Sibelle, les mots de Charvet sur Galthié, les marchés de Noël et le énième tour de France du député
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ Quand on prend connaissance, avec ma protégée féline, des propos de Denis Charvet au sujet de Fabien Galthié, au micro de RMC, quelques proverbes nous viennent à l’esprit. Ça va de « Nul n’est prophète en son pays » à « On n’est jamais mieux trahi que par les siens » en passant par cette réflexion de Martin Luther King : « Il faut accepter les déceptions passagères, mais conserver l’espoir pour l’éternité. » Les mots de Charvet sont forts : « Je suis halluciné, je suis épuisé. Il m’épuise maintenant. Je rentre dans une phase où je ne le supporte plus. » Du reste, plus tard dans la semaine, il va les atténuer. « Cette sortie, c’était l’expression de ma frustration. Fabien connaît le rugby, il maîtrise son sujet mais je trouve qu’il n’en dit pas assez à propos de ce quart de finale… » Tous deux sont nés à Cahors, tous deux ont fait leurs premiers pas sur les terrains d’Occitanie. Ils ont ensuite pris du galon et brillé sous le maillot tricolore. Et ils ont réussi leur reconversion. Mais la passion, en rugby comme sans doute dans bien d’autres domaines, cela peut blesser. Se blesser soi-même, quand on pense toucher le bonheur et que le rêve soudain se brise, s’effondre comme un château de cartes. Cela peut aussi blesser les autres. Alors on souhaite aux deux Lotois de se retrouver un de ces quatre. Autour d’une table, au détour d’une vigne ou d’un chemin bordé de murs en pierre sèche. Après un long silence, l’un des deux finira par suggérer de tourner la page : « Tu te souviens de ce match, en 95 ? » Ils souriront. Et puis les mots se feront plus faciles. « C’est toujours le père Gaston qui tient ce bistrot, tu sais, sur la route de Lalbenque ? » « Mais non, c’est vers Luzech… » Et puis voilà. Cette coupe du monde a été suffisamment cruelle. Qu’elle ne vole pas en plus de belles amitiés…
Mardi._ Deux drames endeuillent le département. On lit avec effroi les détails dans les médias lotois. A Gindou, lundi, un couple et leur enfant ont péri dans l’incendie de leur maison. A quelques heures d’intervalle et quelques dizaines de km de là, à Assier, une nonagénaire disparue depuis plusieurs jours a été retrouvée décédée dans une parcelle de bois, non loin de l’EHPAD où elle résidait. Deux faits divers qui ne feront pas l’ouverture des journaux télé, qui ne seront pas commentés des heures durant par des sociologues, des philosophes, des experts plus ou moins improvisés qui ont des avis sur tout et surtout des avis, comme disait Coluche. Deux drames en résonance avec cette semaine froide et pluvieuse. Deux drames qui disent l’impuissance humaine, aujourd’hui comme hier, quand le destin paraît comme déterminé à ravager nos âmes, à endeuiller des familles. Comme pour nous inciter à toujours plus de compassion, de modestie. Nous pleurons. Il n’y a rien d’autre à faire.
Mercredi._ Pourtant les fêtes approchent. Après le Black Friday importé d’Amérique voici le temps des marchés de Noël apparus en Allemagne au Moyen Age, et qui ont désormais conquis l’Europe entière. Ceux de mon enfance, dans le nord-est du pays, se cantonnaient au vin chaud, aux bougies et décorations, au pain d’épices. Désormais on y trouve mille autre choses. Sibelle sait que certains stands y sont même dédiés parfois aux animaux de compagnie. Je l’interroge. Voudrait-elle ce week-end aller visiter un de ces marchés ? Elle me fait signe que non. « Je sais qu’on n’y trouve pas de machine à avancer le temps. » Elle est comme moi. Elle voudrait déjà être en mai, elle voudrait déjà que le jardin soit fleuri, qu’on recherche l’ombre du bolet, et que sur les hauteurs de notre vieux village, on se dise que le printemps est à l’heure. Mais un autre problème est à régler. Plus urgent. Est-ce qu’avec l’âge, devenue plus sage, ma tigresse acceptera sous peu de cohabiter avec un sapin enguirlandé sans nourrir le secret désir de le voir s’effondrer par l’opération du Saint-Esprit ?
Jeudi._ La mort de l’incroyable Shane MacGowan, qui était né un jour de Noël, justement, en 1957. Avec son groupe, The Pogues, il a collectionné les tubes (comme « Dirty Old Town ») et les ballades irlandaises à la fois poétiques et militantes. J’ai atteint l’âge, depuis quelques années déjà, où il faut s’habituer à voir disparaître les icônes de sa jeunesse. La voix de Shane MacGowan fut jadis une sorte de néon tantôt blafard tantôt criard qui éclairait mes rêves d’étudiant entre révolte, angoisse et insouciance. Lui au fond n’avait pas tellement changé. Et moi ? Suis-je resté fidèle à quelques-uns de mes desseins ? Sibelle répond pour moi. « Tu es toujours debout même quand soufflent les vents les plus noirs, tu ne désespères pas que le monde soit meilleur un jour ou l’autre… On a vu pire. » Comme ma tigresse n’est pas toujours aussi aimable, je prends ça comme un compliment. La larme à l’œil mais la chair de poule quand j’entends les premiers accords d’une chanson qui me fut, naguère, comme un passeport pour ma vie d’homme.
Vendredi._ Aurillac, Montpellier, Ajaccio, Strasbourg… Villes étapes d’un prochain tour de France. On ne parle pas de la Grande Boucle, des forçats de la route, des rois de la petite reine. Non. Rien à voir. C’est le nouveau tour de France d’Aurélien Pradié. Il avait parcouru l’Hexagone lors de la campagne interne pour la présidence des Républicains. Le voilà qui part encore sur les routes de France et de Navarre pour cette fois assurer la promotion de son livre, « Tenir bon ». Mais il avait aussi, en juin 2023, annoncé dans le Figaro entamer un « tour de France pour parler du travail » et dans le JDD, en septembre, se lancer dans un « tour de France de l’environnement ». Bref, au-delà d’un bilan « carbone » qui risque d’être un peu élevé, il semble que le député du Lot saisisse toute occasion pour tracer sa route, c’est le cas de le dire, parler et faire parler. De lui, notamment. Avoir des ambitions n’est pas un défaut. Signer un livre est par ailleurs un incontournable : on ne fait pas carrière en politique s’il n’y a pas une rubrique « Publications » dans votre bio Wikipédia. Sibelle persifle quand même : « Chemin faisant, qu’il voyage en voiture, en train, en avion, je suggère au député de méditer ces mots d’un grand écrivain qui chérissait le Tour de France (le vrai). Des mots de Blondin, grande figure des Hussards dans la France littéraire des années 50 et 60 : « Je n’ai jamais osé être de gauche quand j’étais jeune, de peur de devenir de droite en vieillissant. »
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