Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ C’est devenu une tradition, les jours de rentrée scolaire. Avec Sibelle, l’air de pas y toucher, on multiplie les allers-retours sur le bolet. On tend l’oreille, et après on jette un œil dans la rue. On essaie de saisir quelques éclats de rire quand ce ne sont pas des pleurs, on cherche à apercevoir une maman ou un papa accompagnant son ou ses enfants… L’école est située à quelques hectomètres de notre maison, sur les hauteurs du vieux village. Jusqu’au dernier week-end d’août, ce sont des vacanciers que l’on croisait, des touristes. Mais désormais, d’autres visages, d’autres silhouettes se pressent. C’est dans ces moments-là que l’on saisit pleinement l’immense richesse que constitue pour une petite commune de conserver une école, une vraie. Et quand bien même mes propres enfants ne sont plus scolarisés depuis longtemps, je reprends ce lundi d’autres habitudes. Comme tous les autres adultes, actifs ou retraités, qui habitent notre petit bourg accroché à la colline. Et Sibelle aussi. Y compris sur le plan de sa propre sécurité. Elle craint moins les enfants que leurs parents automobilistes quand ils viennent déposer leurs chères têtes blondes ou pas blondes et craignent d’être en retard. Mais les jours de rentrée sont aussi jours de nostalgie. Est-ce vrai ? Est-ce déjà il y a plus d’un demi-siècle que je fréquentais l’école Jean-Jaurès à Sedan ? Et c’est en quelle classe, déjà, que j’avais appris ce poème de Paul Verlaine ? « Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà, De ta jeunesse ? » Sibelle me regarde avec ce qui ressemble à de l’empathie. J’en profite. Alors je garde pour moi ce souvenir olfactif : pourquoi l’odeur étrange de la brosse qui effaçait la craie sur le tableau me semblait tout à la fois immonde et enivrante ?
Mardi._ On sait désormais que les deux députés lotois, le socialiste Christophe Proença et le « non inscrit » Aurélien Pradié ne voteront pas la confiance à François Bayrou ce lundi 8 septembre. Tandis que le Premier ministre multiplie les apparitions TV (qui ne sont pas toutes réussies si j’en crois Sibelle), comme pour prendre à témoin le pays (en gros, si c’est la chienlit demain, ce ne sera pas de sa faute), la France s’apprête doucement mais sûrement à traverser une nouvelle zone de turbulence. Quand le président Macron a décidé de dissoudre l’Assemblée en juin 2024, qu’espérait-il donc ? Toujours est-il que nos députés, eux, choisissent de prendre la plume. Dans une lettre aux Lotois, Monsieur Pradié dit son désir de voir être constitué un gouvernement d’intérêt national. « On ne sort d’une situation piteuse qu’en voyant grand » dit-il aussi. Monsieur Proença rédige lui un courrier adressé à Léon Gambetta : « Nous, républicains d’aujourd’hui, avons le devoir de raviver la flamme que tu as allumée…. » Bref, chacun à sa façon nous prévient que l’heure est grave. On s’en doutait un peu, certes. Mais les choses qui vont sans dire vont mieux en les disant. Pour la suite, je ne suis ni Madame Soleil ni Madame Irma.
Mercredi._ Le Lot, ou on en sort (jeu de mots devenu un classique), ou on en tombe amoureux. Pour la vie. On apprend en effet que la fille du génial cinéaste Louis Malle, Chloé, qui a pris les commandes de l’édition américaine de Vogue où elle remplace Anna Wintour, alias « Le diable s’habille en Prada », n’aime rien tant que revenir en été sur les traces de son enfance à Lugagnac. Elle vit en Amérique et fréquente le gotha de la mode, mais pour s’aérer l’esprit, au mois d’août, elle se baigne dans le Lot ou le Célé, boit un café à Saint-Cirq et marche en espadrille avec mari et enfants dans les ruelles étroites de nos villages… En 2015, c’est ici qu’elle s’est mariée, dans la même petite mairie rurale où quelques décennies plus tôt, son père avait épousé Candice Bergen. Sibelle retrouve cette citation de Louis Malle, justement : « Quand vous venez d’ailleurs, vous voyez des choses que ceux qui sont plus familiers avec l’environnement ne remarquent plus. » Cela étant, est-ce le Lot que veut retrouver Chloé ? Ou bien une part d’elle-même que le reste de l’année, le tourbillon des défilés et des salles de rédaction semble enfouir ?
Jeudi._ Ultime visite d’un membre du gouvernement Bayrou dans le département : Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la Ruralité, a passé une partie de sa journée à Cahors et Saint-Céré. On retiendra cette phrase : « Je ne sais pas si ce gouvernement a de l’avenir. Mais je sais que si notre pays tient à son avenir, il devra s’appuyer sur sa ruralité. » Sibelle voudrait ponctuer ce petit chapitre d’actualité par un trait d’esprit, voire une vacherie. Mais elle ne trouve rien. Ah, quand même. En parcourant la notice Wikipédia consacrée à Madame Gatel, on apprend certes qu’elle est élue locale d’une petite ville, Châteaugiron, en Ille-et-Vilaine, mais qu’elle a effectué toute sa carrière professionnelle à Rennes. C’est tout.
Vendredi._ Et vous, vous faites quoi ce week-end ? Tandis que les rugbymen de Cahors entament leur saison en Fédérale 1 par un déplacement à Bergerac, avec Sibelle, nous allons sans doute faire un tour au Salon du Livre Ancien et Moderne, qui se tient à l’Espace Valentré. Cette année, le thème de l’astronomie est à l’honneur. Cela étant, avec ma protégée, je chercherai un ouvrage très particulier. Il fut édité en 1886, imprimé à Cahors. Il s’agit d’une étude signée Louis Greil : « Les fous littéraires du Quercy ». On y découvre de drôles d’auteurs, dont on ne sait plus au fil des pages s’ils étaient vraiment fous ou s’ils avaient anticipé que le Lot serait appelé, au XXème siècle, à devenir l’une des patries du surréalisme !





