Sibelle, les centenaires en vedette, le parcours des manifs et la vache tombée dans le Célé
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ Grâce à l’indispensable Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), nous savons qu’en cet an de grâce 2023, « 30 000 centenaires vivent en France, soit près de 30 fois plus que dans les années 1960-1975. Seuls 4 300 d’entre eux sont des hommes, soit 14 % des centenaires. La moitié des personnes vivent encore à domicile, les autres sont en institution. Les hommes centenaires, plus souvent en couple, vivent plus fréquemment à leur domicile que les femmes. » Sibelle qui est bien plus perverse que moi s’étonne que cette étude soit délivrée en plein mouvement de protestation contre la réforme des retraites. « C’est pour ça qu’ils veulent nous imposer deux ans de plus au turbin » insiste ma protégée, qui n’a jamais travaillé de sa vie évidemment. Je ne partage pas évidemment cette théorie complotiste. Cela étant, je remarque que l’on oublie de souligner cette précision issue du même rapport de l’Insee : « Devenir centenaire est nettement plus fréquent chez les diplômés du supérieur que chez les personnes sans diplôme : parmi les femmes âgées de 70 à 75 ans en 1990, 7 % des diplômées du supérieur ont atteint l’âge de 100 ans, contre 3 % de celles sans diplôme. » Toujours-est il que je me félicite de ces données, qui attestent au passage que la France est championne d’Europe dans ce domaine, et qui me permettent de souhaiter un bon anniversaire à Andrée, 102 ans, qui vient de fêter ses 102 ans à Alvignac et à Andrée, qui a soufflé tout récemment également ses 105 bougies à Figeac. Primo : ne pas en déduire malgré ce curieux hasard que toutes les « Andrée » du Lot ou d’ailleurs ont cette chance. Secundo : lisant ces infos dans la presse, j’ai une pensée particulière pour ma grand-mère paternelle, Anne, décédée à l’âge de 99 ans. J’ai entendu alors quelques amis remarquer : « Que c’est triste… A un an près… » Je leur avais répondu que ce cap symbolique importait peu, car le chagrin, lui, était le même. C’était un peu faux. Secrètement, j’espérais aussi… Mais ce fut en quelque sorte son dernier pied- de-nez. Elle s’en est allée en quelques heures, après avoir fait montre d’une impeccable lucidité et vitalité intellectuelle jusqu’au dernier moment. Et la foi aidant, ce ne fut du reste pour elle qu’une sorte de passage. Elle me confiait souvent, les dernières années, qu’elle vivait avec les vivants et les morts, absolument confiante dans le fait que tous se retrouveraient « après ». Elle me parlait beaucoup de son enfance, de cette vie débutée au début du XXème siècle dans l’insouciance, du déchirement brutal que fut la Première guerre, puis de la Seconde. Elle avait vu débarquer dans la vie quotidienne l’électricité, le téléphone, les machines à laver, la télévision. Mais ce qui lui importait, c’était de mourir chez elle, où elle avait vu le jour… un tout petit moins d’un siècle plus tôt. J’ai fait ce que je pouvais pour qu’elle ait satisfaction. Elle s’est endormie dans la petite chambre du bas, près de la cuisine, car les escaliers étaient devenus des obstacles insurmontables. Elle s’est endormie comme si elle était sûre de revoir le lendemain, depuis sa fenêtre, son jardin, ses rosiers, ses pommiers, et un peu plus loin, l’étang qui était le dernier témoin d’une filature que les Uhlans avaient brûlée fin août 1914 en prenant d’assaut son petit village des Ardennes. Elle ne fut pas centenaire. Mais Mamie Anne en avait déjà vu assez, sur cette terre parfois si belle mais si souvent amère.
Mardi._ Les pompiers du Lot (parmi lesquels les spécialistes du Groupe de Reconnaissance et d’Intervention en Milieu Périlleux) ont été appelés il y a quelques jours pour sauver une vache qui était tombée dans le Célé, à Brengues. La malheureuse ne parvenait pas à s’extraire par elle même de la rivière. Epuisée, elle a été sanglée puis soulevée et déposée sur la berge et a rejoint ses congénères. Comme si de rien n’était. J’adore la vallée du Célé et à Brengues, justement, on allait souvent se baigner en famille, sur la petite plage bordant le camping, dans les eaux fraîches, l’été, quand nous n’étions encore que des vacanciers dans le Lot (avant de devenir des néo-Lotois, car tout se mérite). A Sibelle, j’explique que cette histoire m’en rappelle une autre. Une consœur avait punaisé jadis sur le tableau de la salle de rédaction une brève parue dans Libération. On y lisait qu’un couple se promenant sur une plage dans le sud de l’Angleterre avait trouvé la mort. L’homme et la femme furent écrasés par une vache qui était tombée depuis la falaise surplombant la mer. La curieuse s’était trop approchée sans doute jusqu’à être précipitée dans le vide. Il y a des faits divers étranges et effrayants. Puisqu’il faut mourir un jour (mais le plus tard possible), j’aimerais qu’on garde un autre souvenir de moi. Quelle fin, quand même, que de mourir écrasé par une vache tombée du ciel !
Mercredi._ Je ne sais pas s’il était fondamental que le ministère de l’Education le rende public mais toujours est-il que l’on connaît le palmarès des collèges. Dans le Lot, dans le public, c’est celui de Castelnau-Montratier qui arrive en tête (avec un taux de réussite au brevet de 98 % et une note moyenne à l’écrit de 13,20). Dans le privé, c’est Saint-Thérèse à Lalbenque qui se distingue (100 % de réussite et 11,20 de moyenne). Sibelle observe que ces deux localités sont situées dans le sud du département, et s’interroge sur un éventuel lien de cause à effet. Je lui réponds d’abord que non. Et je me ravise. Doit-on à l’avenir imposer des contrôles ? Certains de nos collégiens sont-ils dopés à la truffe ?
Jeudi._ Nouvelle mobilisation contre la réforme des retraites, nouvelle manif à Cahors, nouvelle différence de comptage (entre syndicats et police). Au risque – pour les participants – de finir par avoir le tournis, Sibelle suggère que les organisations organisatrices devraient peut-être penser à de nouveaux itinéraires pour les défilés. Je lui oppose que le centre de Cahors est ce qu’il est. « A Charleville, désormais, les cortèges partent du parc des expos » plaide ma protégée qui a conservé son abonnement à L’Ardennais. « Oui. Mais à Cahors, le parc des expos est distant de plus de 15 km du centre-ville » suis-je contraint de lui répondre. Ma tigresse grommelle. « Et alors, pourquoi pas le faire en deux ou trois jours ? ». Je pleure.
Vendredi._ Comment ne pas vous souhaiter, à l’orée du week-end, de bonnes fêtes de Pâques ? Afin de respecter la tradition culinaire culturelle et cultuelle, je vous propose un sujet de méditation pêché dans la très sérieuse Revue des Vins de France : « Quel vin boire avec de l’agneau ? ». Chez nous, la question sera vite répondue. Je suis le seul à la maison à apprécier l’agneau. On va donc se pencher sur d’autres thématiques tout aussi sérieuses. Exemple : à partir de combien de grammes de chocolat glisse-t-on dangereusement du plaisir gastronomique à la gourmandise pathologique ? Vous avez trois jours.
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