Sibelle, l’art de gouverner un pays qui aime le fromage et les ambitions (déçues) des politiques d’ici
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ On est d’accord : pas d’ironie déplacée avec les noms de famille ! Disons donc simplement que les députés examinent ou plutôt devaient examiner en ce début de semaine la proposition de loi Duplomb visant à « à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » (sic). Il y est question de supprimer certaines normes et contrôles, de lever certains interdits. Les tracteurs n’auront pas besoin de bloquer les ronds-points. Assez vite, face aux milliers d’amendements, via une astuce procédurale, pour éviter un enlisement, le texte est rejeté pour être directement discuté en commission mixte (réunissant sénateurs et députés). Dans le même temps, si la colère des uns est apaisée, d’autres prennent le relais. Ce sont les taxis. Ils sont vent debout contre la baisse des remboursements de la sécu visant les transports sanitaires (quand il faut conduire un patient à un rendez-vous loin de chez lui, par exemple). Ils râlent aussi, et ce n’est pas nouveau, contre la concurrence à leurs yeux déloyale des VTC, ceux qu’on appelle les Uber. « En gros, dans ce pays, il y a ceux qui pensent qu’il y trop de normes ou pas assez, trop de contraintes ou pas assez, trop d‘Etat ou pas assez » résume ma protégée avec ses gros sabots. Ou plutôt coussinets. Je ne sais pas quoi lui répondre, et je crois qu’on est nombreux dans ce cas. Y compris dans le Lot, évidemment. On ne peut nier qu’il faut faire attention au climat et à la santé, au cycle de l’eau, sa qualité et sa quantité. On ne peut pas nier que la seule loi du marché devient vite la loi de la jungle. Après, évidemment, une fois qu’on a dit ça, tout est affaire de nuance(s). D’équilibre. C’est là que ça se complique. « Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 258 variétés de fromage ? » se lamentait déjà le Général (d’ailleurs en deçà de la vérité, puisque certains prétendent qu’il y en plus de 300 !)…
Mardi._ C’est une tendance qui peut inquiéter : de plus en plus de lieux (restaurants, hôtels ou villages vacances, modes de transports notamment) sont désormais « interdits » aux enfants. Des lieux « nos kids ». Comme vous, il m’est arrivé d’être agacé par des pleurs ou des chahuts. D’être gêné dans mon petit confort (la faute en revenant davantage du reste à certains parents qu’à leurs descendants!). Mais de là à vouloir interdire les enfants dans certains lieux ou à certains moments ? Sans doute sont-ce les mêmes qui se plaignent ensuite de la baisse de la natalité ? On me souffle dans l’oreillette (« on », c’est-à-dire qui vous savez…) que du coup, ce sera peut-être un « plus » pour les commerçants qui afficheront l’inverse : « Enfants bienvenus ». En son temps, Sibelle avait imaginé un label « Cats welcome ». Reste ce constat. Comptez sur les humains pour élever des murs quand on se plaint par ailleurs qu’il n’y a plus assez de haies…
Mercredi._ En son temps, en décembre 2022 (c’était hier, c’était il y a une éternité), Aurélien Pradié avait essuyé un revers lors de l’élection à la présidence des Républicains. Devancé par Eric Ciotti (qui a depuis fait ses valises) et Bruno Retailleau (qui a posé les siennes place Beauvau). A croire que la période n’est pas propice aux Lotois dans les scrutins internes. Cette semaine, c’est Rémi Branco, bras droit de Boris Vallaud à quelques jours du congrès du PS, qui a échoué. La motion « Unir » (la mal nommée?) n’a réuni que 17 % des suffrages (loin derrière les textes d’Olivier Faure, premier secrétaire sortant, et de Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen que soutenait Carole Delga). Mais dans un cas comme dans l’autre, les Lotois peuvent espérer jouer un rôle d’arbitre. Dans le passé, sous la IIIe, sous la IVème et même sous la Vème, du temps des Malvy, De Monzie, Monnerville, Faure, fût-ce au prix de certaines acrobaties, cela leur a souvent réussi. Sibelle observe tout cela avec une certaine distance. A tout le moins une forme de flegme. Elle vient de trouver sur Internet cette étonnante citation signée étonnamment de Wolinski, qu’on n’attend pas forcément dans ce registre : « La politique est le dernier refuge des aventuriers ». Dans le Quercy aussi ?
Jeudi._ On apprend l’annulation de l’édition 2025 du Vrai Repaire Festival qui devait se tenir ces 13 et 14 juin à Varaire. « Depuis plusieurs années, nous faisons face à une augmentation croissante des coûts, liée notamment à une réglementation toujours plus exigeante, ainsi qu’à une réduction drastique des financements publics et privés. Les contraintes administratives et logistiques se multiplient, et le coût artistique ne cesse de s’alourdir, rendant chaque édition un peu plus fragile et nous menant à cette décision forte, mais qui semble la plus raisonnable » indiquent les organisateurs qui ne disent pas « adieu » mais « au revoir ». On leur souhaite évidemment de rebondir, comme a pu le faire le festival de blues de Cahors qui revient en juillet. Reste cette question : y a-t-il trop de festivals dans le Lot ? Une équation que l’on peut formuler autrement… Comment faire autant avec moins de moyens et plus de contraintes ? Faut-il s’organiser collectivement ? Quelle politique à adopter de la part des collectivités ? Au fond, on en revient aux problématiques du début de semaine et donc évoquées au début de cette chronique. Comment trouver un bon équilibre ? Vous avez deux heures. Ou un peu plus.
Vendredi._ Quelques mots de sport pour terminer. Même si l’on est indifférent à la discipline, le tournoi de Roland-Garros nous rappelle que l’été approche. Dimanche, en foot cette fois, le PSG essaiera enfin de brandir le trophée de la Ligue des Champions. Et comme dirait ma tigresse domestique, on n’a jamais été aussi près du départ du Tour de France. Il y a des repères plus désagréables. Il y a des sujets plus graves. Il y a d’ailleurs des images insoutenables à la télé sur ce qui se passe ici ou là dans le monde. Alors n’ayons pas de complexes, pas plus dans le Lot qu’ailleurs. Que ce soit via le sport ou la vue de simples paysages, comme celui que je contemple de ma fenêtre, les parcelles de vignes qui bordent la rivière, sachons cueillir les plaisirs simples. Sibelle ronronne. Les commentateurs aussi. Et le temps passe.