Sibelle, la voiture du président Rigal, le concert de Varaire et les vrais héros du D-Day
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ La semaine débute sur les chapeaux de roues à l’Hôtel du Département. Mais l’expression est en l’espèce malheureuse… L’ensemble du personnel et des visiteurs ou usagers est évacué en milieu d’après-midi. L’alarme n’était pas un exercice. Un incendie s’est déclaré alors qu’un véhicule hybride était en train d’être rechargé. Sur la photo publiée par Medialot, on voit des flammes au niveau du bas de caisse. La voiture n’était autre que celle affectée au président. Les pompiers sont rapidement intervenus, mais la berline est hors d’usage. Bien que statistiquement, ce genre d’incident soit a priori très marginal, la question se pose néanmoins quant au choix de l’emplacement des bornes de recharge. A l’extérieur, à l’air libre, les risques de dommages collatéraux sont moindres. Sibelle note que ce fait divers sans conséquence majeure intervient alors que le débat est vif sur le caractère non polluant des dites voitures électriques, qui sont pourtant censées symboliser la transition énergétique. Certes, une fois en fonctionnement, elles émettent bien moins de CO2 que leurs cousines « thermiques ». Mais quid de leur fabrication ? Des composants dans leur batterie ? Ma protégée qui ne voyage que protégée dans une cage de transport (dans laquelle son maître a positionné une couverture moelleuse) est dubitative. « Nos ancêtres n’avaient pas ces soucis à bord de leurs voitures hippomobiles » conclut- elle. Certes. Mais il fallait toute une matinée (voire une petite journée) pour faire Cahors-Souillac. Et sans transition, ma tigresse s’en va pour sa balade quotidienne en m’invitant à méditer cette réflexion de Flaubert : « Voyager rend modeste. On voit mieux la place minuscule que l’on occupe dans le monde. » Bah. Un peu hors-sujet mais bien vu.
Mardi._Varaire. Quelque 350 habitants, un village lotois dans toute sa splendeur, au milieu du causse, avec ses parcelles de lavande et ses chênes truffiers. Mais ce mardi, plus de 1500 spectateurs étaient au rendez-vous pour applaudir Manu Chao, invité par l’association Vrai Repaire. Et encore, il s‘agissait d’un concert « intimiste » ! Un tour de chant en forme de tour de force pour les bénévoles. Je glisse au passage à ma protégée féline que tout ça ne me rajeunit pas. J’étais encore journaliste stagiaire à Reims il y a plus de trente ans maintenant quand j’eus l’honneur d’interviewer l’intéressé. J’avoue que je n’en menais pas large. J’eus le droit de le rencontrer dans sa loge. Il était le jeune leader du groupe Mano Negra. Je ne me doutais pas évidemment que Manu Chao allait devenir une icône. Une sorte de Che Guevara citoyen du monde et artiste engagé hors des sentiers battus, à la fois charismatique et éternel jeune homme à la gueule d’ange sur les images d’archives où on le voit interpréter devant Diego Maradona un hymne en l’honneur du tout aussi génial et inclassable footballeur. Sibelle sait maintenant pourquoi il y a toujours un vieux CD de Clandestino dans la voiture…
Mercredi._ Une note de conjoncture de l’Agence Lot Tourisme fait état d’un « début de saison mitigé ». Le week-end prolongé de l’Ascension a permis cependant de compenser des vacances de printemps en deçà de 2023. Les professionnels ne sont pas très optimistes par ailleurs pour juillet et août. Le niveau des réservations demeure bas. La faute à la météo ? Aux JO ? A de nouvelles habitudes qui font que les vacanciers s’y prennent plus tard pour choisir quand et surtout où partir ? Sibelle propose pour sa part de changer de cap en terme de communication. « C’est pas faute de suggérer depuis plusieurs années maintenant que nous devrions adopter le seul slogan qui vaille. Celui qu’inventa en son temps Maurice Faure. En le modifiant un tout petit peu… » Ce qui donnerait ceci : « Venez en vacances dans le Lot ! Nous sommes pauvres mais nous sommes beaux ! »
Jeudi._ Le 80ème anniversaire du Débarquement en Normandie. Devant l’écran de la télé, nous regardons les images des cérémonies, toutes plus émouvantes les unes que les autres. Et quand le chef de l’État remet la Légion d’honneur à des vétérans, évidemment centenaires ou presque, voilà qu’une larme coule sur ma joue. Il y a quelques années, en famille, j’ai visité ces plages, ces cimetières, j’ai marché sur le sable mouillé de vagues rougies par le sang de tant de héros au matin du 6 juin 1944. Ces lieux sont désormais sacrés à jamais, dans leur relative banalité (je parle des plages, pas des immenses cimetières). Reste ceci : il y a vraiment des jours où l’on saisit le sens, tout le sens, toute la nécessité, de ce que l’on appelle le Devoir de Mémoire.
Vendredi._ J’ai posé les grandes enveloppes blanches sur la table de la salle à manger. Sibelle est étonnée : « Un courrier de ministre ! » Non madame, un courrier de citoyen. « Il y a là les professions de foi et les bulletins de vote de l’élection européenne, millésime 2024… Et encore, une partie seulement, puisque certaines n’ont pu imprimer de propagande et/ou conseillent d’imprimer leur bulletin à la maison… » Pour une fois, le proverbe s’impose pleinement. Beaucoup d’appelés, peu d’élus. Enfin presque. Le contingent français est de 81 sièges. Dans mon village à l’orée de la vallée, comme dans beaucoup d’autres, il a fallu faire preuve d’imagination pour installer le nombre de panneaux officiels. Quand bien même certains seront-ils restés vierges. La démocratie a ses règles, elle a ses rituels. Sibelle insiste. Mais c’est non. Pas plus ce dimanche que n’importe quel autre jour d’élection, elle n’aura le droit de m’accompagner dans l’isoloir, même cachée dans mon blouson. Ben quoi ? Le scrutin est secret. Même pour les chiens, même pour les chats.