Sibelle, le train du président Pompidou, la retraite de Gérard Miquel et la beauté de ma vallée
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ On apprend que dans la nuit de dimanche à lundi, le groupement des Soulèvements de la Terre a symboliquement scellé le portail du Conseil départemental pour protester contre le déferrement de la ligne Cahors- Capdenac. Dans un communiqué, le mouvement dénonce aussi le choix d’investir dans une voie verte au détriment des services publics. Les élus répondent logiquement que l’urgence est plutôt de se mobiliser en faveur d’une ligne POLT qui se révèle un chemin de croix pour les usagers, et que le trafic « voyageurs » sur la ligne reliant les deux pôles de Cahors et Figeac avait cessé dès 1980. Pour le reste, avec Sibelle, nous avons déjà écrit ici que les voies vertes sont un « plus » partout en France et que seule la géographie de la vallée du Lot, surtout en amont de Cahors, empêchait que le rail et la voie verte puissent cohabiter. Sur ce, en surfant sur Wikipédia (c’est dire si mes sources sont sérieuses), je lis que le train Cahors-Capdenac avait déjà été menacé en 1966. Il ne dut alors son sursis qu’au fait que Georges Pompidou, Premier ministre puis président de la République, possédait une résidence secondaire à Cajarc… « Devenue centre artistique, cette maison aurait dû être léguée par la famille à l’État pour devenir une résidence dédiée aux présidents ou ministres en mal de second souffle. Nos dirigeants y seraient venus se reposer. Cajarc serait devenu le Brégançon du Quercy » rêve Sibelle. Oui mais. L’histoire en a voulu autrement. Pour le reste, rien n’empêche non plus d’être imaginatif. Pourquoi serait-il interdit de penser qu’à certaines heures ou certaines périodes de l’année, des tramways ou assimilés puissent emprunter certaines sections de la voie verte ?
Mardi._ C’est une petite révolution à l’échelle du Lot : Gérard Miquel annonce prendre sa retraite politique. Maire de Nuzéjouls puis de Saint-Cirq- Lapopie en ayant entretemps été conseiller général, président du conseil général et sénateur, l’homme a marqué un demi-siècle de vie publique dans le département. Visionnaire, sachant murmurer à l’oreille des présidents (élus de Corrèze mais pas que), il aura mené à bien nombre de chantiers, relevé bien des défis. L’un des derniers aura été le sauvetage puis la restauration et transformation de la maison André Breton. Au fond, comme le poète et fondateur du surréalisme, devenu maire de Saint-Cirq, Gérard Miquel aura « cessé de se désirer ailleurs ». Je me souviens, il y a bien une vingtaine de d’années, avoir conversé avec l’ancien buraliste du village. Lui demandant s’il avait connu Breton. « Bien sûr » m’avait-il répondu. « On savait qu’il était connu, on ignorait le détail de ses œuvres, mais quand il était en vacances, il passait souvent acheter du tabac et son journal. Toujours courtois. Et c’était quelqu’un de très simple. Quand il s’en allait chasser les papillons ou ramasser des cailloux, il n’était pas rare que ses chaussures n’aient pas de lacets… » C’est ce qu’on dira sans doute de Monsieur Miquel. « On ignorait le détail de ses projets et préoccupations, mais c’était quelqu’un de très simple et courtois. » Pour les lacets en revanche… Au fond, en littérature comme en politique, l’important, c’est de marcher résolument. Mais avec des semelles de vent.
Mercredi._ Les chats sont une catastrophe pour la biodiversité et les chiens une menace pour le climat. Les premiers chassent trop. Les seconds mangent des aliments dont la production engendre la déforestation. Voici en résumé les propos d’un expert du GIEC qui provoquent un tollé. Ma protégée féline est outrée. « Il est plus facile de nous faire porter le chapeau plutôt que de s’attaquer à la bétonisation à outrance, aux autoroutes qui traversent des déserts, aux avions privés ou à la surconsommation… » Pour ma part, je pense qu’il serait nécessaire, pour les intéressés en premier lieu, d’intensifier les campagnes de stérilisation. Mais il ne faut pas oublier le rôle social des chats et des chiens. Et leur fonction première : ils nous consolent tellement de la laideur du monde des hommes.
Jeudi._ Le niveau des principaux cours d’eau lotois a commencé à décroître. Et le week-end s’annonce sec. Tant mieux, évidemment. Il n’en va pas de même dans d’autres départements du quart sud-ouest. En Dordogne, en Charente par exemple. A la télé, on a vu que des prisons ont été évacuées. Quand nous habitions dans les Ardennes, pour cause d’inondations et de crues centennales, dans les années 90, ce sont les pensionnaires et patients de maisons de retraite et même d’un hôpital qui avaient été transférés. Quant à l’autoroute reliant Charleville à Sedan, elle avait été en partie surélevée par des militaires du Génie. On avait l’impression de rouler sur une piste d’aviation provisoire aménagée après une guerre. La nature est toujours la plus forte. Même quand elle se fâche. C’est pourquoi il faut la chérir et la protéger. Cela nous protège aussi. Je sais qu’il est de bon ton de dire qu’il y a trop de normes dans ce pays. Mais quand on voit où des élus ont accordé certains permis de construire…
Vendredi._ Comme disait mon grand-père, on n’a jamais été aussi près de Noël. Sibelle ouvre une parenthèse : « Profitons de l’occasion pour répéter que l’on écrit « je ne suis pas près de partir » et « je ne suis pas prêt à.. ». De là à courir acheter un Bescherelle ou un Grévisse pour les déposer au pied du sapin… Moi, sur ma liste, je n’ai au final couché qu’un seul vœu. Au risque de surprendre les agents du bureau provisoire du père Noël en service à Libourne, je ne souhaite qu’un cadeau. Il tient dans ce titre du chef-d’œuvre de Giono : « Que ma joie demeure ! ». Je n’habite pas en Provence mais sur les hauteurs du vieux village qui domine la vallée du Lot. Je veux continuer encore longtemps, chaque matin, chaque après-midi, chaque soir, à profiter du spectacle des couleurs du ciel, des vignes, des versants des coteaux. Je veux continuer encore longtemps à me dire, depuis la fenêtre ou le bolet : « Nous sommes pauvres, mais nous sommes beaux. »
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