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Sibelle, le civisme lotois et le mercure qui fait son show 


Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats. 

Le très noble sens civique de nos concitoyens du 46 est-il soluble dans la canicule ? On le saura dès demain. Restera de toute façon cette belle information qui a parcouru les salles de rédaction de France et de Navarre comme les réseaux sociaux dimanche dernier : c’est dans le Lot qu’on a voté le plus lors du premier tour des élections législatives millésime 2022. Avec plus de 59 % des électeurs qui se sont rendus aux urnes, soit plus de 10 points par rapport à l’ensemble du pays, nous (car je fais partie des 59%) avons donné une belle leçon de civisme à nos compatriotes. Dans quelques localités, on a même dépassé les 80 %, comme dans le doux village d’Espagnac-Sainte-Eulalie.

Petite digression en passant : vous ai-je déjà dit l’attachement indélébile qui me lie à cette commune ? C’est là-bas, sur la plage située en contrebas du prieuré, dans les eaux fraîches du Célé, que mes enfants ont appris à nager. Alors vous imaginez que dans la famille, depuis lors, Copacabana ou la Madrague, c’est de la gnognotte à côté du spot d’Espagnac. Bref. Mais revenons à notre propos. Et à l’analyse de Sibelle quant à cette participation électorale dans le Lot : « Sans aucun doute, même inconsciemment, nous restons fidèles ici à l’héritage de Gambetta. Quand on a la chance d’avoir un enfant du pays qui eut le cran, en 1870, de proclamer la République, on n’hésite pas à sacrifier quelques minutes de son dimanche pour aller déposer un bulletin dans l’urne. »

Elle n’a pas tort mais elle oublie, peut- être, un autre paramètre. D’une manière générale, là où l’on vote encore beaucoup, ce sont dans les départements ruraux. Car dans un village, se rendre aux urnes, cela n’a rien à voir avec ce qui se passe en ville. On se connaît, on discute avant et après, et pas forcément des élections d’ailleurs. C’est un peu comme à la sortie de la messe, si j’ose dire (et si vous me pardonnez cette entorse passagère à la laïcité)… On demande des nouvelles du petit dernier, on évoque la prochaine récolte ou la nouvelle voiture des Parisiens qui ont racheté la maison de Madame Trucmuche. On s’endimanche, d’ailleurs. L’autre jour, ma protégée féline a fait les gros yeux alors que je m’apprêtais à gagner la mairie en tongues. 

Sur ce, demain, pour le deuxième tour, il y a fort à parier que le sujet de discussion sera tout trouvé. « Des températures comme ça, c’est anormal en plein mois de juin. On dort la fenêtre ouverte mais dans la journée, on étouffe. Et dans mon jardin, les plantes sont en train de sécher… » Florilège convenu. Mais c’est aussi en période de canicule que l’on mesure la chance d’habiter une maison quercynoise bâtie en pierres d’ici. Avec des murs épais. Elles savent nous préserver, elles conservent la fraîcheur. Quand bien même dehors, le thermomètre approche des 40 degrés, à l’intérieur, on reste autour de 25, ce qui est évidemment bien plus vivable. Me revient la réflexion de ce jeune mais talentueux maître maçon qui, il y a quelques années, a redonné une seconde jeunesse aux extérieurs de notre bâtisse, sur les hauteurs du vieux village, lui ôtant son manteau d’enduit. Me désignant les pierres qui patientaient avant d’être rejointoyées, il prononça ces mots : « Je ne sais pas d’où elles viennent, de Crayssac ou d’ailleurs, mais une chose est sûre : elles avaient soif. » 

Rien à voir. Demain, ce n’est pas que jour d’élection. C’est aussi la fête des pères. Je penserai évidemment au mien, disparu trop tôt, en 1999, et dont je tiens certaines valeurs, certains goûts (pour l’écriture et les livres, par exemple), certains traits de caractère. Je boirai un verre de rosé à sa mémoire et sans doute, je me poserai une énième fois les mêmes questions. Quand mon père nous a quittés, outre l’incommensurable chagrin, deux choses m’ont vite plongé dans un infini désarroi. Un abîme de circonspection. Deux choses m’ont laissé pantois. Quelle logique prévalait à sa façon très personnelle de ranger les livres de sa bibliothèques et les bouteilles de sa cave ? Dans les deux cas, papa est parti avec ses secrets. Je cherche encore la clé. Pas une affaire de couleur, de millésime, de style, de format ou de longueur en bouche ou en pages, pas une affaire d’origine régionale ou de valeur marchande. Et je ne peux croire, évidemment, qu’il n’y avait pas de logique. Mais laquelle ? Au fond, c’est comme pour les élections. Dans le secret de l’isoloir, de la bibliothèque voire de la cave, chacun a sa notion de libre arbitre. 

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