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Sibelle, les mystères du cadastre solaire et le visage de Robert Desnos 


Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats. 

Nos élus cantonaux ont adopté en début de semaine à l’unanimité le budget 2022 du Conseil départemental. Avec ma protégée féline, en citoyens consciencieux, nous avons passé au crible le compte rendu des travaux. Et deux lignes dudit budget nous ont interpellés. La première concerne une enveloppe de 200 000 euros « visant à l’acquisition d’un cadastre solaire pour les particuliers et à la réalisation d’études sur les potentialités des filières d’énergies renouvelables ». Elle est inscrite dans le chapitre consacré à la transition énergétique. Curieux comme des pies, ou plutôt comme des chats, avec Sibelle, nous avons cherché à en savoir plus.

Qu’est-ce donc qu’un cadastre solaire ? Ma tigresse domestique a trouvé une réponse sur le site de la communauté d’agglomération d’Albertville, en Savoie : il s’agit d’un « outil de cartographie dynamique [qui] estime le potentiel solaire des toitures sur l’ensemble du territoire pour produire de l’électricité ou chauffer de l’eau ». Cliquant sur le lien, nous avons tous deux effectivement découvert une photo aérienne où chaque toiture est colorée selon un nuancier lié à son potentiel. Et ensuite, quand on zoome sur une adresse et une habitation, une fenêtre indique la surface totale et la répartition entre le nombre de m2 excellents, bons ou passables… 

Sibelle a jugé l’outil intéressant, et pouvant le cas échéant être utilisé également à des fins moins glorieuses, comme « une meilleure géolocalisation des zones ensoleillées ou ombragées pour piquer un roupillon ». Elle s’est par ailleurs inquiétée : « Le cadastre solaire, qui est conçu – a priori – à partir des orientations et des taux d’inclinaison des pans de toitures, tient-il compte de la proximité des cours d’eau ? » De fait, depuis notre « home sweet home » implanté sur les hauteurs du village, à quelques kilomètres du cours du Lot, nous constations bien, en période hivernale notamment, qu’une brume parfois tenace et qui déborde plus ou moins du lit de la rivière retarde souvent de deux ou trois heures le plein déploiement des rayons du soleil. 

A peine le temps de réfléchir à cette zone d’ombre (provisoire) que ma petite complice s’est agitée. Elle s’intéressait désormais aux 200 000 euros votés par la docte assemblée, dans le cadre du passage du Tour de France les 22 et 23 juillet, pour « soutenir les animations qui seront organisées par des associations, des collectivités ou entreprises autour de cet événement ou pour la promotion du vélo ». J’ai tout aussitôt craint le dérapage. Sibelle qui se révèle volontiers une véritable boîte à idées sur pattes ne pouvait manquer pareille occasion. « Toi, tu as déjà quelque chose en tête » lui ai-je lancé. « Je le confesse » a-t-elle avoué. Et d’expliciter son projet : « Tu sais comme moi que les vues aériennes diffusées lors des étapes du Tour sont très prisées du public. Il n’est donc pas trop tard pour imaginer une vaste œuvre de « land art » représentant un symbole du département ? » J’opine mollement du chef. Et j’ajoute : « Tout dépend du motif et aussi de la météo… » J’ai à peine fini ma phrase que Sibelle renchérit : « J’ai mieux. Nous allons choisir un vaste terrain longeant le parcours et solliciter quelques professionnels (d’où la demande d’une subvention) et des dizaines de bénévoles pour écrire une phrase ou un slogan vantant le Lot via des murets en pierre sèche ! » Je fus bien obligé de convenir que l’idée était réellement excellente. Puis, ma protégée m’a confié ce qu’elle voudrait rendre lisible depuis les hélicos de France TV. C’est une célèbre citation de Maurice Faure dont je doute qu’elle séduise en 2022 nos élus départementaux : « Nous sommes pauvres mais nous sommes beaux ». 

Concluons sur une note moins légère. C’était jeudi la « Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste ». Alors que Le Figaro publiait ce même jour en avant-première des poèmes inédits (datant de 1396) de Robert Desnos, poète et résistant mort du typhus quelques jours après la libération du camp de Terezin en 1945, Daniel Sarfati contait dans le magazine Tribune Juive sa première visite au mémorial de Yad Vashem, à Jérusalem. Extrait : « Je voulais garder la tête froide et ne pas succomber à l’émotion. Trop facile. J’avais besoin de tout retenir, de ne pas perdre un mot, de ne pas oublier une date ou un nom. Et puis, je me suis perdu. J’ai erré de salle en salle, puis sous un dôme avec toutes ces photos d’enfants. La canopée d’une forêt sombre et tragique. Je me suis retrouvé dans une autre salle, par hasard, devant la photo d’un déporté au visage hâve et épuisé. J’ai reconnu avec stupéfaction le poète Robert Desnos […]. Desnos, le rêveur éveillé. Desnos l’amoureux fou de Yuki. Desnos dont je connaissais les poèmes par cœur. Desnos, qui n’était pas juif, qui avait refusé de se soumettre et de courber l’échine devant la barbarie. Soudain, j’ai été pris de sanglots incoercibles. Je n’ai pas tenu la promesse que je m’étais faite de ne pas verser de larmes. Comme si cette vision du poète assassiné libérait en moi tout le chagrin que j’avais voulu contenir. » 

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