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Sibelle et le retour à l'(a)normal


Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.

Il y a bien le vent, la pluie et le thermomètre en chute libre, en cette fin de semaine, qui nous confirment hélas que l’été s’en est allé. Le seul repère à peu près tangible en cette année terrible. Pour le reste, comme nous pouvions le craindre, l’épidémie a effectué son retour, et avec elle son cortège de masques, de flacons de gel, de distanciations, sociales ou pas, de tests, de festivals annulés, de réunions reportées, de matchs à huis-clos, de départements en rouge, rouge foncé, rouge écarlate, de quarantaines en forme de quatorzaines ou de septaines.

« Tant qu’il n’y a pas de vaccin ou de traitement efficace, ce quotidien anormal sera la norme » soupire Sibelle. Comment lui donner tort ? « Mais sauf à être touché soi-même, le pire, c’est de s’habituer à ne plus avoir de projet, à ne plus pouvoir envisager l’avenir au- delà de quelques jours. Quoi ? Un week-end à Toulouse courant octobre pour visiter une expo ? Une réunion de famille en Lorraine à la Toussaint ? Une invitation, déjà, pour passer les fêtes à Paris ou en Bretagne ? Quoi ? Un apéro de quartier ? Un anniversaire ? Quand ? Où ? Avec combien de convives ? Non. Impossible de répondre. Ni oui, ni non. On ne sait plus. On vit au jour le jour. On se contente de formules toutes faites, fatalistes. On répond : on verra bien ! » 

Ah si, quand même. Il y a une chose à laquelle, masque ou pas, virus ou pas, on ne peut s’habituer. Parce que le chagrin, c’est comme l’indignation. Quand on n’a plus la force de pleurer ou de crier, c’est que nous avons perdu une part de notre identité intime. Sans que le ou la Covid soit nécessairement en cause, 2020 ressemble à un bien funèbre générique : sont décédés Albert Uderzo, Christophe, Michel Piccoli, Little Richard, Idir, Guy Bedos, Marcel Maréchal, Ennio Morricone, Zizi Jeanmaire, Chadwick Boseman, Annie Cordy, Diana Rigg, Roger Carel… Et cette semaine, Michael Lonsdale et Juliette Gréco. Et je n’ai mentionné qu’une partie des personnalités du monde du spectacle… A chaque fois, j’explique à ma tigresse domestique pourquoi la mort de cette célébrité me touche. Pourquoi un peu ou beaucoup de ma jeunesse s’en va avec elle. Un peu de moi-même. Un peu de mes rêves, de mon insouciance, un peu de ce qui fait que le soleil brille parfois en pleine nuit…

Juliette Gréco : il n’y a, il n’y eut plus merveilleuse icône de Paris, et plus précisément de ce Paris que l’on regrette de ne pas avoir connu, celui de Saint- Germain des Prés, des clubs de jazz, des cabarets, celui de la Rive gauche de l’après guerre. Ce Paris de tous les possibles, de toutes les audaces, de toutes les modes très vite démodées. Juliette Gréco, une Parisienne qui avait tant de liens avec le Quercy. Quand, scolarisée à Montauban, elle entre de fait dans la Résistance avec sa mère et sa sœur aînée, œuvrant à une filière d’évasion vers l’Espagne. Et plus tard, quand cette amie de la poésie qui a déjà chanté Prévert ou Queneau vient séjourner à Saint-Cirq Lapopie chez le grand André Breton. Merci Madame !

Mais comment conclure sans une note plus gaie ? Sibelle heureusement veille au grain. Elle a repéré cette information sur le site du Conseil départemental du Lot. En lien avec la fédération de pêche et les syndicats mixtes en charge des cours d’eau concernés, des opérations de comptage et piégeage ont été entreprises et des travaux menés à bien pour pérenniser la présence des écrevisses à pattes blanches dans le ruisseau de Rivalès, en Bouriane. Elles y sont menacées, comme ailleurs, par des écrevisses californiennes à l’appétit féroce. Or, l’écrevisse à pattes blanches est « une espèce patrimoniale assez rudimentaire qui a assez peu évolué depuis le tertiaire et qui reflète la santé d’un cours d’eau, la bonne qualité du milieu. C’est un bio indicateur » explique le spécialiste Théo Duperray. Pas dupe, je devine pourquoi ma chère protégée féline n’a pas été indifférente à cette bonne nouvelle.

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Je la préviens : « N’y pense même pas ! Tous ces efforts n’ont pas été consentis pour que les écrevisses à pattes blanches, sauvées ici du péril représenté par leurs cousines américaines, soient à la merci de je ne sais quel matou en goguette. On peut encore se promener, malgré l’automne, dans notre beau département. Mais pas de pêche en Bouriane au programme pour Mademoiselle Sibelle ! » Nous irons plutôt sur les quais, à Cahors, où des spécialistes, dont des cordistes, sécurisent les parois rocheuses surplombant la rivière et les voies. Un ballet tout de technique et de grâce à des dizaines de mètres du sol. « Ces humains sont de vrais félins », sourit Sibelle.

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