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Sibelle et le 13 heures de TF1


Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.

En dépit du bien fâcheux contexte sanitaire, Cahors continue de célébrer l’année Gambetta, laquelle ne se résume pas au 150ème anniversaire de la proclamation de la IIIème République au lendemain de la capitulation de Napoléon III à Sedan. En effet, 2020 est aussi le 100ème anniversaire du transfert du cœur de Léon Gambetta au Panthéon. La cérémonie eut lieu le 11 novembre 1920.

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« Est-ce dû à la période trouble que nous traversons ? Je trouve que l’on en parle beaucoup du Panthéon, ces temps-ci. Comme si consciemment ou non, nous avions besoin de repères, de retrouver un peu de lumière(s) dans la nuit… » glisse Sibelle.

De fait, ma tigresse domestique fait allusion au trouble causé dans mes chères Ardennes par une pétition d’ailleurs signée par une flopée de ministres de la Culture – Madame Bachelot en tête, et nombre de ses prédécesseurs – plaidant pour l’entrée au sein du temple républicain d’Arthur Rimbaud, natif de Charleville, et de Paul Verlaine. « Deux poètes majeurs de notre langue. Ils ont enrichi par leur génie notre patrimoine. Ils sont aussi deux symboles de la diversité. Ils durent endurer « l’homophobie » implacable de leur époque. Ils sont les Oscar Wilde français » lit-on dans l’adresse au président de la République seul décideur en la matière… A « Charlestown », comme il disait lui-même, ses concitoyens d’aujourd’hui n’ont pas goûté la plaisanterie, voire l’outrage fait à Rimbaud. « Il se fichait comme d’une guigne, c’est un euphémisme, de l’idée même de patrie. Bien qu’il la décria souvent, il revint toujours dans cité natale. Il y repose. Qu’on le laisse tranquille » entend-on dans les Ardennes. Et à Charleville, où un musée, des fresques murales (entre autres) et des événements réguliers entretiennent le souvenir et la diffusion de ce génie hors-normes, on ajoute encore : quant à réunir un couple qui se déchira du vivant même des deux intéressés, même pour la bonne cause, « c’est difficilement acceptable… ».

Nous en étions là de nos conversations avec Sibelle, envisageant ensuite de passer à l’examen des Journées du patrimoine pour choisir quel serait notre but de promenade ce week-end quand une info nous terrassa. Jean-Pierre Pernaut, entré dans le Panthéon télévisuel de son vivant, va quitter sous peu son fauteuil de présentateur du 13 heures de TF1. Une messe laïque qu’il préside depuis 1988. Au risque de passer pour des ringards, bien que parfois chagrinés par les enchaînements, les « sans transition » qui nous propulsent d’un sujet à l’autre des incendies qui ravagent la Californie au dernier café-restaurant de tel village de telle province où la carte est inchangée depuis un demi-siècle et le prix toujours affiché en francs (nouveaux, quand même), bien que nous ne soyons pas dupes de la politique marketing qui justifie les choix rédactionnels, avec Sibelle, nous sommes des fidèles inconditionnels de journal de 13 heures. Au fond, il résume notre philosophie. Le patrimoine, ce n’est pas seulement une affaire de châteaux, de grandes cathédrales gothiques ou de petites chapelles romanes, c’est aussi la recette séculaire de la mique quercynoise ou de la cacasse à cul-nul ardennaise (ne cherchez pas, ce sont des patates revenues avec des lardons et des oignons, pour dire vite), la patience des producteurs de safran, les bucoliques aventures d’un sourcier ou d’un berger sur les causses ou ailleurs, les collections de passionnés dont les remises débordent ici de fossiles, là de vieilles plaques en émail, des défilés folkloriques, la fête du slip à Montcuq ou les lancers de harengs au carnaval de Dunkerque.

Le 13 heures de TF1, c’est celui de la France qui se lève tôt pour aller au boulot ou qui s’endort devant le poste après le repas parce qu’elle est âgée. Une France plus que périphérique, pour reprendre une expression à la mode. Une France qui a le droit de s’intéresser aux grandes infos comme aux petites. Aux tourments du monde comme aux plaisirs simples : moi, j’aime désormais ainsi, quand l’ivresse de l’actualité risque de m’empêcher de dormir du sommeil du juste, filer m’asseoir sur un muret de pierres sèches, et observer le soleil se coucher derrière le maquis du causse. Sibelle me suit. Au bout de quelques minutes, généralement, c’est elle qui brise le silence. Hier, ce fut pour me demander, d’un ton qui ne semblait pas relever de la plaisanterie, si elle pourrait, au cas où, solliciter des hautes autorités le droit de m’accompagner dans l’hypothèse certes très improbable où je finirais par entrer au Panthéon.

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