Sibelle et les héros de Normandie
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
– Ce sont des héros. Des vrais. Ils sont venus des Etats-Unis, ils sont là, 75 ans après, ils ont voulu de nouveau fouler le sable de ces plages normandes où ils débarquèrent en juin 1944, où tombèrent tant de leurs compagnons, ils ont voulu témoigner, encore, dire leur fidélité. Jeudi, avec Sibelle, je regarde leurs visages qui défilent sur l’écran de la télé pendant la retransmission des cérémonies que président Emmanuel Macron et Donald Trump. Ces vétérans qui ont vécu l’enfer sont âgés de plus de 90 ans désormais. Mais ils ont survécu à l’enfer. Ils sont dignes, ils sont émus, et pourtant, il y a chez eux une sorte de désinvolture tout bonnement magnifique. Avec leur casquette et leur blouson en cuir ou en toile kaki, on dirait qu’ils viennent de sauter d’une Jeep en marche. Ils n’ont pas jugé nécessaire d’enfiler un costume et d’arborer une cravate. Et ils ont raison. Leur seule présence suffit. Ces héros-là, au fond, ils ne mourront jamais. Je raconte à Sibelle qu’il y a une dizaine d’années, j’ai passé quelques jours près de Colleville-sur-Mer. J’ai visité l’immense cimetière américain. Il faisait beau, un soleil d’automne baignait cet îlot sacré. En juin 44, c’était l’inverse. Une tempête dans le ciel et une tempête de sang sur le rivage. « Il y a deux sortes d’individus sur cette plage: les morts et ceux qui vont mourir, alors foutons le camp d’ici en vitesse! » : les mots du Colonel Taylor valent tous les récits.
– « Nous ne mandatons aucune entreprise… » Le conseil départemental comme la ville de Cahors ont mis les choses au point cette semaine alors qu’une campagne de démarchage téléphonique d’une ampleur sans précédent touche le Lot comme toute la France. Les formulations varient, se recommandant de l’Etat ou des collectivités locales, mais à chaque fois, il s’agit d’inciter le public à profiter de conditions exceptionnelles pour isoler son logement contre la somme de 1 euro. Certes, il existe bel et bien un dispositif gouvernemental précis sur la question, mais à l’évidence, si tout un chacun pouvait en bénéficier, ça se saurait. Désormais, à la maison, c’est Sibelle qui répond au téléphone quand le numéro affiché laisse à penser que nous avons affaire à ce genre de démarcheur. On recense parfois jusqu’à 10 appels par jour. Mais ma protégée reste de marbre. Elle écoute le message puis elle répond, avec une dignité toute féline : « Je vous remercie. Je ne doute pas que votre travail soit pénible. Et sans doute mal rétribué. Mais en l’espèce, en terme d’isolation, je suis déjà gâtée par la nature. Je suis venue au monde avec une doudoune de poils. Bonne fin de journée. »
– Nouveau temps fort du 900ème anniversaire de la cathédrale de Cahors avec ce week-end moult animations ludiques, culturelles et gourmandes regroupées sous cette appellation : « Le temps des bâtisseurs ». Bref, un plongeon au cœur du Moyen Age, l’époque historique sans doute la plus mal connue des Français. Dans notre imaginaire, et le succès des « Visiteurs » au cinéma n’a rien arrangé, on y passait son temps à brûler les sorcières, à fuir la peste, à batailler alourdis par des armures ou, pour les chevaliers, à s’y mesurer lors de tournois épiques. Rappelons quand même, et Sibelle est d’accord avec moi, qu’on édifia durant ce Moyen Age des somptueux châteaux et des cathédrales magnifiques. Pourtant, Sibelle tique un peu. Nos ancêtres lointains jugeaient le chat comme une créature démoniaque. Il fallut attendre la Renaissance pour que cette réputation s’estompe. « Cela étant, les historiens sont formels. Dans les campagnes, les chats étaient préservés. Ils veillaient sur les récoltes. » Sur ce, Sibelle va se poster sur le bolet. Elle ne surveille plus les blés. Elle se contente d’attendre qu’un lézard se hasarde sur le muret ou qu’une mésange inconsciente fasse une halte près de notre rosier.