Sibelle, le château de Bonaguil, la Sainte Coiffe et le verdict des Sages
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ Le château de Bonaguil (un peu plus de 56 000 entrées), le Musée Champollion (près de 46 000 visiteurs), le Gouffre de Padirac (475 000), la Forêt des Singes à Rocamadour (133 000), le Parc Aquatique de la Saule à Bétaille (53 000), les croisières de Saint-Cirq Lapopie à Bouziès (29 000), la Maison des Arts Georges Pompidou à Cajarc (12 700) et le Pont Valentré (211 000) : dans leurs catégories respectives, voilà les champions 2022 en terme de fréquentation des sites et lieux de visite lotois, selon les données délivrées cette semaine par Lot Tourisme. L’agence précise : « Après avoir été profondément affectés par les effets de la crise sanitaire en 2020 puis 2021, les sites touristiques du Lot se relèvent doucement en 2022 avec une fréquentation en moyenne 22% supérieure à celle enregistrée l’année précédente. Pour autant, tous n’ont pas retrouvé des niveaux de fréquentation comparables à ceux de 2019 avec en moyenne 6% de moins de visiteurs à l’échelle de l’ensemble des sites touristiques… » La faute notamment à la météo, selon les professionnels : « Malgré une saison particulièrement satisfaisante en matière de volumes de nuitées enregistrées dans le département (+3% par rapport à 2019), la progression des flux de touristes et d’excursionnistes ne s’est pourtant pas toujours traduite de manière systématique en matière de retombées économiques pour les professionnels du tourisme. Si les touristes étaient bel et bien au rendez-vous, les fortes chaleurs conjuguées au contexte inflationniste ont sans doute joué un rôle « anesthésiant » pour de nombreux prestataires… » Sibelle analyse les tableaux, compare les chiffres et finit par poser « la » question qui fâche. « Je ne comprends pas. D’après Wikipédia et surtout la base Mérimée (monuments historiques) du ministère de la Culture, le château de Bonaguil est situé sur la commune de Saint-Front-sur-Lémance, dans le département du Lot-et-Garonne, à quelques dizaines de mètres du Lot, certes, mais pas dans le Lot. Que fait-il dans ce classement ? » Je suis pris de court. Je cherche une parade. Un argument, même tiré par les cheveux. Mais c’est compliqué. Evidemment. Difficile par exemple d’arguer que c’est parce que celui qui l’a agrandi et fortifié au XVème siècle, Bérenger de Roquefeuil- Blanquefort, était né à Flaugnac, dans le Lot. Alors je finis par botter en touche : « C’est parce que c’est du Lot qu’on le voit le mieux, que sa silhouette majestueuse est la plus imposante… » Pas évident, certes, pas très convaincant, mais je ne pouvais pas comme ça, sans préavis, effacer 56 000 visiteurs du très sérieux bilan de l’agence Lot Tourisme. Non ?
Mardi._ Demain s’achève la semaine dite de « l’Ostension solennelle de la Sainte Coiffe » en la cathédrale de Cahors. Pour être précis, en cette période, la chapelle qui abrite la relique est exceptionnellement ouverte à tous et chacun peut y entrer, s’approcher et vénérer la Sainte Coiffe. J’explique à Sibelle de quoi il s’agit : « C’est le linge funéraire qui recouvrit la tête de Jésus lors de son ensevelissement. Tu as le droit d’utiliser le conditionnel. Disons que c’est un peu notre Suaire à nous… » Il n‘en faut pas davantage pour plonger ma protégée dans un abîme de perplexité. On a la foi ou on ne l’a pas. Or, je devine que Sibelle n’est pas indifférente à cette forme de mystère : ici la science n’est pas en cause, au fond. Ce dont il s‘agit, pour les fidèles, c’est de partager à travers la relique une même conviction, une même croyance, une même philosophie. Pour eux, il y a un « après », il y a une force et une puissance qui nous échappent, et selon la formule, un dieu s’est fait homme pour en témoigner. La vénération de la Sainte Coiffe décline aussi, et c’est en cela que cette tradition demeure moderne, la très subtile distinction entre le cultuel et le culturel. Certains fidèles vénèrent la relique par ce que cela s’avère une forme de culte, d’autres parce que cela participe d’un héritage culturel. Je propose à ma belle d’aller réfléchir à ces questions, un de ces jours, dans le plus beau des espaces verts de Cahors : le cloître de la cathédrale. Lequel pourrait figurer dans le classement des sites touristiques, d’ailleurs. Là, pas de doute sur l’appellation d’origine contrôlée.
Mercredi._ Le maire Jean-Marc Vayssouze-Faure est aux anges : « Une victoire pour la France et pour Cahors ! Après l’unique victoire française du Tour de France l’été dernier à Cahors, la règle se confirme : notre ville porte chance aux sportifs français de haut niveau ! Ce sont 3 000 spectatrices et spectateurs qui sont venus soutenir les joueurs et vivre cette victoire française (score final : 52-26)… » Ce mercredi soir, par une météo toute britannique, les U20 (autrement dit les espoirs) tricolores ont pris le dessus sur leur homologues irlandais. Le stade Lucien Desprats était plein. « 3 000 spectateurs dans une ville de 20 000 habitants, cela ferait à peu près 30 000 dans une ville de 200 000 : c’est donc un succès aussi sur ce plan » relève ma protégée féline. Exact. Sur ce, elle n’ose pas avouer qu’effrayée par la météo, elle a préféré, et moi aussi, rester confortablement sur le canapé, près du poêle, pour regarder Real-Chelsea sur Canal Plus en Ligue des Champions. Elle a simplement glissé, au passage : « Dire que ce sport, le rugby, a été inventé par un étudiant lassé de devoir faire progresser le ballon en le poussant du pied… » Je ne lui pas opposé que c’était là un raccourci, voire une légende. Mais c’est comme pour la Sainte Coiffe. L’important, c’est d’y croire. Et de communier. De partager.
Jeudi._ Pas de chance pour le retour de la Transhumance Rocamadour-Luzech : les brebis, leurs bergers et les suiveurs de la caravane ont droit à un temps de Toussaint. Après le Covid, après la grippe aviaire, cette fois, c’est la pluie et le vent qui gâchent un peu la fête. Question de Sibelle : « Nos belles brebis du Quercy ont-elles des essuie-glace sur leur lunettes noires ? »
Vendredi._ Tout le pays ou presque est en haleine. C’est en fin d’après-midi que l’on connaîtra l’avis du Conseil constitutionnel concernant la réforme des retraites. C’est à la fois désarmant et rassurant. Il y a bien une haute instance indépendante qui juge de la constitutionnalité – ou pas – des lois. Pour le reste, chacun jugera, c’est le cas de le dire, quand viendra le verdict… A l’heure où ces lignes sont écrites, des dizaines de policiers protègent l’auguste immeuble où les sages sont réunis. On ignore ce qu’en aurait pensé le dernier Lotois à avoir été membre dudit Conseil constitutionnel, Maurice Faure, qui y siégea de 1989 à 2008. Il aurait peut-être ouvert la fenêtre, soudain, pour hurler à la foule impatiente : « Nous sommes pauvres, mais nous sommes beaux ! »
Visuel DR