Sibelle, le vote des agriculteurs et les nouvelles heures creuses pour lancer sa machine

Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.

Lundi._ Il y a quelques jours, le « nouveau » cinéma Louis-Malle de Prayssac a été inauguré après une cure de jouvence très impressionnante. Ma protégée féline qui n’est pas inculte sait pourquoi le lieu porte ce nom. Elle sait que le réalisateur avait une résidence dans le Lot, qu’il y situa et y tourna le magistral et si troublant « Lacombe Lucien », après et avant d’autres chefs-d’œuvre. Pour ma part, j’ai une tendresse particulière pour « Milou en mai », qui aurait pu également se dérouler et être tourné ici. Mais si on ne le sait pas, on le devine en regardant ne serait-ce que la bande-annonce, il y a un parfum de Quercy et d’Occitanie dans cette comédie douce amère qui a comme décor la campagne gersoise. « Au fond, il y a mille raisons de tomber amoureux du Lot et de venir s’y installer, et entre toutes, le fait même que dans un bourg de 2500 habitants, on y trouve un cinéma portant ce nom, « Louis-Malle », n’est pas la moindre » dis-je à ma belle. Laquelle est déjà passée à autre chose. Enfin non. Mais je la vois pensive. Elle se répète intérieurement en boucle cette phrase de la maire de Prayssac Fabienne Sigaud dans son discours : « Ce cinéma n’est pas juste un bâtiment ; c’est un espace de possibilités… » Je concède que la formule me séduit aussi. Et j’admets qu’elle puisse agacer ou apeurer les pisse-froid. Dans ce monde toujours plus violent et inquiétant, investir dans la culture est déjà audacieux mais rassurant. Mais donner libre accès à un « espace de possibilités », c’est un miracle.

Mardi._ On en sait désormais davantage sur le projet de création d’un parc photovoltaïque à Alvignac. Il sera vaste de 50 hectares, soit un quart de la surface actuelle du camp d’entraînement du centre national d’instruction cynophile de la gendarmerie. Si tout se passe bien, à compter de 2028, le parc produira l’équivalent de la consommation de 35 000 foyers explique la préfète Claire Raulin. Fort bien. Le même jour ou presque, nous recevons un courrier de notre fournisseur d’électricité (on a fait simple avec Sibelle, on a choisi celui dont l’acronyme débute par un E et s’achève par un F). Lequel explique comment nous allons pouvoir nous adapter au nouveau régime des heures creuses. A partir de novembre prochain _ on a donc un peu de temps pour réfléchir _ celles-ci seront plus en conformité avec la production réelle des centrales. Notamment solaires. Pour dire simple, effectivement, produire autrement de l’électricité c’est bien, mais parfois, il y en a presque trop. Sauf à la stocker. Et puis les modes de vie ont évolué… J’explique donc à ma protégée : « Ainsi, on devra parfois décaler ou ne plus décaler l’heure à laquelle il faut lancer une machine ». Elle me fixe avec arrogance.
« Arrête avec cette expression. A chaque fois, j’ai peur que tu sois devenu fou et que tu t’apprêtes à ouvrir la fenêtre pour balancer la machine à laver dans la rue. » Il y a des êtres comme ça. Ce n’est pas pour rien que la loi les considère comme « doués de sensibilité ».

Mercredi._ Le président Trump déclare qu’une solution (à la crise et à la guerre qui meurtrissent cette région) pourrait être de vider la bande de Gaza de ses habitants pour la transformer en « riviera ». Pas question ici, ni pour moi ni pour Sibelle, de commenter ou disserter sur ce qui serait bon ou pas pour l’avenir des Israéliens et des Palestiniens. Mais je me demande si ce commentateur, dont je n’ai pas retenu le nom (qu’il me pardonne), sur une radio, n’a pas raison. Au fond, l’intérêt (ou le danger) avec les déclarations de Monsieur Trump, c’est que toute autre idée ou suggestion devient par définition plus raisonnable.

Jeudi._ On connaît en fin de soirée le résultat des élections à la Chambre d’agriculture. Où l’on constate que le mode de scrutin (qui ressemble grosso modo à celui des élections municipales) donne vraiment un sacré avantage aux listes arrivées en tête, quand bien même les scores se resserrent. Mais c’est la règle. L’autre aspect que souligne ma protégée, et je ne lui donne pas tort, est lié à la participation. Dans le Lot, dans le plus grand collège, celui des chefs d’exploitation et assimilés, elle a été cette année de 56 %. C’est plus que la dernière fois, et c’est plus que dans bien des départements. Mais au-delà de l’analyse des résultats et du rapport de force entre les différents syndicats, j’en reste à ce chiffre. Quand une profession est en crise et quand la participation à une élection qui doit (notamment) exprimer une préférence pour telle ou telle sensibilité, telle ou telle orientation pour y faire face et proposer des alternatives, rassemble un peu plus d’un professionnel sur deux, et qu’on nous permette de dire « seulement », alors, c’est que cette crise est très profonde. Très.

Vendredi._ Le salon du disque et du vinyle se tient demain dimanche à l’espace Valentré de Cahors. Je suis comme beaucoup. Il y a quelques années, j’ai remisé ma platine achetée à prix d’or dans les années 80. J’ai rangé mes vinyles dans un grand carton. J’ai acheté des CD. Et aujourd’hui, j’amorce un retour en arrière. J’ai ressorti de vieux 33 tours avec leurs pochettes parfois malmenées. On m’a offert un tourne-disque à l’ancienne. Je retrouve les gestes d’antan, quand il fallait éviter de trembler au moment de poser le diamant sur le bord de la galette noire. On entend des grésillements. On rajeunit. La nostalgie, Simone, c’est toujours ce que c’était.