Sibelle, le Lot en résistance et notre soutien aux producteurs des mets les plus fins…
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Nous dérogeons à nos habitudes pour ce dernier rendez-vous de 2023. Pas de présentation sous forme d’éphéméride, avec un paragraphe pour chaque jour de la semaine qui s‘achève. Une raison simple à cela. Au fond, deux seuls faits majeurs d’actualité ont marqué ces dernières journées de la semaine 51. Débutons donc par le vote du projet de loi sur l’immigration et ses répercussions dans notre département. Qui s’est particulièrement distingué.
Non par le fait des deux députés lotois. Volontiers frondeur d’ordinaire (on se souvient de ses positions lors de la réforme des retraites qui l’amenèrent à batailler ferme au sein de son propre camp), Aurélien Pradié a cette fois suivi sans sourciller le choix des Républicains. Quant à sa collègue Huguette Tiegna, elle n’a pas franchi le pas (contrairement à nombre de ses amis du groupe Renaissance) mais précise avoir voté « pour » avec un pincement au cœur. Et elle ajoute : « Pour le reste des dispositions qui font polémique, je fais confiance au président de la République qui a saisi le Conseil constitutionnel ». Vous suivez ? Ma protégée féline résume toute l’ambiguïté de cette formulation : « C’est donc un bon texte pour la majorité présidentielle, mais puisqu’il n’est pas si bon que ça, on espère dans cette même majorité que les sages vont censurer les dispositions qui sont contraires à leurs convictions… Bref, débrouillez-vous avec ça pour comprendre la cohérence de l’ensemble. »
Sur ce, le conseil départemental du Lot a été parmi les premiers à se distinguer. Rejoint ensuite par une trentaine de collectivités. Serge Rigal et son vice- président ont annoncé, en substance, que la loi serait respectée dans le Lot mais que pour ce qui est de l’allocation d’autonomie (une des compétences dévolues aux départements), une allocation universelle serait créée pour les exclus du régime général. « Le Département du Lot, fidèle à ses valeurs de solidarité, refuse et refusera d’appliquer le principe de la préférence nationale pour nos aînés » a expliqué le président de l’exécutif lotois. Aussitôt, à droite, certains ont fustigé ce qu’ils appellent une forme de sédition. Sibelle commente gravement : « Heureusement que dans certaines périodes de l’histoire, au XXème siècle notamment, des élus et des hauts-fonctionnaires ont en conscience décidé de ne pas se plier aux ordres ou au textes venus de Paris ou de quelque ville d’eaux. »
Rendez-vous en 2024 pour la suite de ce feuilleton qui est tout sauf comique. Il se sera passé quelques jours, et après deux réveillons et plusieurs repas de famille, nul doute qu’à défaut d’y voir plus clair, alors que les jours commenceront à rallonger, on commencera à être plus éclairé sur les desseins de chacun. Et s’il est encore temps, pour les déposer au pied du sapin, vous pouvez toujours commander en express un exemplaire du dernier manuel de droit constitutionnel, ou encore une référence en terme d’histoire, comme les ouvrages de Fernand Braudel sur le Méditerranée. « Et si vraiment tu as le portefeuille en berne, une boussole suffira » glisse ma tigresse domestique. Laquelle toutefois ne perd jamais le nord bien longtemps. Je l’observe… observer avec une attention soutenue les allées et venues que je multiplie entre frigo et congélo où sont entreposées les victuailles prévues pour les réveillons et les repas de Noël et du Jour de l’An. Elle m’interpelle : « C’est pas malheureux. Une partie de la planète est à feu et à sang, le nombre de sans- abris continue de grimper, on refuse du monde aux Restos du Cœur, mais toi, tu t’affaires et tu t’inquiètes pour savoir si la poularde s’accordera avec la sauce au foie gras ou si l’on optera pour un bourgogne ou un bordeaux ! » Je n’ignore pas le caractère parfois obscène, effectivement, de ces rendez-vous festifs. Alors je m’en tire par une pirouette : « Excusez-mois mademoiselle mais je souhaite mettre en valeur le savoir-faire des producteurs français. » Sibelle lève les cieux au ciel.
Au moment de conclure, avec Sibelle, il ne nous vient en définitive qu’un seul vœu, un seul souhait en cette veille de Noël : « La paix ! » Dans tous les sens du terme. La paix pour celles et ceux qui sont en lutte, pour leur survie ou pour celle de leurs proches, la paix pour ceux que le malheur frappe, la paix du cœur, du corps et des âmes : nous vous souhaitons une trêve la plus chaleureuse possible. Je me souviens des réveillons de Noël de mon enfance, chez ma grand-mère, dans les Ardennes. Nous mangions quelques gaufres, nous allions nous coucher sans évidemment pouvoir fermer l’œil, et au retour des adultes de la messe de Minuit, nous étions autorisés à descendre découvrir les cadeaux déposés au pied du sapin. On récitait une prière devant la crèche où le Petit Jésus reposait entre père et mère, réchauffé par le bœuf et l’âne, égayé par le chant des bergers. Et puis on ouvrait les cadeaux. Un petit train en bois. Un jeu de société. Une peluche. On avait les yeux mouillés de larmes. Et on remontait se coucher, ravis. C’était hier, c’était il y plus de cinquante ans. Nous n’étions pas pauvres mais nous étions beaux. Nous étions riches de l’amour de nos parents et riches d’une vie qui s’annonçait belle. Avec l’âge, nous avons perdu de cette pureté, de cette candeur. Mais j’ai gardé ces souvenirs-là bien au chaud dans mon cœur. Et j’espère que vous aussi. C’est le meilleur moyen de résister aux vents mauvais.
Bonnes fêtes et rendez-vous le 6 janvier 2024 !