Sibelle, le collège de Bretenoux, nos maires à l’Elysée et l’appétit gourmand des Vikings gourmets

Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats. 

Lundi._ On se remet de ses émotions à Bretenoux. Ce n’est pas tous les week- ends qu’on inaugure un collège flambant neuf dans un village de moins de 1500 habitants. Le ban et l’arrière-ban des élus lotois en tête (à commencer par le président Serge Rigal, puisque c’est le Conseil départemental qui a décidé des travaux), nombreux étaient ceux qui voulaient voir de près « le premier bâtiment scolaire à énergie positive du Lot », comme l’a souligné le patron de l’exécutif. La formule est d’abord à prendre au premier degré. Via « une isolation renforcée, l’utilisation de la géothermie et l’installation de panneaux photovoltaïques, l’établissement produira sur l’année plus d’énergie qu’il n’en consomme ». Et Serge Rigal d’expliquer encore : « Il n’était pas possible de vouloir le meilleur pour nos jeunes sans penser à ce que nous allions leur laisser en héritage ». Sibelle opine du chef. « Si dans tout le pays et même partout dans le monde ce principe était une règle d’airain, si partout on ne se forçait pas à regarder ailleurs pendant que la maison brûle, comme disait Monsieur Chirac, la transition énergétique et le devenir de la planète ne relèveraient pas de l’utopie… » Ma protégée a raison. J’ajoute quand même qu’on voudrait aussi que l’expression « énergie positive » soit comprise au second degré. Que les collégiens, au sortir de la troisième, aient engrangé dans cet établissement via leurs professeurs et cet environnement bien pensé, assez d’énergie créatrice, humaniste, assez d’empathie et de bonne volonté pour devenir des jeunes et ensuite des adultes respectueux, respectables et respectés. De belles personnes, quoi. On veut le croire. Et au final, on veut le croire pour tous. 

Mardi._ On apprend qu’Émilien Gailleton a été sacré « révélation du Top 14 » lors de la Nuit du rugby, diffusée sur Canal Plus. Ma protégée féline remarque que le Lotois qui évolue à Pau n’a pu se déplacer dans la capitale. Son visage a toutefois illuminé l’écran géant sur la scène de l’Olympia où se déroulait ce prestigieux raout. Une forme de consécration au vu de ses remarquables performances en championnat et de consolation alors que pré-sélectionné pour la coupe du monde par un autre Lotois, Fabien Galthié, il n’a finalement pas été retenu… Alors que dans le même temps, s’il était resté avec les U20, il aurait été champion du monde. « Quand on a grandi dans les environs de Cahors, on sait qu’il faut donner du temps au temps. Et que parfois, toutes les saveurs et toute la grandeur d’un cru ne sont pleinement tangibles qu’avec l’avec l’âge… » note ma protégée, qui se veut philosophe. Elle a peut-être raison pour ce qui est du vin ou du rugby. Mais je ne suis pas certain que ce soit vrai pour les chats… 

Mercredi._ En marge du congrès des maires de France où visiblement il préfère ne pas se rendre, Emmanuel Macron a convié un millier de premiers magistrats à l’Elysée. Il y avait une dizaine de Lotois parmi eux. Seuls les fins spécialistes savent s’ils sont tous de résolus militants ou sympathisants de la majorité. Pour certains, comme le maire de Souillac, c’est une certitude. Pour d’autres, c’est moins sûr. Mais peu importe finalement. Comme Sibelle, j’ai un doux espoir. J’aimerais que la scène se soit passée comme suit… Une sorte de rêve. Vous imaginez l’entrée de nos maires dans la grande salle d’honneur du palais, vous les voyez, fiers et droits comme des « i », marcher à l’unisson, à la fois honorés d’être là et conscients qu’ils sont à la hauteur de l’événement, qu’ils n’ont aucun complexe à avoir, vous les imaginez, hein, se regrouper, et soudain s’écrier devant leurs centaines de collègues des quatre coins de l’Hexagone (qui en compte six) : « Nous sommes pauvres, mais nous sommes beaux ! ». Et le président Macron de leur répondre : « Ah, vous êtes là ! Bienvenue aux héritiers de Maurice Faure ! » 

Jeudi._ Dans le même temps ou presque, plus au nord de l’Europe, de jeunes apprentis du CFA de Cahors ont eu ce jour la belle et noble mission de préparer un cocktail dînatoire pour l’ambassadeur de France au Danemark et ses invités, évidemment « triés sur le volet », comme le notent des confrères. Là, pas question de ressortir la maxime citée plus haut, puisque le menu incluait canard, agneau fermier, safran, noix et rocamadour. Cette initiative se révèle en fait un nouveau chapitre des relations privilégiées que notre département entretient avec le royaume, et réciproquement. Notons que l’ambassadeur de France avait choisi toutefois une appellation en forme de clin d’œil pour l’événement : « Le Lot chez Les Vikings ». La suite du séjour des jeunes d’ici comprend une rencontre, en son palais, avec la reine Margrethe II. Ils lui offriront un panier garni de victuailles du Quercy. La souveraine qui aime en été arpenter les allées du marché de Cahors quand elle vient se reposer au château de Cayx, appréciera comme il se doit. C’est notre arme secrète, ici. Quand on a affaire à des Vikings ou à des nouveaux venus qui semblent un peu costauds, on les amadoue autour d’une bonne table. Sibelle s’esclaffe : « Tu devrais tenter de m’amadouer plus souvent ». 

Vendredi._ La mort de l’immense historien Emmanuel Le Roy Ladurie. Ils ne sont pas si nombreux, les grandes figures des sciences humaines, à avoir vendu plusieurs millions d’exemplaires d’un ouvrage. Ce fut le cas pour Le Roy Ladurie en 1975 avec « Montaillou, village occitan », véritable phénomène de librairie avec plus de deux millions de livres vendus. La maire de la commune de l’Ariège a réagi ainsi au micro de France Bleu : « Notre village lui doit beaucoup. Montaillou était dans l’oubli et quand le livre est sorti en 1975, tous les médias sont venus ! Et tous les ans, notamment l’été, des gens du monde entier viennent parce qu’ils ont lu son livre ! » Dans ce volume, l’historien a reconstitué la vie de ce petit village à partir des notes de l’inquisiteur Jacques Fournier, alors évêque de Pamiers (1318-1325). Le grand public y a saisi tous les aspects de la vie quotidienne des humbles paysans des lieux. Célèbre également pour avoir été le premier grand historien à s’intéresser à l’évolution du climat, Emmanuel Le Roy Ladurie était déjà connu et reconnu quand j’ai initié mes très modestes études. Sans avoir parcouru toute son œuvre, j’avoue l’avoir cité parfois, dans mes copies. Comme pour signifier à mes professeurs que je savais que c’était un grand homme, une référence. Sibelle ose plaisanter en ces circonstances. « Résultat, tu es devenu journaliste. Et tu cites désormais ton propre chat au lieu des grands chercheurs, des champions du savoir. Bravo ! » Insolente. Dommage qu’en son temps, l’historien n’ait pas trouvé quelque source pour rédiger une histoire de notre village du Quercy. On y aurait peut-être lu qu’au Moyen Age déjà, les chats y avaient la langue trop pendue. 

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