Sibelle, le rituel des vœux (pieux ou pas) et les non-dits de la réforme des retraites
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ Les mois de janvier se suivent et se ressemblent. Avec ou sans galettes des rois, nos élus président des cérémonies de vœux en forme de grand-messes républicaines, que concluent généralement en guise de communion un vin d’honneur et quelques toasts. C’est l’occasion pour eux de procéder à un bilan de l’année écoulée, de dire leur désarroi face à l’état de la planète, de répéter que les guerres les attristent mais que sur le territoire dont ils ont la charge, des motifs d’espoir doivent nous encourager. Et ils en profitent pour procéder à quelques annonces. Le maire de Cahors a ainsi évoqué des investissements « en faveur du mieux vivre », ce qui inclut des travaux de voirie, une mutation de l’éclairage public ou, par exemple, la mise en œuvre d’un nouveau traitement de l’eau par ultraviolet à la fontaine des Chartreux. Le président du Département, de son côté, a insisté sur la création d’un enveloppe budgétaire pour aider les Lotois à « s’équiper de panneaux photovoltaïques ou de chauffe-eaux solaires ». N’oubliant pas qu’ils sont de gauche, le premier a dit son désarroi sur l’état de nos hôpitaux et la colère des soignants : « Comment le système de santé dirigé depuis Paris a-t-il pu être victime de tant d’erreurs de jugement et d’absence d’anticipation ? ». Et le second a fustigé le projet de réforme des retraites qui ne tient pas compte de « la pénibilité des métiers et du fait que souvent, dès 57, 58 ans, les séniors sont poussés vers le chômage par les entreprises ou ne sont plus employés lorsqu’ils postulent ». Ma protégée féline ne dit mot. Elle est vexée. Et pour cause, elle n’avait pas été invitée à ces raouts. « Si je ne risquais pas d’être sanctionnée par une amende même réduite, je déduirais bien quelques centimes de mes impôts locaux en guise de représailles » maugrée-t-elle…
Mardi._ On l’évoquait à l’instant. A l’heure prévue, mardi en fin d’après-midi, la Première ministre a confirmé ce que l’on savait déjà. Le gouvernement veut engager une énième réforme pour repousser une énième fois l’âge légal de départ à la retraite. Et allonger la durée de cotisation. Et une énième fois, avec Sibelle, nous constatons que ne sont pas pris en compte deux éléments majeurs. Le premier, c’est que plus on part tard, moins on a le dynamisme nécessaire pour s’engager dans la vie associative, moins on peut contribuer à la vie de la cité ou du village, moins on profite de ses petits-enfants (en les accueillant durant les congés scolaires par exemple). Le second, c’est qu’au-delà des chiffres, demeurera toujours une inégalité entre les retraités possédant un patrimoine (à commencer par leur propre habitation) et ceux qui n’ont pu ou su s’en constituer un. Certains ont pu ou su épargner durant leur vie active, d’autres ont hérité. Dans un pays où les prix de l’immobilier varient de 1 à 10 ou 15, ce n’est pas rien.
Mercredi._ On apprend que Noël Le Graët est mis en retrait de la présidence de la fédération française de football. Lui, pour sûr, aurait dû partir plus tôt : après un parcours professionnel réussi dans l’agro-alimentaire, après avoir fait de Guingamp (à peine 7000 habitants) une capitale du ballon rond, après avoir modernisé le football professionnel à la Ligue et gagné une coupe du monde avec la fédération et son système de formation reconnu comme l’un des meilleurs de la planète, il cumulait les déclarations inopportunes depuis quelque temps, et on lui prêtait des attitudes et des SMS pour le moins malvenus. « Mais le plus surprenant n’est-il pas qu’il aura fallu une phrase outrageante sur notre Zizou national pour qu’il soit dirigé vers la sortie ? » remarque ma tigresse domestique… Elle a raison. « On ne touche pas aux icônes, même en république » note encore ma belle. Et figurez-vous que je comprends alors que là, elle parle aussi pour elle !
Jeudi._ Le tribunal de Cahors a rendu son jugement dans le procès des chasseurs (l’auteur du coup de feu et le directeur de la battue) mis en cause dans la mort de Morgan Keane. Dans la rue, dans les cafés et a fortiori sur les réseaux sociaux, chacun y va de son appréciation sur les peines prononcées. Sans forcément tout connaître du dossier d’ailleurs (hors les proches de la victime et des prévenus). Et en oubliant que les juges n’avaient pas à juger la chasse mais un homicide involontaire. Avec Sibelle, on remarque que ce délibéré intervient alors que le gouvernement vient d’écarter le principe d’un jour sans chasse mais que sera « sanctionné l’acte de chasse sous l’emprise excessive de l’alcool ». Cependant, devrait être lancée une application numérique dédiée aux promeneurs pour savoir où se promener en toute sécurité. Une idée que les pro et anti-chasse considèrent comme farfelue quand on sait qu’une partie de la population n’est pas à l’aise avec les smartphones et l’informatique en général et qu’une majorité du territoire rural est en zone blanche (ni fibre, ni 4G). Bref…
Vendredi._ Crise ou pas crise, les soldes, c’est sacré. A Cahors comme ailleurs. Sibelle qui n’était pas disponible mercredi entend profiter du week-end pour faire quelques emplettes. Je dois lui confesser un sentiment de perplexité : « Excuse-moi, mais je ne vois pas en quoi il y a urgence à renouveler ta garde- robe, celle-ci étant réduite à sa plus simple expression… » C’était oublier le sens des affaires de ma protégée. « Mais il y aussi des soldes en dehors des boutiques de prêt-à-porter. On peut penser à des petits meubles, à de la déco. Et surtout, j’aimerais un nouveau coussin. » J’ai compris pourquoi. Depuis que nous avons installé un poêle à bois au milieu du cantou, ma petite féline a changé ses habitudes. Effrayée les premiers jours, elle a vite saisi l’intérêt de s’étaler de tout son long à proximité de cette source de chaleur bienvenue en hiver. Mais s’allonger à même le sol, ce n’est pas très noble. Je crois que je vais dire oui, alors. Quitte à ce qu’un coussin paraisse désormais abandonné, quand Sibelle part en goguette, au milieu du salon. Je suis faible…
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