plus loin, cette précision : « Le son de l’orgue ne résonne que depuis quelques années dans la basilique. L’instrument a été construit en 2013 à l’initiative du festival et sa morphologie est un peu singulière. « Sa particularité, c’est son buffet, explique Quentin du Verdier, organiste. Il est en forme de bateau pour rappeler le rôle maritime joué par ce sanctuaire puisque Notre-Dame de Rocamadour est la sainte patronne des marins en détresse. » Sibelle dresse l’oreille. Elle ne comprend pas. Voilà donc quelle est ma mission en ce jour férié… « Outre le fait que Marie est traditionnellement invoquée par les marins, au sein de la chapelle Notre-Dame de Rocamadour, se trouverait une cloche miraculeuse. Elle est antérieure au IXe siècle, de manufacture très rare puisque forgée et non coulée, avec une sorte d’anse pour la suspendre à la voûte. Selon la tradition, elle sonne toute seule, chaque fois qu’un marin en péril implore la Vierge Marie et lui doit son salut… » Mon explication semble satisfaire ma protégée. Mais il y en a d’autres. Où il est question du roi Henri II d’Angleterre, du navigateur Jacques Cartier… Sibelle est plus pragmatique. « Après tout, on n’est qu’à un peu plus de 200 km de la mer… » Ben oui, quoi. Pourquoi chercher midi à 14 heures ?
Mercredi._ Je l’ai échappé belle. Il y a encore quelques mois, j’avais surpris ma tigresse domestique en pleine conversation avec une de ses amies du vieux village. Les deux innocentes hésitaient à poser leur candidature pour être bénévole lors des Jeux Olympiques de Paris dans un an. Elles ont finalement renoncé. Elles ont simplement lu la définition du mot « bénévole » dans le dictionnaire. Or, ces jours-ci, une polémique se fait jour. Un député du groupe LFI, Alexis Corbière, s’insurge : « Le bénévolat des JO est un salariat déguisé. De grands groupes vont faire beaucoup de profits et les bénévoles vont eux, devoir travailler 8 heures par jour, 6 jours sur 7, sans même se voir offrir de place pour les évènements sportifs. » Et il précise encore : « Rémunérer tous les 45 000 bénévoles, au taux horaire du Smic, coûterait au final uniquement l’équivalent de 0,8% du budget global des Jeux. » Je vous laisse juger du bien- fondé de ces récriminations ou revendications. Moi, j’ai une pensée aussi pour ces stadiers que l’on voit à la télé, quand il y a un match, fixer les tribunes alors que derrière eux, sur le terrain, se déroule le spectacle… Parfois, par réflexe, l’un d’eux jette un coup d’œil rapide. Puis il se ravise. C’est une forme de sacerdoce. « Et moi, tu crois que c’est facile de vivre avec un maître qui est supporter de l’Olympique de Marseille ? » souffle Sibelle. Les chats ne nous déçoivent jamais !
Jeudi._ C’est aujourd’hui « la journée mondiale du chat noir ». J’ignore si, comme l’affirme l’écrivain Frédéric Vitoux, « le chat noir est la quintessence du chat ! », mais toujours est-il que les superstitions sont tenaces. D’après la fondation « 30 Millions d’Amis », « le chat noir reste victime de croyances irrationnelles ». Les préjugés demeurent. « Actuellement, nous en avons une quinzaine à l’adoption. Or, la moitié des adoptants refuse l’idée d’adopter un chat noir, très souvent par « peur », déplore la responsable d’un refuge 30 Millions d’Amis dans les Yvelines… Sibelle est tout simplement affligée. Ma protégée ne comprend pas. Elle cherche une solution. La fameuse citation de Maurice Faure dédiée aux Lotois – « Nous sommes pauvres mais nous sommes beaux ! » – pourrait-elle s’appliquer dans ce cas particulier ? « Pas forcément. Mais on pourrait imaginer un autre slogan… » réfléchit Sibelle. Qui finit par proposer que dans les refuges, des panonceaux soient apposés : « Les chats n’ont qu’une couleur : celle du cœur ! »
Vendredi._ On apprend que Sa Majesté Margrethe II du Danemark a pris ses quartiers d’été au château de Cayx. Dans le magazine Point de Vue, spécialisé dans l’actualité des têtes couronnées, on lit : « Fidèle à ses habitudes, la souveraine de 83 ans a été aperçue en train de faire ses courses sur le marché de Cahors. Elle se promène dans les allées du marché en toute discrétion. Ou presque. Nombreux sont les habitants de Cahors à avoir reconnu son visage familier. Pour autant, ils ne souhaitent pas déranger la reine. (Celle-ci) se déplaçant toujours avec une canne après sa lourde opération du dos en février dernier, Margrethe II est accompagnée, en cette matinée ensoleillée, par sa dame de la Cour – nom donné aux dames d’honneur au Danemark – Henriette Obel. À son service depuis trois ans, elle ne quitte pas d’une semelle sa reine, un panier en osier sous le bras. D’étal en étal, celui-ci se remplit de produits de la région. » A noter qu’il n’y a pas pour autant de vacance… du pouvoir. « Jusqu’au 24 août, son fils aîné, le prince héritier Frederik, assure la régence dans le royaume. » On souhaite d’agréables vacances lotoises à Sa Majesté. Et puisque le château royal n’est pas très éloigné de notre humble demeure, sur les hauteurs du vieux village, nous lui faisons une promesse solennelle. Pas plus qu’elle n’a candidaté pour être bénévole aux Jeux, Sibelle n’enverra son CV pour espérer devenir « dame de la Cour ». Parce que le cas échéant, si ma tigresse accédait à cette prestigieuse fonction, pour la souveraine, il ne s’agirait plus de vacances…
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