Sibelle, la chanson des corons, le retour du Tour et l’oracle de Saint-Cirq-Lapopie
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ Retour sur un week-end tranquille en famille. Avec, samedi après- midi, pour débuter, une escapade chez Emmaüs, sur la zone d’Englandières. Il y a foule, comme chaque après-midi de vente ouverte au public. On trouve des meubles, des livres, des objets décoratifs, de l’électro-ménager. Un paradis pour les chercheurs de bonnes affaires comme pour les nostalgiques. J’aperçois ici un petit meuble en bois avec siège pour téléphoner (quand les combinés étaient fixes). On avait le même à la maison dans les années 80. Il ne manque plus qu’une table en formica et l’on sera parachuté en plein film de Claude Sautet. Ici, un décorateur de cinéma aurait tout sous la main… On enchaîne avec une petite virée dans la campagne, près de notre village. Il y a un coin avec des noyers qui longent un chemin vicinal. Ce n’est pas de la maraude, c’est comme ça. Il suffit de se baisser pour ramasser quelques noix dans le talus. Mais zut. J’avais bien vu un panneau, comme l’exige la loi… Il y a une chasse en cours (pas à courre). De fait, des gilets fluos sont visibles à l’orée des bois. Alors on hésite. On ne va pas prendre de risques pour quelques noix ? Ben si. On s’arrête deux-trois minutes et on repart aussi sec avec une poignée de noix. Au retour, j’évoque l’épisode à Sibelle. Cette anecdote ne fait pas rire ma protégée qui se veut une militante animaliste. Ce qui ne l’empêche pas d’aller chasser elle-même. Et pas seulement le samedi. L’époque est ainsi. Une somme de paradoxes. Il faudrait réguler le gibier sans le chasser. Ou chasser autrement. Pas le samedi en tout cas quand j’ai envie de me promener. Voilà. Je n’ai pas de solution à tout. Loin s‘en faut. Sinon, je serais Président de la République. « Tu oublies la citation de Clemenceau » me tance Sibelle. « On ne ment jamais tant qu’avant les élections, pendant la guerre et après la chasse… » Voilà. Débrouillez-vous avec ça.
Mardi._ A la mi-temps du match de Ligue des Champions entre Lens et Eindhoven, est diffusé un reportage sur la chanson de Pierre Bachelet devenue l’hymne des supporters locaux qui la reprennent a capella à chaque match. Et plus de 30 000 personnes qui chantent « Au Nord, c’était les corons / La terre, c’était le charbon. / Le ciel, c’était l’horizon. / Les hommes, des mineurs de fond… », cela donne des frissons. Qu’on aime le foot ou non. Le reportage s’achève sur quelques images de corons. Ces petites maisons ou rangées de maisons que les compagnies firent construire pour loger les mineurs. Sur le plateau de Canal +, plusieurs invités s’étonnent. Ils avouent qu’ils ne savaient pas ce qu’étaient les corons. Ils confondaient peut-être avec les terrils. Ma protégée elle-même dit son étonnement. « Je croyais que c’était une douleur sur les coussinets ou aux orteils. Quand on a un coron au pied. »
Mercredi._ Encore une fois ! On apprend que le Tour de France 2024 qui s’élancera de Florence le 29 juin et s’achèvera à Nice le 21 juillet (en évitant Paris et les Jeux) fera un (large) crochet par le Lot. Ce sera le jeudi 11 juillet, à l’occasion de la 12ème étape reliant Aurillac à Villeneuve-sur-Lot. Le peloton passera notamment par Saint-Céré, Rocamadour, Gourdon et la Bouriane. « Une excellente nouvelle pour notre attractivité et notre tourisme » s’est félicité Rémi Branco qui représentait le département à la cérémonie de présentation à Paris. Sibelle – qui craint les vélos quand elle se balade dans les ruelles du vieux village – opine néanmoins du chef. « C’est aussi une bonne nouvelle pour les usagers de ces routes qui seront n’en doutons pas bichonnées pour l’occasion » remarque-t-elle. Je rétorque : « Tu veux dire par là qu’au final, les automobilistes ont tout à gagner à ce que la grande fête du vélo passe le plus souvent possible par chez nous ? » Ma protégée semble acquiescer. Pas vous ?
Jeudi._ Sévère rapport de la chambre régionale des comptes qui suggère qu’il y a trop d’aéroports en Occitanie et que cela coûte donc très cher aux contribuables… A part Toulouse et Montpellier, les autres (Carcassonne, Béziers, Nîmes…) sont obligés d’accorder des largesses aux compagnies low-cost pour les attirer et doper un trafic qui reste néanmoins très faible. Et les déficits sont épongés par les collectivités. La chambre ne nie pas de surcroît les retombées pour les territoires, notamment touristiques, mais elle les juge surévaluées. Le Lot n’est plus concerné. Ici, on va prendre l’avion à Toulouse ou à Brive. « Remarque, déjà qu’on risque de payer pour un TGV qui ne passera pas dans le département… » relativise ma cruelle féline.
Vendredi._ Visite ministérielle. Stanislas Guérini, le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, était « chez nous » ce vendredi. Arrivant de l’Aveyron, son programme prévoyait une première étape à Cajarc avant une grande rencontre à Gigouzac avec les secrétaires de mairie (pour évoquer l’évolution de leur statut) et un passage dans l’après-midi à Martel. Ah j’oubliais. Où avais-je la tête ? Après Cajarc, une étape était évidemment programmée à Saint-Cirq-Lapopie pour un échange avec le maire Gérard Miquel. L’ancien sénateur et président du Conseil général, ami du président Macron, désormais premier magistrat du village où l’on cesse de se désirer ailleurs (selon les mots de Breton) est devenu le sage (ou le seigneur) que tout visiteur membre ou proche de la majorité doit venir saluer quand il visite le Quercy. Il reçoit alors l’absolution laïque de l’homme qui a le bras long et l’oreille de l’Elysée dans son repaire qui domine la rivière… On me souffle dans l’oreillette que naguère, c’est Maurice Faure qui tenait ce rôle. Il répétait alors aux pèlerins le saluant cette maxime qui est devenue notre devise : « Nous sommes pauvres, mais nous sommes beaux. » Mais au fait, quelle est la formule que l’oracle de la Fourdonne délivre désormais à ses visiteurs ? A-t-il repris ces mots d’André Breton : « Errez, à vos côtés viendront se fixer les ailes de l’augure… » Sibelle se marre. « Mais non. Il leur répète ce conseil du poète : Indépendamment de ce qui arrive, n’arrive pas, c’est l’attente qui est magnifique. » Au moins, si c’est le cas, le ministre aura regagné Paris avec de quoi phosphorer ce week-end.
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