Sibelle, la prévention du gel dans les vignes, la ligne POLT, un 1er mai tristounet et les Européennes

Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.

Lundi._ Alors que les vignes ont été très affectées par les récents épisodes de gel, le Département prend le taureau par les cornes et vote un crédit d’un million d’euros. Si on comprend bien, avec ma protégée, il ne s’agit pas d’un fonds d’indemnisation mais d’un investissement, comme l’a expliqué le vice-président PS Rémi Branco. Il s’agit de s’adapter à l’évolution du climat. « Comment faire quand l’aléa devient la règle ? Quand d’année en année, les phénomènes se reproduisent ? Et bien il faut regarder les choses en face et anticiper. (…) La reprise de végétation va être de plus en plus précoce. L’exposition au gel va devenir la règle. Comment voulez vous qu’un végétal comme la vigne résiste quand elle reçoit comme message pendant 3 jours : soleil et 30 degrés et 15 jours plus tard : -3 degrés ? Alors on fait quoi ? On laisse se faire la déprise avec la catastrophe économique que ça représente, la détresse humaine, les risques d’embroussaillement et les risques sanitaires ? Nous vous proposons de faire un autre choix : celui de se préparer, anticiper, prévenir. De poser un premier jalon d’un futur plan d’adaptation des filières concernées au changement climatique, et en particulier au gel. Toutes les options techniques seront mises sur la table, sans tabou. On étudiera très concrètement les impacts financiers et environnementaux. Mais l’objectif est clair : on s’engage pour sécuriser, pour pérenniser au plus vite la production. Pour ne plus que des vignerons ou arboriculteurs se réveillent tous les matins d’avril la boule au ventre. » Une des solutions est connue. C’est d’imiter les vignerons de Bourgogne, d’Alsace ou du Val de Loire, de poser des centaines de bougies, de brûler de la paille pour que des nuages de fumée fassent écran, ou encore d’aménager des lignes électriques chauffantes dans ou à la surface du sol. Cela permet de gagner parfois un, deux voire trois degrés. Cela a un coût, et cela ne marche pas toujours (si le gel est plus rude que prévu). Ma protégée féline imagine aussi que des scientifiques peuvent rechercher des solutions pour retarder la végétation. Mais son plan, à Sibelle, est encore plus ambitieux. « Il existe des boucliers anti-missiles. Fabriquons un bouclier antigel. Une bulle de verre ou de plexiglas qui suivrait le Lot et ses coteaux. Et si, en plus, cela pouvait nous protéger de certaines laideurs du monde… » Banco !

Mardi._ Fureur des élus, des usagers, des associations. On apprend que les nouvelles rames Oxygène destinées à remplacer les trains Corail actuels (qui ont pour certains plus de 40 ans) sur les lignes Paris-Orleans- Limoges-Toulouse (notre fameuse ligne POLT) et Paris-Clermont-Ferrand ne seront livrées et opérationnelles que 2026, début 2027. Avec cinq ans de retard. Avec ma protégée, nous sommes également en colère, surtout que cet énième affront ne semble guère, au fond, qu’un détail ou presque par rapport au problème numéro 1 : Corail ou Oxygène, faut-il d‘abord que les trains circulent et soient à l’heure. Que l’on cesse par exemple de transformer les Paris-Cahors en Paris-Brive, et que l’on informe les passagers en temps réel, depuis les PC informatisés de la SNCF, des raisons qui poussent tel TER à s’arrêter en rase campagne durant 40 minutes ou tel Intercités de s’ébranler avec 20 minutes de retard des quais d’Austerlitz ou de Matabiau. Quand on lit chaque jour ou presque les SOS lancés sur Twitter par les usagers, ça laisse songeur. Ah, du temps de Pompidou, on soignait les liaisons Paris-Cahors-Cajarc ! Mais ça, c’était avant.

Mercredi._ Fête du travail et fête des travailleurs, ce 1er mai se transforme cette année en fête du parapluie. J’ai ressorti un vieux pébroque pour aller acheter une baguette et rapporter en même temps un brin de muguet à ma tigresse domestique. Sibelle n’est pas insensible aux traditions. Elle me remercie. A l’abri, sous le bolet, nous regardons les nuages déverser leur cargaison aqueuse sur la rivière et les causses, au loin. Depuis les hauteurs du vieux village, l’horizon semble toutefois bouché. N’en déplaise à la formule du cher et regretté Maurice Faure, il y a hélas des jours où l’on est enclin à dire que « nous sommes pauvres et nous ne sommes pas beaux ».

Jeudi._ Cela n’empêche pas les miracles, toutefois. Sibelle en est toute bouleversée. Une orchidée sauvage vient de surgir sur la pelouse fatiguée de notre modeste jardinet, elle se pousse du col à l’écart d’une plate-bande, toute fière, toute insolente de beauté et d’authenticité. Un peu plus loin, même les premières roses Pierre de Ronsard ou Léo Ferré semblent très ordinaires, très et trop classiques. « Portée par le vent et le hasard, cette orchidée est venue nous rappeler que nous ne sommes pas chez nous. La nature environnante peut à tout instant reprendre ses droits, les orchidées sont comme des avant-gardes au sens militaire du terme, elles viennent reconnaître le terrain qui est d’ailleurs le leur depuis des millénaires. Elles sont insolentes et très sûres. Aucun muret en pierre sèche, aucun buisson, aucun chemin ne les arrête » s’émerveille ma belle qui prête ainsi allégeance à ce cadeau du printemps. On connaissait André Breton et sa métaphorique « rose impossible » à Saint-Cirq. Eh bien nous voilà avec l’orchidée de tous les possibles.

Vendredi._ La campagne pour les Européennes a débuté dans le Lot aussi doucement qu’ailleurs dans le pays. Quelques réunions par-ci, quelques tracts par-là. Le député Pradié qui ne peut pas être absent trop longtemps de la scène joue sur tous les tableaux. Il accueille le week-end la tête de liste LR François-Xavier Bellamy et quelques jours plus tard, continue son tour de France des librairies à Limoges pour dédicacer son livre « Tenir bon ». Entre-temps, il fait un détour par les studios de France Inter. A gauche, le PS tente de se refaire une santé et fait bloc pour oublier les durs conflits internes d’hier, ex-pro ou anti-Nupes resserrent les rangs. Chacun surfe sur la vague Glucksmann. Il fallait bien un non carté pour rebattre les cartes. Sibelle me demande s’il y aura une liste du Parti animaliste. Je ne sais. Elle entend voter quoi qu’il arrive le 9 juin. Et pour cause, les vétos ont marqué sur son carnet de santé que c’était un chat européen.