Sibelle et le miracle de Longwy
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Week-end de Toussaint. Je ne sais plus quel après-midi de cette semaine, soudain, depuis le bolet de la maison, sur les hauteurs du village, j’ai eu le corps et l’âme électrisés : les notes d’un cor de chasse ont résonné depuis le cimetière pour baigner tout le coteau du causse. Rituellement, régulièrement, un fils vient ainsi rendre hommage à son père. Et la solennité, et la beauté de ces notes qui déchirent l’air d’automne valent tous les chrysanthèmes, je vous l’assure. Même Sibelle, qui la nuit j’imagine perçoit d’autres sortes de mélodies plus ou moins improvisées quand elle part en goguette, a été ipso facto stoppée dans sa sieste. Même quand ils sont synonymes pour la plupart d’entre-nous de souvenirs douloureux, même quand y reposent parents, amis ou proches trop tôt partis, mais toujours aimés, les cimetières constituent l’essence première de ce qui fait de nous des êtres humains : aménager une sépulture, la respecter et l’entretenir est ce qui nous distingue des barbares. J’allais écrire des bêtes, mais ce serait faux : il est des animaux, domestiques ou pas, qui ont aussi ce même sens – inné chez eux – du sacré. Religieux ou pas. Voilà qui me rappelle par esprit de l’escalier une leçon d’un de mes professeurs à la faculté d’histoire de Reims qui conseillait, quand on visitait pour la première fois une localité, a fortiori rurale, de commencer par le cimetière communal. Les sépultures et leur emplacement, les monuments funéraires plus ou moins ouvragés, les plaques, les noms : tout y fait sens. C’est un concentré d’histoire commune… Sans parler de certaines traditions très localisées, comme les tombes pyramidales de Lafrançaise, au nord-ouest de Montauban, dont on dit qu’elles pourraient faire référence à de nobles officiers du Quercy ayant participé à la campagne d’Egypte. J’arrête là. Il y aurait tant à dire.
Et de toute façon ma chère protégée féline est déjà passée à autre chose. La voilà qui s’agite, qui miaule à l’envi pour m’attirer vers elle. En surfant sur le web – oui, j’en conviens, je ne devrais pas lui prêter ma tablette -, elle est tombée sur cette information de nos très sérieux confrères de Vosges Matin. Il y a quelques jours, Marie et Jean-Pierre, des habitants d’Arras, dans le Pas-de-Calais, ont reçu un coup de fil. Jasmin, leur chat siamois qui s’était échappé de leur camping-car à l’été 2016, lors d’une halte à Longwy, au retour de vacances en Alsace, venait d’être retrouvé et identifié dans cette même cité de Longwy, ancienne capitale du bassin minier de Lorraine. Depuis trois ans, Marie et Jean-Pierre ne s’étaient jamais résignés. Et avaient posté sans cesse des messages et des SOS sur des sites spécialisés. Comme Sibelle, ce conte de Noël en pleine Toussaint me fend le cœur. Je pense à sa grande sœur Abysse, disparue il y a déjà deux ans et demi. Je pense à ce qu’ont pu être les retrouvailles entre Jasmin et ses maîtres, Marie et Jean-Pierre. En vous souhaitant une bonne fin de week-end…