Sibelle, le virus de Donald et le château de Léo
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Vous ne rêvez pas : nous avons bien entamé le mois d’octobre, je répète « octobre », et pourtant, se déroule depuis hier la 15ème édition du festival « Cahors Juin Jardins ». Les organisateurs ont de la suite dans les idées, et c’est tant mieux. La crise sanitaire qui bouleverse le calendrier, et provoque même une forme de pied de nez sémantique, ainsi que les paysages qui amorcent leur mue automnale, comme les jardins d’ailleurs, n’y feront rien : en 2020, à Cahors, juin se décline en octobre. « Pour l’heure, Noël demeure fixé au 25 décembre » persifle Sibelle, qui en raison de la pluie et du vent, élargit les plages horaires de ses siestes sur le sofa. « Bah, rien n’est moins sûr » dois-je rétorquer à ma protégée féline que je soupçonne d’imaginer déjà les contours de sa lettre au père Noël, c’est-à-dire moi-même.
Mais revenant au programme du festival « Cahors Juin Jardins », voilà que la tigresse s’attarde sur l’un des événements marquants de celui-ci : le « nichoir » aménagé par Baptiste Brévart en haut d’un arbre du square Olivier-de-Magny. Il y aura passé la semaine. Réalisé en bois et accroché sans blesser l’arbre, l’espace est suffisamment vaste pour stocker tout le nécessaire (vêtements, nourriture) et des toilettes sèches ont même été prévues (heureusement). De là, de son son repaire, Baptiste Brévart observe la ville et dialogue avec les passants. « Performance artistique ou expérience philosophico-sociologique ? » s’interroge Sibelle. Qui envie au passage cette proximité avec les oiseaux pour des motifs tout sauf honorables. Je ne sais quoi penser et donc quoi lui répondre. Au fond, sans avoir à grimper aux arbres, il m’arrive moi aussi de contempler le monde (plus rural qu’urbain, j’en conviens) depuis le bolet de la maison qui surplombe le village et la vallée. Et généralement, après avoir fixé je ne sais quel point (un toit, un cheval dans la prairie…), je sens bien que mon esprit vagabonde, que mes pensées cheminent presque libérées de toute entrave. Puis, le coup de frein d’une auto, des rires d’enfants, un chant d’oiseau me ramènent au réel. Sur son nichoir, l’artiste et philosophe a-t-il lui aussi rêvassé et réfléchi autant que les passants qui l’ont aperçu, d’abord surpris, puis, parfois, séduits, inquiets ou envieux ? C’est aussi cela, non, la vocation de l’art ? Ne riez pas, c’est régulièrement un sujet du bac. Quand bac il y a.
Les autres infos de la semaine à Cahors et dans le Lot ? La vente aux enchères annoncée pour la mi-octobre de l’ancien château de Léo Ferré, à Saint-Clair, où la reine des lieux s’appelait Pépée quand l’artiste vivait là-bas, dans les années 60. Une guenon que Léo avait sauvée d’un cirque : drôle de coïncidence, le gouvernement a annoncé il y a quelques jours l’interdiction à venir de la détention d’animaux sauvages dans les cirques… Toujours-est il que le poète lui passait tout, et quand bien même elle s’en prenait à la toiture du château alors en mauvais état (il a bénéficié depuis d’une sacré cure de jouvence), mademoiselle avait le droit de manger à table. Cette drôle d’histoire s’acheva bien mal. L’épouse de Ferré fit tuer Pépée. Laquelle fut inhumée dans le domaine avant que l’artiste décide de tout plaquer. Il quitte le Lot, rencontre une nouvelle compagne et après quelques itinérance, se fixe en Toscane. Dont les paysages, somme toute, évoquent volontiers le Quercy. Si vous achetez le château, et donc possédez un portefeuille bien garni, attention, vous aurez sans doute à rendre des comptes un de ces quatre aux fonctionnaires de Bercy. Et ça tombe bien.
A l’instar d’une cinquantaine de villes de province ayant candidaté, Cahors va accueillir à l’horizon 2023-2024 un service de la Direction générale des Finances publiques. Il s’agira d’une plate- forme d’accueil à distance des contribuables professionnels. Une quarantaine de fonctionnaires y sont attendus. Nouvellement intégrés dans l’administration ou quittant Paris pour la capitale du Lot, qui conjugue « qualité de vie, retour à la nature, authenticité » selon le communiqué du Grand Cahors. Abysse se réjouit de cette bonne nouvelle, qui compense un peu il faut bien l’avouer les emplois perdus (ou en passe de l’être) par ailleurs dans le département, pour cause ou non de Covid. Même si, évidemment, ce ne sont pas forcément les licenciés de telle ou telle PME lotoise qui vont devenir agents des impôts.
Sur ce, au moment d’achever cette chronique, voilà que Sibelle sursaute. Une détonation ? Pas au sens propre. Mais une info qui évidemment fait figure de bombe en pleine campagne électorale américaine et en pleine pandémie mondiale : le président Trump a été testé positif. « Pour une fois qu’il réussit un examen » s’amuse Sibelle, qui a vu très vite passer cette blague douteuse sur les réseaux sociaux. Ma réponse fuse : « Je ne me réjouis jamais du malheur des autres. Je lui souhaite de s’en sortir, et son épouse aussi. Je lui déconseille simplement de se soigner à l’eau de Javel et lui suggère de profiter de cette quarantaine obligée pour réfléchir. Dans certains cas, c’est le meilleur des traitements, comme on a pu le juger à Londres il y a quelques mois. »