Sibelle, la colère des paysans, la retraite de mon maraîcher préféré et le come-back d’Huguette Tiegna
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ Comme annoncé, à Cahors et à Figeac, des convois de tracteurs se rejoignent et des dizaines d’agriculteurs expriment leur désarroi. Les revendications n’ont pas varié : trop de normes, de paperasse, et des prix toujours trop bas qui ne permettent pas à beaucoup d’entre-eux de vivre décemment alors qu’ils ne comptent pas leurs heures. S’est ajouté le projet de traité de libre-échange dit du Mercosur. Evidemment, comment comprendre qu’on accepterait d’importer des produits qui ne répondent pas aux critères qu’on impose à nos propres paysans ? Les observateurs notent au passage que la dissolution de cet été n’a rien arrangé, stoppant le cheminement qui devait permettre de voter une nouvelle loi Egalim (censée protéger les producteurs lors des négociations avec les distributeurs et intermédiaires). Ça n’a rien à voir. Encore que. Ce week- end, avec Sibelle, nous avons eu la confirmation que le maraîcher qui est au rendez-vous du marché hebdomadaire de notre petit village allait bientôt dire « stop ». Il prend sa retraite. L’exploitation est reprise mais certaines activités ne vont pas perdurer. Or, un marché sans fruits et légumes, ce n’est plus vraiment un marché. Surtout quand l’homme (ou la femme) qui est derrière l’étal vient vendre des asperges, des tomates, des fraises, des melons (liste non exhaustive) qu’il a lui-même plantés, cultivés, chouchoutés, sélectionnés, rangés dans les cagettes, embarqués dans sa fourgonnette… Il se dit qu’une solution a été trouvée. Un commerçant qui joue la carte des circuits courts le remplacera. On verra. Soudain, voilà que Sibelle éclate de rire. « Je me souviens de cette fois où tu es rentré tout penaud. Tu étais parti au marché. Tu voulais des tomates. L’ami maraîcher t’avait proposé des ananas. Avait suivi un long silence. Tu ne savais pas encore que c’était l’appellation d‘une variété de tomates jaunes… Ah, ces citadins qui viennent s’installer dans la campagne lotoise ! »
Mardi._ On apprend la mort de Charles Dumont. Il avait 95 ans. Il restera dans l’histoire comme le compositeur d’une chanson parmi les plus célèbres du répertoire français (et même international) : « Non, je ne regrette rien… » On sait moins qu’il créa les musiques de plusieurs films de Jacques Tati. Charles Dumont était né à Cahors en 1929. Il y a quelque temps, une plaque avait été apposée, en sa présence, sur la maison où il vit le jour. « Je suis Cadurcien, et fier de l’être. La meilleure partie de ma vie, je l’ai passée à Cahors. La ville où l’on est né, c’est un peu votre mère. C’est un lieu qui ne périt pas » avait déclaré l’artiste. Ses obsèques auront lieu la semaine prochaine en Normandie. Sibelle sifflote. Un exploit pour un chat. C’est son hommage à elle.
Mercredi._ Les maires aussi sont en colère. En France, dans le Lot, partout. Ils ne digèrent pas la cure d’austérité imposée par le gouvernement. Et le font savoir. Nombre d’entre-eux risquent surtout de jeter l’éponge en 2026. Surtout dans les petites communes. Ne lui répétez pas mais du coup, une forme d’angoisse m’étreint. J’espère qu’il n’y aura pas de crise des vocations dans notre village. J’en connais une (son nom commence par un S et finit par un E) qui serait capable de mettre tout le monde d’accord (sauf moi) en montant une liste. J’imagine déjà son slogan, en lettres capitales sur sa profession foi. Une formule inventée en son temps par Maurice Faure, grand politique lotois dont l’ombre tutélaire demeure sur nos campagnes quercynoises : « Nous sommes pauvres mais nous sommes beaux ! »
Jeudi._ A l’heure où le beaujolais nouveau s’invite sur les comptoirs (et la neige sur les chaussées du nord du pays), les responsables de la profession confirment que 750 hectares de vignes vont être arrachés dans le département. « On va gagner en compétitivité, en rendement » affirme le président de l’appellation Cahors, Nicolas Fournié. Reste qu’il ne suffit pas de produire du bon vin à des prix raisonnables. Faut-il que les consommateurs soient au rendez-vous. Je me mets parfois à la place d’un touriste (j’en fus un, ce n’est donc pas un exercice très compliqué) qui ne connaît pas vraiment les vins d’ici. On en voit, en été. Ils longent les parcelles comme les rayons des supermarchés. Ils voient des noms de domaines, ils voient des étiquettes, ils voient des prix qui varient de 1 à 10 ou plutôt de 10 à 100. C’est difficile pour eux de s’y retrouver. « Si j’avais le temps, je mettrais au point une application avec géolocalisation et un classement » propose ma tigresse domestique. Mais d’une manière générale, les Français boivent moins, et en tout état de cause moins de vin. Et sont de plus en plus nombreux à préférer le blanc. Rien n’est simple. Je m’en remets à Pierre Dac : « Si la vérité est dans le vin, qu’elle y reste ! »
Vendredi._ L’ex-députée Huguette Tiegna effectue son retour et annonce créer une association nommée FER (Force de l’Engagement pour la République), c’est-à-dire « un cercle de réflexion citoyen se voulant une véritable force de propositions, mettant en avant les intérêts de tous ceux qui font vivre notre pays, nos paysans, nos PME, nos commerçants et artisans, nos soignants, nos aidants, nos enseignants, nos jeunes, nos services de sécurité, nos associations etc… Bref, toutes celles et tous ceux qui, le matin se lèvent et accomplissent leurs tâches quotidiennes, sans oublier nos retraités qui ont tant apporté à la nation ». Battue cet été après sept ans de mandat, Madame Tiégna précise encore que son engagement s’inscrit « dans la continuité des grandes figures de la République, telles que Jean Jaurès, le général de Gaulle, Simone Veil, les Lotois Léon Gambetta et surtout Gaston Monnerville ». « Un gouvernement qui aurait de la gueule » conclut Sibelle. J’en remets une couche quand même. Il manque Maurice Faure.