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Sibelle, les facéties du Michelin, le courant coupé à Cahors et l’hommage à Marcelle Capy 


Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats. 

Lundi._ La livraison annuelle du guide Michelin, qui distribue ou retire ses étoiles sans forcément donner beaucoup d’explications, fait jaser dans les cuisines comme dans les rédactions. Au fond, avec ma protégée féline, on finit par penser que c’est un passage obligé désormais pour la direction du célèbre compagnon de route des automobilistes gastronomes. Enlever une étoile à Guy Savoy ou au Toulousain Michel Sarran, c’est s’assurer de faire le buzz en visant deux chefs médiatiques. Des millions de Français connaissent ces deux cuisiniers sans avoir jamais mis les pieds ou le palais dans leur restaurant. Alors que l’on ne peut plus allumer la télé sans tomber sur une émission culinaire, ou qu’on ne peut plus surfer sur les réseaux sociaux sans tomber sur des influenceurs qui vous recommandent chaudement telle ou telle table (après y avoir déjeuné gratuitement, c’est le jeu du donnant-donnant), il faut bien que pour continuer à exister dans un paysage toujours plus encombré, le Michelin fasse parler de lui d’une manière ou d’une autre… Dans le Lot, en revanche, pas de révolution. Une demi-douzaine d’établissements étoilés, on reste dans la tendance. Sibelle soupire avec insolence : « Et tu crois c’est aussi pour faire le buzz et donc en raison de son patronyme que le seul nouveau 3 étoiles désigné cette année par le Michelin s’appelle Alexandre Couillon ? » Précision : l’intéressé, 47 ans, officie sur l’île de Noirmoutier. Je réponds à ma tigresse pour clore le débat : « Je ne crois pas. Là-bas, ils le surnomment d’ailleurs depuis longtemps Alexandre le Grand. » 

Mardi._ Pour reprendre une formule de circonstance, « en marge » des grèves et manifestations marquant cette nouvelle journée de mobilisation contre la réforme des retraites, une partie de Cahors a été plongée dans le noir pendant plusieurs heures. Une coupure de courant qui a évidemment fait grincer des dents nombre de commerçants et d’usagers. Sibelle est perplexe : « A priori, l’action n’a pas été revendiquée. Mais si elle est liée à la grogne contre la réforme, rien n’est simple. Quand il s’agit d’actions très ciblées, cela passe. Mais sinon, cela risque toujours de rendre le mouvement impopulaire. D’un autre côté, s’il y a grève et que tout fonctionne normalement, le gouvernement se frotte les mains. » Pas faux. Quand j’étais journaliste en presse écrite, dans le nord-est de la France, il m’est arrivé de cesser le travail avec d’autres collègues de la rédaction ou de la technique… Je ne le faisais évidemment pas de gaîté de cœur. Et quand cela entraînait la non parution du journal, j’avais toujours une pensée pour mon grand-père, dont une grande partie de la matinée était jadis invariablement occupée à attendre le facteur, puis à marcher jusqu’à la boîte aux lettres, et ensuite, assis dans la cuisine, à lire et relire les pages de « L’Ardennais ». Un jour sans… journal devait lui sembler aussi long qu’un jour sans pain. Mais peut-on faire des omelettes sans casser des œufs ? 

Mercredi._ En cette journée des Droits des Femmes, je rends hommage à une Lotoise : Marcelle Capy (1881-1962). Dès 1916, cette « journaliste, écrivaine, militante syndicaliste, pacifiste et féministe libertaire française » (dixit Wikipédia) qui avait ses racines à Pradines où elle a fini ses jours, publie « Une voix de femme dans la mêlée », où elle dénonce et la guerre et l’exploitation des femmes dans les usines d’armement. On y lit : « Si une rivalité se dessina entre la main d’œuvre masculine et la main d’œuvre féminine, c’est parce que cette dernière ne comprit pas assez la force de l’organisation et du nombre. C’est parce que les travailleuses ne surent pas se rallier autour de la seule revendication qui devait compter : à travail égal, salaire égal. C’est aussi parce que les hommes virent en elles des concurrentes au lieu de soeurs venues au labeur par nécessité (…). Les forces étaient éparpillées, il y eut du mal pour tous. Le progrès est lent, l’ignorance si grande et l’égoïsme si puissant… » Réflexion de ma protégée féline : « Ces mots ont plus d’un siècle. Ils sont toujours d’actualité. » 

Jeudi._ A Cahors, il faut vraiment être distrait pour ne pas apercevoir les soldats qui participent à la manœuvre Orion. Le plus étonnant, ce sont ces militaires de 2023 qui sont postés aux abords du pont Valentré, édifié à compter de 1308. Plus de 700 ans se sont écoulés, mais l’ouvrage, devenu un symbole de la ville, semble ne pas être anachronique. Les armes des assaillants ont changé, mais la noble majesté du pont fortifié et la puissance de ses tours paraissent toujours à même de repousser l’ennemi, à tout le moins de l’impressionner, de lui faire comprendre que ce ne sera pas une mince affaire que de prendre Cahors et de mater ses habitants. « Certes. Mais les images d’Ukraine nous disent aussi que les symboles, cela ne suffit pas toujours » me rétorque Sibelle. 

Vendredi._ On connaît à présent les chiffres complets de l’année touristique 2022 dans le département. 8,9 millions de nuitées ont été recensées, soit une hausse de 18 % par rapport à 2021 et surtout de 3 % par rapport à 2019, dernier millésime avant la crise sanitaire. Dans le détail, on note que les étrangers ont effectué leur grand retour l’an passé, sans toutefois que leur nombre ne redevienne celui d‘avant la pandémie. C’est donc la part des vacanciers français qui est désormais proportionnellement plus importante. Je ne peux m’empêcher de penser qu’il y a quelques années, avant de m’installer dans le Lot, j’étais avec les miens une simple petite goutte d’eau dans ces océans de chiffres. Je devinais cependant que séduit par le Quercy, j’y ferais un jour davantage que de passer mes vacances. J’ignorais en revanche que je ferais mienne cette incontournable citation de Maurice Faure : « Nous sommes pauvres mais nous sommes beaux ». 

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