Sibelle, le Dry January, les néo-Lotois en renfort et le futur roi du Danemark
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ Le premier jour de l’année, le plus fourni en rituels incontournables. Echanges de vœux, d’embrassades, pluie de SMS ou de coups de fil. Repas gourmand. Aux infos, autre classique, autre pluie, avec cette fois les annonces des hausses de prix, les décrets, les nouveautés. La veille au soir, le président a évoqué un « réarmement ». Au sens figuré du terme. Ou pas. « Moi, je vais me réarmer de patience » glisse ma protégée féline guère sensible à ces… sensibleries et à ces habitudes humaines qu’elle considère comme parfaitement illusoires. « On peut aussi se souhaiter de gagner au loto » s’amuse-t-elle alors que mon portable vibre pour la énième fois. Mais nous sommes enfermés dans ce scénario bien huilé. Imaginez un peu que ce rendez-vous hebdomadaire ne comprenne pas ne serait-ce qu’une ligne ou deux consacrées à la nouvelle année. Pour vous dire, bien sûr, que je vous souhaite un millésime 2024 le plus doux et le plus serein possible. Sur tous les plans. J’oublierais cela, vous m’en voudriez, hein ? Alors c’est fait. Et je précise que c’est sincère. « Je note que tu as employé le mot « millésime ». C’est un clin d’œil au Dry January ? Au mois sans alcool ? » questionne Sibelle, toujours narquoise… Venue du Royaume Uni (et non des Etats-Unis, comme tant d’autres modes), cette injonction sonne bizarrement, alors que l’on trinque à tout va, sans parler des cérémonies plus ou moins officielles qui ponctuent chaque début d’année. Elle sonne encore plus curieusement dans une région viticole, alors que nos producteurs sont confrontés à une crise en raison des aléas climatiques et du mildiou. Mais pour autant, pas question de nier que l’alcool puisse initier des addictions. Notre monde est ainsi fait. « Comme moi, il charrie les contradictions », conclut ma tigresse. « Charrier », ça, effectivement, elle sait faire…
Mardi._ C’est une des grandes infos de ce début d’année. Le reine du Danemark va passer le relais. Après un demi-siècle de règne. Enfin, 52 ans, pour être précis. On sait les attaches qui la lient au Lot. Alors, on s’interroge. Son successeur, son fils aîné Frederik, sera-t-il aussi un habitué du château de Cayx, des balades dans les vignes, des marchés du samedi à Cahors l’été venu ? Au fond, en bons républicains, on l’espère quand même. Parce que ça nous flatte. Et puis cette monarchie sans trop de chichis, on trouve que c’est assez cool. « Ah évidemment, rentrer des courses avec son panier sous le bras débordant de charcutailles, de cabécous et de fruits rouges tout en glissant qu’on a croisé un(e) monarque devant un étal, ça chatouille l’égo » tacle Sibelle. Je dois la rassurer. Je n’ai qu’une princesse. C’est elle.
Mercredi._ L’Insee est formel. On dénombre 174 942 habitants dans le Lot. La livraison annuelle des données démographiques indique donc une certaine stabilité, à défaut d’une stabilité certaine. Les experts sont en tout cas formels : c’est l’arrivée de nouveaux habitants qui compense le solde négatif entre décès et naissances. Qui sont ces nouveaux Lotois ? Des jeunes d’ici devenus adultes, parents, et qui rentrent au bercail après avoir commencé leur vie professionnelle et familiale en région toulousaine, par exemple, ravis de profiter d’un cadre de vie plus serein (et de prix de l’immobilier évidemment bien plus accessibles). Mais aussi des quadras ou quinquas comme moi, qui ont quitté la moitié « nord » du pays (voire du continent) pour une contrée plus douce, et pas seulement en raison de sa météo. « Les spécialistes de l’Insee ne nous disent pas en revanche si le slogan cher à Maurice Faure y est pour quelque chose, si les nouveaux habitants du 46 se reconnaissent dans cette définition : nous sommes pauvres mais nous sommes beaux ! » regrette Sibelle.
Jeudi._ Des chiffres encore. On apprend selon le très sérieux Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) que la fréquentation des salles obscures fut en nette augmentation l’an passé. « La France affiche, dès 2023, des résultats proches des niveaux d’avant crise : la fréquentation des salles atteint 181 millions d’entrées, en hausse de 18,9 % par rapport à 2022 » indique l’institution dans un communiqué. C’est même mieux à Cahors. Dans le quotidien local, la direction du Grand Palais évoque une hausse de 22 %. Soit un total sur l’année de 183 876 entrées. Pardon de me pousser du col, mais je figure parmi les 183 876 spectateurs. Pour quelqu’un comme moi, ce n’est pas rien. Amateur de foot, c’est devenu compliqué de trouver un créneau le week- end ou en soirée, la semaine, sans qu’on nous propose à la télé un Marseille- Monaco, un PSG-Milan voire un Liverpool-Chelsea ! Et je ne parle même pas de la Ligue 2 ou des débriefs de L’Equipe du Soir. « Enfin, il faut convenir que nombre de footballeurs sont de merveilleux comédiens… Et pas seulement ballon au pied » tacle ma protégée qui regrette le départ de Neymar, dont elle appréciait le talent en la matière, et qui n’avait rien à envier aux anciens élèves de l’Actors Studio.
Vendredi._ Déjà le week-end. Une vague de froid est annoncée. C’est curieux, hein, comme le cycle des saisons nous ramène à la réalité, et que le thermomètre baisse alors que les jours rallongent, lentement mais sûrement. C’est la vie, quoi. Plus ou moins bien remplie. Avec Sibelle, on regarde le cercueil de Jacques Delors quitter la cour des Invalides sur un air de jazz. Sans doute suis-je de ceux qui retiendront que ce grand homme qui croyait en l’Europe eut d’abord le courage et le cran de refuser l’Elysée en 1995 alors que la victoire lui tendait les bras. Il avança alors comme argument qu’il avait déjà 70 ans. Une de ses citations est cruelle pour le personnel politique d’aujourd’hui : « Mon problème est de savoir comment trouver la meilleure façon d’être utile. » Ma protégée remarque : « Si tous nos élus se posaient cette question, certains ne resteraient guère longtemps à leur poste. »
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