Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ Il y a certes une très riche actualité internationale. Mais dans l’Hexagone et dans le Lot, le mot de la semaine, chacun en conviendra volontiers, est évidemment : « Canicule ». Ne reculant devant aucun sacrifice, ma protégée féline s’est plongée non dans la piscine (et pour cause, nous n’en possédons pas) mais dans les archives. Et elle a constaté que le terme était déjà très présent dans la presse de jadis. Ainsi, dans le Journal du Lot en date du 18 mai 1924, en rubrique Gourdon, on lit : « Il y a quelques jours à peine que le beau temps est revenu, et déjà la température s’est élevée sensiblement. Mercredi, le vent du midi a soufflé avec force, desséchant les terres et flétrissant les plantes. Jeudi, après une matinée brumeuse et fraîche, un soleil ardent a dardé ses chauds rayons durant toute la journée. Les nuits sont mauvaises en raison de la soudaineté de cette canicule, et on dort mal. Le thermomètre est monté à 32 degrés, à 14 heures. Nous souhaitons que cette température, un peu trop élevée pour la saison, ne dure pas trop longtemps pour l’agriculture. » Cinq ans plus tard, mais alors que l’été s’achève, on découvre cette fois en rubrique Duravel, le 13 septembre 1929 : « La Canicule. – Qu’il fait chaud ! Qu’allons-nous devenir ? Tel est le cri qui s’échappe de toutes les bouches depuis que cette chaleur tropicale, loin de diminuer malgré les nuits plus longues, ne fait que s’accentuer et devenir plus pénible et plus tenace. Tout d’ailleurs souffre et languit : les êtres humains, les animaux, les plantes, les arbres ; tout s’étiole et traîne lamentablement son supplice, son faix. Car c’est réellement pour nous, habitants d’un climat tempéré, une souffrance, un supplice, d’endurer plus de 32, 34° à l’ombre, et 50, 52° au soleil. L’eau se raréfie beaucoup en de nombreuses régions, et les sources donnant un gros débit sont peu nombreuses, et doivent être considérées comme inépuisables. De tous les végétaux et produits du sol, c’est la vigne qui a le plus résisté ; cependant les raisins ne grossissent pas, et sont dénués de jus, car les grains se ratatinent et paraissent vouloir se cuire sous l’ardeur du soleil. » Alors, un siècle plus tard, que penser de plus ? Nous sommes en août, nous avons atteint voire parfois dépassé les 40 à l’ombre. Ce qui était rare jadis est devenu sinon une habitude, mais une forme de fatalité. Il nous faut nous habituer à vivre autrement, c’est-à-dire à concentrer (quand on le peut) nos efforts sur des plages horaires réduites, le matin et tard le soir. A profiter d’une sortie dans un magasin climatisé comme d’un luxe, d’une visite d’une grotte comme d’un bain de jouvence, d’une séance au ciné comme d’une parenthèse enchantée. Ma protégée va se recoucher sur la plate-bande opposée aux rosiers, à l’ombre. Elle dort ou fait comme si. Et moi avec. Puisque le climat s’emballe, soyons héroïques. Faisons semblant de croire que les choses vont finir par s’arranger.
Mardi._ Encore un mot et même plusieurs : en ces temps de canicule, donc, il y a au moins une information qui n’aura surpris personne… Parmi les liaisons ferroviaires victimes de cette situation, figure bien évidemment la ligne POLT. Avec leurs cousins Paris-Clermont et Bordeaux-Marseille, nos chers Paris-Toulouse (via Orléans, Limoges et Cahors) dont les voitures datent des années 1980 sont équipés de systèmes de climatisation inadaptés aux actuels records de chaleur ! Mais à part ça, tout va bien. De nouvelles rames modernes sont annoncées pour 2027 et même, à plus long terme, des TGV pour relier Paris à Cahors via Bordeaux et Montauban (avec quand même une dernière partie en TER, faut pas pousser). Je pourrais encore ironiser en établissant une comparaison avec les Ardennes où j’ai longtemps habité et que l’on assimila longtemps au roman d’André Dhôtel, écrivain natif de cette terre frontalière : « Le Pays où l’on n’arrive jamais » (Prix Femina en 1955). Sibelle prend le relais : « Tu devrais écrire un livre dont le titre serait : Le Lot, ce pays où l’on arrive difficilement mais dont ont souhaite ne plus repartir… » N’est-ce pas monsieur André Breton ?
Mercredi._ Sur ce, on en sait davantage sur le projet de suppression de deux jours fériés suggéré par le gouvernement de François Bayrou : les salariés mensualisés et fonctionnaires ne seraient pas rémunérés davantage mais les entreprises verseraient une contribution. Gain estimé pour l’État : un peu plus de 4 milliards. Par ailleurs, on précise à Matignon que le Premier ministre n’entend pas toucher aux deux jours fériés spécifiques de l’Alsace-Moselle (où le Vendredi saint et le 26 décembre sont fériés). J’entends déjà hurler certains : une mesure injuste doublée d’une mesure tout aussi injuste… Fils d’un père ardennais et d’une mère mosellane (je suis moi-même né à Metz), je connais l’histoire de ce territoire. Annexés par l’empire allemand de 1870 à1918, les départements alsaciens et celui de la Moselle ont conservé le régime du Concordat qui fut abrogé ailleurs en 1905. Or, ma conviction est celle-ci : ce qui apparaît certes comme une anomalie est toutefois constitutif d’une mémoire douloureuse pour tous les patriotes d’Alsace et de Moselle qui ont souffert de cette annexion puis, de 40 à 44, de la « germanisation forcée ». Il en ont payé le prix le plus élevé. Alors, avant de s’indigner, il n’est pas anormal que l’on en tienne compte. Le devoir de mémoire se décline de manière parfois singulière, c’est ainsi.
Jeudi._ La matinée est enfin plus vivable. Les orages et averses d’hier soir ont un temps ramené sinon de la fraîcheur, un air plus respirable. Cela n’est qu’une parenthèse, mais elle est la bienvenue. Ma tigresse domestique ne s’emballe pas. Elle trouve cette citation opportune de la romancière canadienne Marie-Claude Bussières-Tremblay : « Le bonheur est comme le vent : impossible à saisir ! » Quand la météo s’emballe, il faut savoir être pragmatique et philosophe. Je lui réponds donc : « Ça sera toujours ça de pris ! »
Vendredi._ En ce week-end du 15 août, outre de nombreux pèlerinages, des festivals par ci, des marchés de terroir par là, c’est aussi le retour de la Ligue 1 de football, dans les stades et sur nos écrans. J’admets évidemment que pour les non passionnés de ballon rond, ce rendez-vous n’ait pas d’importance mais pour tout le monde en revanche, il est une sorte de piqure de rappel. Quand les sportifs reprennent, c’est que la rentrée des scolaires approche aussi. Ce drôle d’été pas toujours très marrant aura filé à la vitesse d’un éclair. Mais avec ma belle, nous ne sommes pas sûrs que cet éclair annonce des nuages orageux tous très rafraîchissants.





